Mardi 5 Mars 2002.
Malgré les gesticulations des alentours et la présence persistante d'un bruit d'origine inconnue qui avait pour effet de lui taper sur le haut du crane, la lieutenante Alicia Abre trouva rapidement ses marques et commença à accomplir ce que l'on attendait de sa part.
Révéler ce qu'il y avait à comprendre de ce « cercle » et s'assurer que celui-ci puisse livrer de précieuses informations sur les évènements terribles qui avaient pris place ici-même, il y a quelques heures.
Les premiers gestes de sa part attirèrent l'attention, puis la curiosité, des agents cantonnés à la surveillance du lieu. Une dizaine d'entre eux se rassemblèrent autour d'elle dans le but de prendre connaissance de l'ensemble de ses agissements et, d'après les murmures sentis, de s'en inspirer.
Depuis son arrivée, leur nombre avait presque doublé. Un nombre anormalement élevé même pour une affaire de meurtre.
« La surveillance du cercle, oui, mais pas que... C'est toi qu'ils surveillent, Alicia. C'est TA surveillance. Pas besoin de se demander d'où elle provient. » ironisa-t-elle, en les observant à son tour.
La démonstration portait la marque de son créateur et n'avait rien de surprenante. Bien moins en tout cas que la démonstration cordiale de tout à l'heure.
Compte tenu des relations qu'ils entretenaient et de ce retour qu'il n'approuvait décidément pas, il ne lui était pas difficile d'y voir les manigances du commissaire-divisionnaire Luciano Galbani et de l'imaginer ordonner un renforcement des effectifs autour du cercle pour la mettre sous cloche et en faire la bête de foire que certains s'amusaient à voir en elle.
Une manière d'agir qui ne manquait pas de l'interroger.
Pourquoi demander sa réintégration à la Criminelle s'il comptait l'empêcher de faire son travail ? Pourquoi se donner tant de mal s'il ne pouvait plus la voir en peinture ? Elle l'ignorait. Elle ne comprenait pas le sens de l'action, la trouvait contre-productive pour les forces de police dans leur ensemble et n'y voyait qu'un moyen supplémentaire d'exacerber les tensions des uns et des autres envers les uns et les autres. Par cet acte, qu'il voyait probablement comme un savant mélange d'autorité et de magnanimité, Galbani espérait montrer sa bienveillance et son esprit raisonné mais il n'en n'était rien. Ne restait qu'un homme faillible, dont les faiblesses étaient de plus en plus criardes et qui n'avait, pour lui, que l'autoritarisme et les bassesses de ce type pour marge de manœuvre.
Son retour parmi eux constituait un échec – voire pire, une humiliation, qu'il lui fallait corriger en l'humiliant à son tour. Et quoi de plus humiliant pour elle que de la livrer en pâture à un monde policier aux abois, lessivé par une affaire hors de commun et prêt à tout pour s'en défausser.
Alicia ne se laissa pas atteindre. Elle pensa aux mots de Mike, à son vœu répété de la voir faire profil bas et de ne surtout pas attirer l'attention sur elle. Au moins pour ce soir.
« C'est raté pour la discrétion. » songea-t-elle.
Il lui fallait être plus maline et ne pas se précipiter dans le piège grossier qu'un certain commissaire-divisionnaire tendait à ses pieds. Il lui fallait même ne pas y penser du tout et se concentrer uniquement sur sa tâche. Un crime sordide avait eu lieu à Rome cette nuit. La victime avait été identifiée et il ne leur restait plus qu'à faire de même avec le responsable. Voilà ce qu'elle devait garder en tête. Le reste relevait du superficiel et ne devait pas prendre plus d'importance.
Par souci de mener son investigation le plus objectivement possible, la jeune femme débuta son analyse à la base et laissa de côté tout ce qu'elle avait vu ou entendu jusqu'à présent. Pas parce qu'elle doutait du sérieux de leur travail ou de leurs compétences mais parce qu'elle préférait opérer à sa manière sans se laisser influencer par l'ambiance particulière des lieux ou les convictions de ceux passés précédemment. Fussent-ils détectives talentueux ou simples agents de police associés à une tâche particulière.
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LA REVANCHE DE L'EMPEREUR
Mystery / ThrillerRome, Mars 2002. Sept meurtres et toujours pas le moindre indice sur l'identité du responsable. Lassé d'avoir systématiquement un temps de retard sur cet assassin cruel et rusé, le commissaire-divisionnaire Luciano Galbani, grand patron de la Brigad...