CHAPITRE 10

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« Être Premier ministre, est l'honneur de ma vie. Partout où je suis allé, j'ai eu à coeur de vous rencontrer, de vous parler, de vous écouter. Tout ce que vous m'avez dit m'a fait réfléchir. Le lien que nous avons tissé, est ce que j'ai de plus précieux. Ainsi, fidèle à la tradition républicaine, et conformément à mes principes, je remettrai, demain matin, ma démission au président de la République. » Terminais-je, le coeur lourd. De chaleureux applaudissements suivent, me faisant sourire tristement.

Comme je m'y attendais, nous avons échoué aux législatives, le Nouveau Front populaire l'emporte. Le seul point positif dans tout ça, est que les révélations de Jordan d'hier soir, ont fait drastiquement baisser la cote de popularité du RN. Ils sont arrivés derrière nous, en troisième position, alors qu'ils ont toujours été en tête des sondages durant toute cette compagne.

Cette -petite- bonne nouvelle, n'arrive cependant pas à me remonter le moral. Je dois rendre ma démission demain, et donc renoncer à mon poste de Premier ministre. Je suis triste, énervé, anéanti, déçu. Ce poste était l'accomplissement de tous mes efforts fournis durant ces dernières années. Je savais que ça arriverait, mais de toute évidence, on n'y est jamais vraiment préparé.

Je sais déjà que je pourrai profiter encore un peu de mon poste durant quelques semaines. En effet, Macron a tout anticipé. Il m'a déjà prévenu qu'il n'accepterait pas ma démission tout de suite, afin de laisser le temps à l'Assemblée de se structurer un minimum. Je vais donc devoir remettre ma démission à nouveau, ainsi que celle de mon gouvernement, après un dernier Conseil des ministres. Tout cela, aura lieu une dizaine de jours avant l'ouverture des Jeux olympiques. Le gouvernement, et moi-même, serons alors démissionnaires, en attendant de connaître les noms de nos remplaçants. Nous continuerons de gérer les affaires courantes, afin de permettre à la France de maintenir un bon fonctionnement politique. Cette situation durera quelques semaines, certainement le temps des JO, en attendant que le pays retrouve un peu de calme. Après ça, je redeviendrai député et patron du groupe présidentiel 'Ensemble pour la République' à l'Assemblée nationale.

J'accomplirai mes tâches et mes fonctions, aussi longtemps que cela sera nécessaire, bien que le coeur n'y est plus vraiment. Il est de mon devoir de servir notre pays, c'est ce pourquoi je me suis engagé, il y a d'ici presque six mois.

*

De nouveau aux côtés de mes collègues, je reçois plusieurs étreintes chaleureuses, quelques mots et sourires compatissants, des discours de félicitations et d'encouragement. J'ai même le droit à des remerciements de la part de monsieur Macron, malgré notre deuxième place.

« Je ne vois pas ces résultats comme un échec, monsieur Attal. Je ne sais pas si vous saisissez ce qu'il vient de se passer, mais nous avons réussi un véritable coup de maître ! » S'exclame-t-il, assez content. Je fronce les sourcils, perplexe.

Je viens de perdre mon job, je ne qualifierais pas ça de coup de maître.

« Ça ne me plaît pas, de devoir perdre l'entièreté de mes ministres, vous y compris, vous savez. Vraiment pas. Mais l'avenir du parti s'annonce un peu meilleur qu'il y a deux semaines encore. Le Rassemblement national était en bonne voie pour tous nous faire dégager, en obtenant la majorité absolue. Et regardez, ce n'est pas le cas ! Sans compter l'alliance de gauche, nous sommes le parti ayant le plus de sièges à l'Assemblée ! » M'explique -t-il. « Oui, c'est vrai. Je n'avais pas vu les choses sous cet angle-là. » Lui dis-je, souriant faussement. Il me rend mon sourire, et s'éloigne finalement de moi, allant rejoindre Brigitte Macron un peu plus loin. 

Certes, il a raison, le sort de notre parti n'est plus sinistre. Mais, en revanche, le mien l'est toujours. Il va me falloir du temps avant de me faire à cette idée.

LA FACE CACHÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant