24 Juin 1975
Le paysage défilait vite, et mes yeux suivaient tout aussi vite les arbres asséchés par la chaleur.
De l'air chaud passait par les fenêtres grand ouvertes de la Renault R12 de ma mère. Le son de la radio était à peine perceptible, il était inscrit un homme et une femme de Francis Lai sur le petit tableau. Je détourna mon regard de la fenêtre et observa ma mère qui fredonnait la mélodie. Des mèches brunes s'échappaient de son chignon qui flottées autour de son beau visage. Elle tapotait en rythme avec ses pouces sur le volant.J'admirai la façon dont elle prenait tout à la légère. Quelques semaines plutôt mon père lui annonçait qu'il partirait pour Alger, aller rejoindre sa maîtresse à qui il écrivait depuis plus d'un an. Ma mère demanda le divorce aussitôt, et aussi vrai que cela puisse paraître, je ne l'ai jamais vu versé une larme. Pas une, pas deux mais une simple mou de mécontentement s'était formé sur son visage depuis. Elle n'avait rien changé à sa routine, ou presque. Elle ne se couchait plus à 21h mais 21h05, elle ne prenait plus son café sur notre terrasse mais à table en écoutant la radio. Dona Beletre est enfin redevenue Dona Ferrante, son nom de jeune fille qu'elle n'avait jamais vraiment effacé. Je me rappelle encore lorsqu'elle se présentait sans mon père, elle ne citait jamais Beletre mais se nommait toujours par son vrai nom.
Seulement, je n'avais pas réagi de la même manière. Ça n'était pas un simple changement anodin, non, c'était bien plus.
En 16 ans d'existence, je ne verrai plus mon père fumé sur la terrasse lire mes histoires, et il ne me mènera plus au cinéma. Mais surtout je ne pourrai plus jamais dire papa. Alors j'ai pleuré, et encore pleuré jusqu'à ce que ma mère me demande d'arrêter car les poubelles se remplissaient deux fois plus vite à cause de mes mouchoirs mouillés. Je porterai toujours son nom. Je suis Maddalena Beletre et je le resterai à vie. Éperdument rattaché à lui alors qu'il nous a abandonnés, laissés sur le bord de la route comme les mouchoirs sur le bas côté qui défile de plus en plus vite.Alors cet été ma mère a décidé que nous allions oublier Robert, oublier Toulouse et notre petit appartement à Saint-Cyprien . Le dépaysement, c'était ce qui l'animait depuis ces dernières semaines.
Elle m'emmènera chez ses parents à Èze, un petit village proche de la frontière italienne. Tandis qu'elle ira à Paris, rejoindre une amie à elle, Corine.
Au départ, j'avoue ne pas avoir compris son choix de nous éloigner le temps d'un été, et je l'ai assez mal pris.. Mais elle n'a cessé de m'expliquer que plus je la verrai, plus ça me rappellera papa, et inversement.
Car à mon plus grand regret, je ressemblais terriblement à mon père.
J'ai hérité de ses cheveux blonds ondulés, de ses yeux marrons et de son nez étroit.
J'aurais tellement aimé ressembler à ma mère, avoir le cheveu brun lisse, un nez en trompette et des yeux clairs d'un bleu envoûtant...-A quoi tu penses ? Me demanda ma mère.
-A rien.Elle tourna sa tête vers moi, un sourire au lèvre.
-C'est à cause de moi, n'est ce pas? Rétorqua-t-elle.
-Peut-être un peu. Avoua-je.Son sourire n'avait pas quitté son visage, elle baissa le son de la radio et réajusta ses mèches avant de reprendre.
-Tu veux qu'on en reparle? Mais rappel toi, pas de morve sur les sièges. J'ai mis une éternité à les dépoussiérer !
Je leva les yeux en l'air en guise de réponse, mais acquiesça.
-Je veux juste savoir pourquoi tu pars à Paris.
-Ma fille, si je monte à Paris c'est pour loger chez Corinne, tu le sais très bien.
-Non, pas comme ça. Je vais devoir passer deux mois à sécher dans une chambre ! Alors que tu pourrais aller au club tous les soirs!
-Caramella. Dit-elle en rigolant. À ton âge, je sortais à la fête du village, je n'allais pas en discothèque. Tu te plairas là bas, j'en suis sûr. Caramella regarde moi s'il te plaît, hé.Ma mère tourna mon menton vers elle avec ses doigts fins.
-Regarde toi, tu deviens de plus en plus belle. Tu ressembles tellement à ton père.
Je me détacha de ses doigts, les sourcils froncés.
-Désolé.. Fais moi confiance caramella, Èze est un très beau village, il va faire bon vivre chez Nonna tu verras !
-Il fera tout aussi chaud, pire que cette fournaise. Dis-je en enlevant mes ballerines.
-Rabajoise ! Rigola ma mère en claquant mes pieds posaient sur la boite à gants.Elle m'arracha un sourire. Quel don. Quel don de pouvoir apporter du bonheur dans toutes les situations possibles. C'était un pur rayon de soleil, un shot d'expresso. Je l'admirais fort tant, mais comme à chaque fois je me rappelais que je n'étais pas comme elle. Un dandiné timide, comme mon père, et des lunettes toujours au bout du nez, comme mon père.
Il me suffisait d'un simple regard dans le miroir pour me rappeler de qui avais-je tirée.
Je me demandais seulement si mon bronzage à Eze pourrait ressembler au même teint allée que celui de ma mère. Et alors, peut-être que je me trouverai un peu plus jolie.-Ma chérie, tu veux bien sortir le guide Michelin ? Tu sais que ta mère n'est pas une pro...
-Ai tuoi ordini mamma !
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De leur amour, plus bleu que le ciel
RomanceUn été. Un été loin du tumulte de Toulouse et du divorce de ses parents. Un été sous le soleil de côte d'azur où Maddalena devra troquer ses livres et sa timidité pour une amitié inoubliable et son premier amour. Des ballerines aux converses, des n...