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Plus le temps passait et plus la petite fille avait peur ; sa mère l'avait laissée dans un endroit où il y avait beaucoup d'autres gens comme elles, mais elle n'était jamais revenue.
Au milieu de toutes ces personnes qui pleuraient la mort d'un proche parti se battre, qui pleuraient la faim et la soif qui les accablaient, qui pleuraient l'indifférence d'un monde qui les entourait dans une écrasante froideur, elle se sentait très, très seule.

***

YOKOHAMA
Jour -2 920
(8 ans plus tôt)

Odasaku était mort.

Dazai avait l'impression de lui aussi mourir de l'intérieur.

Du haut de ses 18 ans, il avait connu la mort, avait joué avec elle, et l'avait donnée tant de fois qu'au cœur même de la mafia on le surnommait démon.

Mais jamais il ne l'avait subie comme ça.

C'était tellement violent qu'il lui semblait qu'on le déchirait intérieurement.

Voilà pourquoi, quand il avait 14 ans et qu'il venait tout juste de rejoindre la mafia, il avait instinctivement décidé de ne pas s'attacher à qui que ce soit. Il avait déjà vu, par le passé, ce que la mort de quelqu'un pouvait engendrer dans son entourage -tout ce chagrin et toute cette douleur.

Alors dans un milieu où la mort s'était si profondément enracinée, c'était indispensable de ne pas se laisser aller au sentimentalisme.

Mais il est tellement facile de penser ça, quand on n'a jamais rencontré qui que ce soit qui vaille la peine de s'y laisser aller.

La vérité, c'est qu'un jour, des personnes (trois en particulier) sont apparues dans sa vie, se sont imposées et qu'il n'a rien pu faire. Il s'est attaché.

Et aujourd'hui, voilà où il en était : l'une de ces trois personnes était morte, une autre l'avait trahi et il se tenait devant la porte de la troisième, le cœur battant.

Il devait parler à Chuuya de ce qui était arrivé et de la décision qu'il avait prise.

En effet, au moment où Odasaku allait lâcher son dernier souffle, quand Dazai a cru que son âme déjà noire et impure allait se briser pour toujours, une faible lueur d'espoir y a été apportée.

Odasaku lui a clairement fait comprendre que quoi qu'il fasse il ne sera jamais heureux, mais il lui a demandé d'aider les gens au lieu de les détruire.

Il a apporté un objectif dans sa vie. Pas une raison profonde, pas de pourquoi vivre, simplement un objectif qui lui permette de faire quelque chose de cette vie.

Même s'il ne doit pas voir la différence entre le bien et le mal, au moins désormais il aura un fil à suivre, auquel se raccrocher quand il ne sait pas quelle décision prendre -un fil autre que les exigences de Mori et les attentes de la mafia. Peut-être que s'il le suit, il pourra devenir ce qui se rapproche le plus possible pour lui d'une 'bonne personne', et qu'il pourra ressembler un peu à Odasaku -du moins de l'extérieur.

Il écoutera donc le dernier conseil d'Oda. De toute façon il n'a plus rien qui le retienne à la mafia. Mori est un connard, la plupart des autres mafieux sont des idiots à la recherche d'argent ou de pouvoir et pour les autres, Dazai n'a jamais tissé de lien réellement profond avec eux.

À part avec Chuuya. Et c'est quelque chose que Dazai n'aurait jamais pensé s'avouer auparavant, mais aujourd'hui, il avait tellement mal qu'il fallait qu'il s'ouvre à quelqu'un.

La porte de Chuuya s'ouvrit.

"- Qu'est-ce que tu veux ?"

Il était quatre heures du matin et Chuuya avait l'air de terriblement mauvaise humeur.

𝐬𝐨𝐮𝐤𝐨𝐤𝐮 | seules les étoiles ont le droit de volerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant