CHAPITRE 3

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Depuis hier soir, je n'arrive pas à sortir Jordan Bardella de mes pensées. Notre discussion me hante l'esprit, elle tourne en boucle dans ma tête. C'est terrible. Après qu'il m'ait confié qu'il était une gauchiasse, j'ai bien évidemment voulu en savoir plus.

Mais sans succès.

À l'instant où il a prononcé ces mots, c'était comme si tout l'alcool qui coulait dans ses veines avait disparut, il a eu l'air de dessaoulé en deux secondes. Comme si sa propre révélation lui a fait un électrochoc. Il s'est redressé, et a pris un air grave. Il m'a annoncé qu'il devait partir, et c'est ce qui l'a fait. Il est parti précipitamment, presque en courant. Je ne l'ai plus revu de la soirée.

Je suis actuellement assis dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui se tient notre dernière conférence avec les élections européennes de demain. Nous peaufinons certaines choses, et nous envisageons différents schémas possibles. Nous nous préparons au mieux pour les résultats.

La réunion prend fin, je me lève et prends mes affaires à toute vitesse, afin de me poster à l'entrée de l'amphithéâtre. J'observe tous les députés sortir un par un. J'attends sagement que Bardella passe le pas de la porte. Je veux absolument lui parler. Je ne veux pas le laisser s'échapper comme il l'a fait hier.

J'espère juste qu'il ne sera pas collé au cul de Le Pen.

La salle se vide, pas de Bardella en vue alors que toute sa clique de facho est déjà sortie. Je passe ma tête par la porte afin de jeter un coup d'oeil. Il est là, seul, remballant ses affaires d'une lenteur indécente.

Je suis sûr qu'il le fait exprès.

Je souffle un coup et me dirige vers lui, d'un pas rapide et assuré. Il ne relève même pas les yeux vers moi, il continue ce qu'il était en train de faire. Il sait très bien que c'est moi. « Que me voulez-vous monsieur Attal ? » Me demande-t-il d'un air épuisé. « Juste m'assurer que vous allez bien. Vous m'aviez l'air bien lancé, hier. » Lui dis-je.

Il me regarde enfin. Ses traits sont tirés, il a vraiment l'air fatigué.

« Je vais bien, merci. Vous pouvez disposer. » Lance-t-il d'un air sérieux. Je lève un sourcil, perplexe. « Vous étiez bien plus fun hier. Et bien plus bavard. » Dis-je avec un sourire malicieux en coin, bras croisés. « Un peu trop même. L'alcool ne me réussit pas. J'ai dit un grand nombre d'absurdités. » Se défend-il.

« Vous aviez l'air plutôt sincère pourtant, monsieur Bardella. » J'ajoute, décidé à en apprendre un peu plus. « L'alcool ne vous réussit pas non plus, visiblement. Vous avez les idées complètement délirantes. » Réplique-t-il.

Bon. De toute évidence, il a décidé de faire semblant de rien.

Pas cool.

« Vous savez, si vous avez besoin d'aide, de conseils, ou bien juste de parler, je suis là. » Il avait vraiment l'air tracassé, hier. Je ne me vois pas le laisser dans cet état sans ne rien faire. « C'est très chevaleresque de votre part, monsieur le Premier ministre. Mais je n'ai pas besoin d'aide. » Dit-il d'un air légèrement agacé, tout en fermant son sac. « Bonne journée. »

Il se dirige vers la sortie à toute vitesse. Je me dépêche de lui répondre. « C'est frustrant, c'est très court. » Il s'arrête, sans pour autant se retourner. « C'est court, mais on se reverra. » Dis-je avec un hochement de tête, sûr de moi.

Et il s'en va.

*

Nous sommes le matin des élections européennes. Je suis actuellement dans l'isoloir en train de fermer avec le plus soin mon enveloppe. Je me dirige vers l'urne afin d'y glisser mon vote, évidemment en faveur de mon propre parti. Les photographes immortalisent le moment, comme à chaque élection, pour en faire mon poste signature sur les réseaux. Celui avec pour description 'A voté'. Une fois ma tâche accomplie, je salue l'entièreté des personnes présentes dans la pièce et m'en vais.

LA FACE CACHÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant