Epilogue

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Avel avance d'un pas tranquille, mesuré. À ses côtés, Romain maîtrise tant bien que mal sa nervosité. Le lieu le rend mal à l'aise. Il frissonne, tandis que la brise porte jusqu'aux deux hommes l'humidité des embruns.

Sous leurs pieds, les graviers crissent doucement. La pierre est assombrie par l'humidité. Quelques fleurs ont été déposées récemment, d'autres semblent avoir connu des jours meilleurs. Romain suit Avel, réalisant que ses souvenirs sont trop flous pour qu'il puisse se diriger seul. Son ami n'hésite pas : il progresse avec l'aisance conférée par l'habitude. Son cœur se serre, tandis que tous deux s'immobilisent enfin.

Devant eux, il est évident que la pierre grise a été soigneusement entretenue. Avel met un genou au sol pour déposer délicatement le pot de géraniums qu'il a apporté. Les fleurs, rose vif, donnent aussitôt un autre aspect à l'endroit. Autour de la tombe, la pelouse est verte et vigoureuse - de toute évidence, là encore, quelqu'un en a pris grand soin.

Romain déglutit difficilement, sentant les larmes lui monter aux yeux. Plus de vingt ans qu'il n'est pas venu ici...

Du coin de l'œil, il observe Avel. Le départ d'Alexandre, quelques jours plus tôt, l'a ébranlé. Le jeune homme lui manque, malgré les nouvelles régulières qu'il donne. Matéo a passé plus de temps que jamais auprès d'Avel et Alana, en quête de réconfort, tandis qu'Alyssa et Romain emménageaient dans leur nouvelle demeure, à quelques kilomètres de là, et que la jeune femme se préparait à rendre visite à sa mère la semaine suivante.

À la grande surprise de Romain, c'est Avel qui lui a proposé de l'accompagner.

— Vraiment ? s'est-il étonné. Tu en es certain ?

Avel a acquiescé, calmement, le regard doux et le visage insondable. Romain a hésité encore un peu avant d'accepter. Les deux hommes se sont tournés vers Alyssa, occupée à peindre une figurine avec Matéo.

— Et toi ? a questionné Avel.

La jeune femme a levé les yeux et a souri.

— Je vous rejoins.

Romain, les yeux baissés sur la tombe, sait qu'elle tiendra parole. Alyssa a posé beaucoup de questions sur sa tante, avide d'en apprendre plus. La première fois, Romain a failli refuser de répondre. La deuxième fois, il a mieux réagi. Les fois suivantes, au fil du temps, il a réalisé que parler de Layla devenait agréable. Libérateur.

— Elle aurait adoré Alyssa, murmure Romain.

Il glisse un œil vers Avel. Il sait que, d'ordinaire, l'ébéniste vient ici avec Alana. Romain craint de le déranger, par sa présence, ses paroles. Après tout ce temps écoulé, il a l'impression d'être ici sur le territoire d'Avel. Layla était peut-être sa petite sœur, mais elle était également l'amie d'Avel... et la femme qu'il aimait. C'est lui qui a entretenu la tombe, année après année, qui a pris soin de la pelouse, qui a fleuri la pierre grise pour lui donner des couleurs.

— C'est certain, acquiesce Avel, une ombre de sourire sur les lèvres.

— Merci pour...

D'un geste, Romain balaye l'air devant lui, englobant la tombe, la pelouse, le cimetière.

— Tu sais que ce n'est pas pour toi que je le fais. Je l'aimais aussi, Romain.

Le père déglutit difficilement.

— Je sais, souffle-t-il, la gorge si serrée que les mots peinent à sortir.

Une légère brise agite les cheveux de l'ébéniste, telle une caresse à peine perceptible.

— Elle aurait été fière de toi, dit doucement Avel. Fière de l'homme que tu es devenu... et de ta fille.

Romain détourne les yeux, touché.

Ce que souffle le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant