Chapitre 5-1

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Dallenan, debout devant l'une des fenêtres de la salle du conseil, observait les nombreux nuages qui recouvraient le ciel d'encre. Son inquiétude s'intensifiait tout autant que la chute des flocons de neige qui présageait une grosse tempête. Ce fut lui, qui interrompit le silence pesant où seul le crépitement du bois dans l'âtre venait résonner à ses oreilles.

- Toujours pas de trace du moindre messager ? interrogea-t-il tout en jouant nerveusement avec ses doigts.

- Aucune, lui répondit aussitôt une voix grave dont on pouvait entendre les empreintes du temps. Il a dû certainement être pris dans la tempête.

- Je ne veux pas d'incertitude ! gronda-t-il en faisant volte-face, pour fixer les trois vieillards qui résidaient autour de la grande table ronde. Votre roi a disparu et vous ne semblez pas vous en émouvoir plus que cela, s'agaça-t-il en traversant la pièce pour prendre place sur le siège finement sculpté de son père.

Posant ses coudes sur le bois, le regard perdu dans le vide, Dallenan se sentait frustré par leur inaction. Bien qu'il n'en eût pas les pouvoirs, il n'avait qu'une envie, appeler les gardes pour mettre ses trois imbéciles aux cachots. Le menton posé sur ses doigts entrelacés, il songeait au sort qu'il leur ferait subir le jour où il deviendrait roi.

Chaque fois qu'il avait participé au conseil avec son père, il se posait toujours la même question. Pourquoi ne se débarrassait-il pas de ses trois incompétents ?

Il est vrai que dans leurs jeunes années, ces trois ministres avaient permis de moderniser le royaume. Mais depuis qu'il était en âge de siéger aux côtés de son père, il avait dû faire face à leurs échecs.

Il pensait à toutes ces fois, où par leur faute, il passait de nombreuses nuits sans sommeil. Étudiant, avec comme seule source de lumière, une simple petite bougie, et cela, pour trouver une solution qui satisferait enfin son paternel. Mais pour lui, ce n'était jamais suffisant.

Pourtant, c'était une période de sa vie qu'il ne regrettait pas. C'était lors de l'une de ces nuits qu'il avait appris à apprécier sa petite Aldna. Le jour de sa naissance, il ne lui avait pas porté un grand intérêt, parce qu'à ses yeux, elle n'était qu'une petite fille destinée à être vendue au plus offrant. Alors pourquoi aurait-il dû s'attacher à elle ?

C'est elle qui lui avait imposé sa présence, lorsque, mue par sa curiosité et par son esprit aventureux, elle avait pénétré dans la bibliothèque où il travaillait, pour parcourir les livres d'images. À cette période, elle n'avait que quatre ans et ne savait pas encore lire, mais il avait été fasciné par l'émerveillement qui brillait dans ses yeux. Comme attiré par son aura de liberté, il s'était rapproché d'elle. Il aimait ces moments de plénitude avec elle, où il oubliait qu'il était le prince héritier, en lui apprenant à lire, tandis qu'elle lui parlait de ses rêves.

C'est pour elle qu'il avait travaillée encore plus dur, pour qu'elle ne devienne pas qu'un pion dans l'échiquier du royaume.

Songeant avec nostalgie à ces doux moments, son regard dévia sur les trois ministres qui se pavanaient dans leurs beaux habits de soie. La mâchoire contractée de rage, il s'efforçait de ne rien laisser paraître de la colère qu'il ressentait toujours à leur égard. Il ne pouvait pas leur pardonner, pour avoir entrepris d'utiliser sa petite sœur comme une monnaie d'échange, pour une minuscule parcelle de terre.

Les doigts serrés les uns contre les autres, il sentait le sang quitter ses phalanges, tant la fureur était en train de le submerger.

- Personne n'a l'intention de bouger ! hurla-t-il en se levant brusquement, tout en frappant violemment ses poings contre la table. Il faut que je le fasse moi-même, ajouta-t-il en se dirigeant vers la porte.

Heiress's HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant