2 octobre 2018

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Nathan vida son verre d'une traite sous le regard désapprobateur du barman. Il était deux heures du matin et cela devait bien faire trois ou quatre heures qu'il était assis au comptoir à ruminer. Il avait avalé quelques cocktails mais il était encore bien lucide.

— Cromford, tu devrais rentrer chez toi. C'est pas ton genre de te bourrer la gueule. Et tant que tu te rappelles encore ton nom, je te conseille de déguerpir, déclara le barman en donnant une vigoureuse tape sur l'épaule du policier.

— Tu me vires ?

— Je crois bien que oui. Je te connais depuis suffisamment longtemps. Et te noyer dans l'alcool ne résoudra pas tes problèmes.

— Je le ramène, déclara une voix derrière Nathan.

Ce dernier sursauta et croisa le regard neutre de Henry Ruardean. Le jeune homme jura sans aucune retenue. Pourquoi fallait-il que le journaliste se pointe à ses côtés ? Il ne pouvait pas le laisser tranquille avec ses emmerdes ?

Nathan essaya de le repousser mais Henry ne se laissa pas faire :

— Je te ramène, Nathan. Que tu le veuilles ou non. Si c'est Pat qui s'en charge, ça se passera nettement moins bien, déclara-t-il en lançant un regard appuyé au barman.

— Putain tu fais chier, Ruardean. Tu ne pourrais pas me lâcher un peu ? Et aussi arrêter de vouloir sauver le monde en permanence. Va faire ton numéro de bon samaritain ailleurs, bordel.

Le journaliste fit mine de ne pas avoir entendu et il entraîna l'enquêteur à l'extérieur du bar. Ils marchèrent en silence jusqu'à Piccadilly Circus. Ils durent attendre une bonne dizaine de minutes avant de voir arriver un métro. Henry consulta le plan : il avait encore de la chance, Piccadilly était l'une des lignes ouvertes toute la nuit et il y avait un arrêt à Earl's Court. Il se demanda néanmoins s'il saurait gérer Nathan Cromford durant tout le trajet.

Ce dernier s'écroula sur une banquette et tourna le dos au journaliste. Il en avait marre du cercle infernal dans lequel il se trouvait. Il avait à nouveau un mois pour tenter de sauver la vie d'un richissime connard et ne voyait pas comment il allait réussir. Sans compter que l'homme qui l'attirait plus que de raison venait de l'empêcher de se payer une cuite monumentale et se trouvait à ses côtés dans une rame de métro totalement vide.

Nathan cessa de contempler la vitre pour reporter son attention sur Henry. Il se pencha lentement et posa les mains sur les genoux du journaliste. Ce dernier réagit au quart de tour et lui agrippa fermement les bras :

— Je te conseille de garder tes distances. Tu es bourré mais pas suffisamment pour ne pas avoir conscience de ce que tu fais. Alors tu vas gentiment reculer et tout se passera bien.

— Et si je ne veux pas ? Et si j'essaie de t'embrasser ? répliqua l'enquêteur.

— Putain tu joues à quoi Nathan ? Tu ne peux pas coucher avec moi, me jeter comme une merde et revenir ensuite vers moi la queue entre les jambes. Et me faire ces yeux de chien battu, ça ne changera rien. Tu as été très clair, tu ne veux rien avec moi parce que nos jobs sont incompatibles. J'ai compris le message.

— Pourquoi tu ne m'as pas laissé dans ce bar alors ? En quoi ça te regarde ce que je fais ? fulmina l'enquêteur.

— Parce qu'à un moment tu aurais explosé et que là, tu aurais vraiment risqué de perdre ton job. Tu l'as dit, je ne peux pas m'empêcher de vouloir sauver le monde. Et même si tu t'es comporté comme un salopard avec moi, je sais que tu travailles toujours sur les meurtres de Whitechapel. Si tu perds ton boulot, qui va pouvoir arrête ce cinglé ?

Le métro arriva à Earl's Court. Les deux hommes quittèrent la station en silence. Nathan ruminait les paroles d'Henry. Arrivés devant la coquette maison qui abritait son appartement, le policier dévisagea le journaliste avec des yeux emplis de colère :

Les secrets de WhitechapelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant