J'arrive dans la cantine du centre et rejoins immédiatement la file réservée aux filles. Pour la première fois depuis mon arrivée au centre, je croise des garçons et les pauvres ont droit au même supplice que nous, à la différence que leurs uniformes ne sont pas rose, mais bleu ciel.
Au moment de prendre mon plateau, on me demande froidement mon nom, information que je donne sans tarder et on me donne enfin un plateau, identique à ceux que nous avions au lycée, tout comme l'agencement de la cantine.
Je prends une entrée, un dessert et on me tend une assiette contenant le plat principal, si on a le choix entre deux entrées et deux desserts, le plat est identique pour tout le monde peu importe les convictions de chacun.
« Merci, que Dieu vous garde, dis-je à la personne qui m'a servi mon repas. »
Mon plateau entre les mains, un autre gardien s'approche de moi et m'ordonne de m'installer à une place vide à une table entièrement occupée par des filles. Je m'assois silencieusement, pose mon plateau et mets mes deux mains à plat sur mes cuisses. En attendant l'autorisation de manger, je balaye la salle du regard et remarque que des détenus ont des uniformes de deux couleurs différentes des nôtres, des « pêcheurs », les filles pécheresses sont en jaune pâle et les pêcheurs en vert menthe.
« Veuillez vous lever ! Nous ordonne-t-on. »
Nous obéissons et nous nous levons tous comme un seul homme. Là, un petit groupe d'adultes entre dans le réfectoire, ils montent sur l'estrade perpendiculaire aux table et à la tête de ce groupe, Henry ROCHELLOT, directeur du centre, nommé par le Haut Gouverneur et ami de mon père.
« Bonjour jeunes gens, nous salut-il.
- Bonjour Monsieur ROCHELLOT, que Dieu vous garde et vous protège, répond-on en chœur.
- Je tenais à souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants qui nous on rejoint et j'espère du plus profond de mon cœur que votre séjour ici vous sera bénéfique. Sur ce, nous allons tous dire le Bénédicité. Père FLETCHER, à vous l'honneur.
- Merci Monsieur le directeur ROCHELLOT, le remercie l'homme d'Église en prenant place. Mes enfants, croisons les mains et baissons les yeux. Seigneur, bénissez ce repas, ceux qui l'ont préparé, et procurez du pain à ceux qui n'en ont pas ! Ainsi soit-il ! Bénissez ce centre qui a été construit selon Ta volonté, bénissez celles et ceux qui travaillent ici. Aidez-les et aidez ces enfants, ces adolescents à retrouver le chemin de Votre Lumière. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. »
Les dernières paroles du Père FLETCHER résonnent encore dans l'enceinte du réfectoire et nous faisons tous le signe de croix. Henry ROCHELLOT reprend sa place initial, sur le devant de l'estrade.
« Merci Père FLETCHER. Vous pouvez vous asseoir et je vous souhaite un bon appétit. »
Le seul bruit que l'on entend, c'est le raclement des pieds de chaises sur le carrelage, après le brouhaha métallique le silence revient, personne ne parle et il n'y a même pas le cliquetis caractéristique des couverts sur la porcelaine de l'assiette, nos couverts étant en plastique pour plus de sécurité.
Je relève la tête quelques secondes pour regarder autour de moi, tout le monde à les yeux rivés sur son assiette, reste silencieux et je comprends pourquoi en remarquant que des gardiens font les cents pas entre les rangées.
Une nouvelle sonnerie retentit dans le réfectoire et dans la seconde qui suit, les filles assises à côté de moi se lèvent d'un coup, leur plateau à la main. Je les imite et je vois qu'à la table des garçons, trois d'entre eux sont toujours assit, la tête dans leur assiette et je les reconnais tous, ils étaient dans mon lycée et dans le bus qui nous a conduit jusqu'ici.
« DEBOUT ! Hurle un gardien arrivé à leur table.
- Je n'ai pas fini de dîner, lui répond le garçon au crâne rasé et à la tenue bleue.
- Rien à foutre que tu n'ai pas fini de manger ! Lui crache le gardien. Tu fais comme les autres. »
Si les deux autres garçons s'empressent de se lever, le troisième continue de manger comme si de rien n'était. Le temps d'un clignement d'œil, un hurlement nous fait tous sursauter et relever la tête dans la direction de ce dernier.
Le surveillant est armé d'un taser et son pistolet jaune est la cause de ce hurlement, il le remet à la ceinture, pose sa grosse main sur le crâne chauve du malheureux et d'un simple geste, il reverse la tête du rebelle en arrière.
« Pour qui est-ce que tu te prends petite merde ! Lui crache-t-il au visage. Ici, ce n'est pas toi qui fera la loi espèce de dégénéré ! Jouer les durs ne t'aidera pas, alors je te conseille de faire profile bas et de rester dans le rang ! Compris ? Maintenant tu bouges ton cul et tu fais comme les autres ! »
Pour le dissuader de lui tenir tête, il reprend son taser et lui remet un coup, lui faisant lâcher un nouveau hurlement à glacer le sang.
Les premières tables se vident dans un silence olympien, puis c'est au tour de la mienne, je suis les filles assises à côté de moi et imite leurs moindres faits et gestes. Mon regard croise ceux qui sont de corvée de plonge et il s'agit de nul autre que mes camarades.
Nous sortons du réfectoire à la file indienne, d'un côté les filles et de l'autre, les garçons. Me retrouvant à la tête de la file des filles de mon unité, je me rappelle du chemin emprunter et je guide mes camarades jusqu'à nos cellules.
Devant la porte numéro 2300, je vois ATKINS adossé contre le mur, au niveau de la poignée de la porte de la cellule.
« Tiens, s'adresse-t-il à moi en me tendant quelque chose. L'infirmière EATON voulait que je te donne ça. Elle m'a dit que ça aiderait ta peau à cicatriser plus rapidement et qu'il n'y aura aucune marque.
- Merci Gardien ATKINS, le remerciais-je.
- Et elle m'a demandé de te donner ça, ajoute-t-il en me tendant un morceau d'aluminium. C'est un somnifère, ça t'aidera à passer ta première nuit sans problème.
- Merci Gardien ATKINS, réitérais-je mes remerciements.
- J'ai l'impression que l'infirmière EATON t'apprécie plus que les autres jeunes de ce centre, dit-il d'un ton accusateur. Est-ce qu'elle fait partie de ta famille ?
- Non, pas que je sache, répondis-je.
- Étrange... Enfin bref, voilà pour toi. »
Bizarrement, il attend que je dissimule les médicaments et il part sans demander son reste. J'attends que la porte de la cellule se déverrouille et j'entre. Jane n'étant pas encore arrivée, je me dépêche de prendre le premier médicament et garde le somnifère pour plus tard.
En regardant sur mon lit, je constate que des vêtements ont été déposé sur la couverture marron. Je les déplie et je me retrouve avec un débardeur blanc entre les mains, ainsi qu'un pantalon de jogging de la même couleur.
Ni une ni deux, je me débarrasse de mon uniforme et enfile cette nouvelle tenue qui va me servir de pyjama. Je tartine mon bras et ma jambe de pommade, la laisse sécher et je me glisse sous les draps me mettant dos à la porte.
« Katherine, tu dors ? Entendis-je. »
Je ne réponds pas, ne bouge pas d'un pouce et je l'entends rejoindre son lit sans insister plus longtemps.
Au bout d'une bonne demi-heure, je me retourne, m'assure, malgré l'obscurité que Jane dort et me lève de mon lit pour prendre le somnifère, qui fait effet rapidement.
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En média: Réfectoire du centre