Les secrets de Whitechapel

6 octobre 2018

Nathan, habitué des nuits courtes, se réveilla à six heures et demie. Après un instant d'hésitation, il décida de s'octroyer une sortie running. Comme toujours, il prit la direction de Hyde Park et il entra dans le parc au croisement de Palace Avenue et de Kensington Hight Street. A cette heure matinale, les promeneurs étaient rares. Quelques personnes accompagnées de leur chien ou des sportifs qui, comme lui, effectuaient leur jogging avant d'aller travailler. Il se dirigea vers Kensington Palace, passa devant la résidence royale et poursuivit son chemin jusqu'à la limite du parc. Alors qu'il s'apprêtait à tourner dans l'allée qui longeait Bayswater Road, il grimaça. Henry Ruardean, en tenue de sport, discutait gaiement avec un autre homme, un peu plus âgé que lui.

Nathan hésita puis décida de faire demi-tour. Hyde Park était suffisamment grand pour qu'il ne se retrouve pas avec le journaliste dans les pattes.

Mais ce dernier l'aperçut et l'appela.

L'enquêteur étouffa un juron et fut à deux doigts de s'éloigner en piquant un sprint. Puis il se rappela qu'il lui avait demandé de rester chez lui deux jours plus tôt et de ne sortir sous aucun prétexte. Il regarda Henry saluer l'autre homme qui posa une main sur l'épaule du journaliste et lui adressa un grand sourire.

Nathan l'observa avec attention. Il n'était pas mal et, visiblement, il y avait quelque chose entre lui et Ruardean. Logique. Le journaliste lui avait fait comprendre qu'il était passé à autre chose. Agacé par la tournure que prenaient ses réflexions, le policier effectua un demi-tour et recommença à courir. Après tout si l'autre ne tenait pas compte de ses recommandations, ce n'était pas son problème. Où, du moins, c'est ce qu'il tenta de se persuader. Malheureusement pour Nathan, Henry le rattrapa facilement :

— Hey, tu as deux minutes ? demanda-t-il.

L'enquêteur explosa, frustré de voir que le journaliste faisait fit de ses conseils. Et sans doute aussi parce qu'il l'avait aperçu avec un autre homme :

— Putain mais qu'est-ce que tu fous là ? Tu n'es pas censé sortir de ton appartement bordel !

— Je sais, je sais. Mais, écoute, la femme blonde, je ne l'ai pas vue. Ni en rentrant chez moi il y a deux jours, ni hier, ni ce matin en sortant. Donc, à mon avis, ce n'est pas moi qu'elle surveille.

Contrarié parce qu'Henry Ruardean persistait à ne pas l'écouter, Nathan pointa un doigt vers lui d'un air menaçant :

— Tu vas me faire le plaisir de rentrer fissa. Et ne plus bouger ton cul tant que ni Josh, ni Lizzie ni moi ne t'en aura donné l'autorisation. Capisce ? déclara-t-il d'un ton sévère.

Le journaliste pâlit en comprenant que Nathan Cromford ne plaisantait pas. Il hocha la tête :

— D'accord, d'accord.

— Si tu as quelque chose à me dire, tu as mon numéro. Et celui de Josh.

— Je tâcherai de m'en rappeler. Tu as lu les infos ce matin ? Roy Ilchester, c'était l'une de vos cibles potentielles, si je me rappelle bien. Il est client chez Blue Angels. Sa société a publié un communiqué pour indiquer qu'il laissait temporairement la direction de son entreprise au directeur adjoint.

— Tu en es sûr ? Et il va faire quoi, Ilchester ? demanda Nathan, crispé.

— Aucune idée, ce n'était pas précisé.

— Putain l'imbécile, il serait capable de faire une connerie. Toi, rentre chez toi et n'en bouge plus !

Nathan fit demi-tour et courut à toute allure jusque chez lui. Il était si anxieux et pressé qu'il manqua de se casser la figure dans sa salle de bain en sortant de sa douche. Il se cogna à un meuble en voulant enfiler son pantalon et renversa une partie de sa tasse de thé sur la table de sa cuisine. Il avait à peine grignoté la moitié d'un morceau de muffin lorsqu'il dévala les escaliers de son immeuble pour se précipiter vers la station d'Earl's Court. Dans le métro, il serrait son téléphone dans la main. Il mourrait d'envie d'appeler Roy Ilchester mais il savait qu'il devait attendre d'être dans un environnement sécurisé pour le contacter. En attendant, il lut l'article dont Henry Ruardean lui avait parlé.