— Sérieusement, vous ne pouvez pas foutre la paix aux gens un dimanche matin ?
Nathan détailla Henry Ruardean avec des envies de meurtre. Il souffla bruyamment avant de lui répondre :
— Vous croyez que les criminels se reposent ? J'ai ramené le petit déjeuner. C'est déjà pas mal non ? Maintenant, laissez moi rentrer.
L'enquêteur balança le sac contenant les croissants et les pains au chocolat sur la table de la salle à manger. Puis il s'installa sur une chaise et fusilla le journaliste du regard :
— Alors, vos renseignements ? Est-ce que vous avez pu nous trouver des suspects plausibles ?
Henry Ruardean prit le temps de servir deux tasses de thé avant de prendre place face au bouillant et colérique policier :
— Oui, je pense. Sur votre liste de vingt-six, j'ai pu déterminer que trois hommes avaient de sérieux mobiles contre Hugh Tremelling et contre Bernie Winckworth. Vous me détestez, affirma le journaliste d'un ton sec.
— Je vous demande pardon ? s'offusqua Nathan.
— Vous me détestez. Oui, j'ai reconnu que ma venue à la soirée de l'agence n'était pas très intelligente. Et je vous assure que je ne voulais certainement pas nuire à l'enquête. Mais je crois que cela va plus loin que cela. Ça vous pose un problème de devoir bosser avec un mec gay ?
— Hein ?
Nathan Cromford faillit s'étrangler avec une bouchée de son croissant. Il reprit difficilement contenance et déposa sa viennoiserie à peine entamée devant lui. Pendant de longues secondes il mena un véritable combat intérieur. Cependant, lorsqu'il croisa le regard méprisant d'Henry Ruardean, il décida de le mettre au parfum. Par principe, Nathan s'était limité à sa famille et à ses collègues proches. Le reste du monde n'avait pas besoin de savoir qu'il préférait les hommes. Mais il avait besoin de l'autre crétin face à lui. Si le journaliste commençait à le croire homophobe, cela risquait de compromettre l'enquête. En soupirant et en levant exagérément les yeux au ciel, le policier secoua la tête :
— Ce que les autres font dans leur vie privée je m'en tape. Mais puisque vous me prenez pour un putain d'homophobe et que votre gaydar est visiblement hors service, autant que vous sachiez que ça ne risque pas d'arriver puisque je suis gay moi aussi. Sauf que moi, je ne le crie pas à la planète entière comme vous. Donc, maintenant que les choses sont claires, on peut bosser ?
Henry Ruardean aurait voulu disparaître de la surface de la terre. Il se croyait justement très doué pour repérer les hommes comme lui et voilà qu'il se plantait en beauté. Le journaliste baissa la tête et contempla sa tasse de thé sans savoir que dire pour se rattraper. En sentant le regard froid de Nathan Cromford posé sur lui, il finit par oser l'affronter :
— Je...je suis désolé, je...à ma décharge, vous n'êtes pas très sympa avec moi depuis le début. Je me suis excusé et pourtant...en fait j'ai l'impression que vous m'englobez dans la liste des suspects. J'ai peut-être quelques connaissances médicales et je suis un addict des séries policières à la mode mais pour être honnête, je ne pourrais jamais aller sur une scène de crime. La vue du sang...
— Oh ça va, c'est bon. Mais vous devez quand même reconnaître que votre attitude portait à confusion, répliqua l'enquêteur, peu ému par la gêne du journaliste.
— Je sais. En vérité, j'ai toujours le sentiment que je dois faire plus que les autres pour prouver ma valeur. Il y a parfois des petites réflexions au bureau...je ne sais pas, à croire qu'être homo vous grille une partie de votre cerveau. Vous n'avez jamais eu de problèmes à Scotland Yard, vous ?
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Les secrets de Whitechapel
Mystery / ThrillerJack l'Eventreur serait-il de retour ? C'est la question que se posent de nombreux londoniens après deux meurtres sanglants commis à Whitechapel. Nathan Cromford est chargé de mener l'enquête avec Josh, son coéquipier. Et le policier n'a pas de tem...