Chapitre 12

7 2 0
                                    

Les Vestales

  L'annonce frappa de plein fouet les deux sœurs. Leur propre père venait de prononcer leur exil. Cela ne pouvait pas être vrai. Les larmes d'Amaranta redoublèrent. Toute sa vie, elle l'avait construite à Zeve : une seule phrase de son père avait suffit pour la réduire en miettes.
  Maximilien n'attendit pas la réponse de ses filles, les prit par le col de leur stola, et d'une force insoupçonnée,les fit basculer et les traîna au sol . Polaris et Amaranta se débattaient, mais rien n'y faisait, la prise de leur père, était bien trop ferme. Le Consul ignora les regards stupéfaits de ses gardes et domestiques. Il dépassa sa domus et prit la direction de la sortie de la cité. Des habitants observaient la scène ahurissante depuis la rue.

  Soudain, parmi eux, Amaranta aperçut Ezio. Elle lui cria de venir l'aider, mais Ezio ne bougea pas. Il n'était qu'un simple spectateur au regard vide, sans plus aucune émotion. Personne n'aurait pu penser qu'un jour existait entre eux une histoire enivrante. Amaranta le fixa du regard en continuant de l'appeler à l'aide, et l'homme finit par détourner la tête. Cela en fut trop pour Amaranta. Ezio, l'homme qui lui avait promis d'être toujours là pour elle, qu'elle avait quitté pour protéger, lui avait tourné le dos. Comme si leur amour n'avait été qu'illusoire. Amaranta n'avait plus la force de lutter, elle ferma les yeux et se laissa emporter par ses pleurs. Elle sentit alors davantage le sol lui griffer sa peau, son cou emprisonné par sa stola. Elle entendait certains habitants se demander qui étaient ces deux jeunes filles.
  Polaris tentait toujours de se défaire de la prise de son père. Elle le griffait, continuait de hurler jusqu'à s'en arracher la gorge. Mais elle dû s'y résoudre, son père les dominait, sa colère faisait sa force, et elle était bien trop grande. La haine qu'il leur vouait était insensée, et c'était cela qui la répugnait. Il les détestait parce qu'elles étaient le fruit de leur mère, il les exilait parce qu'elles étaient les victimes d'une prédiction. Rien de tout cela n'avait été leur choix, elles étaient les proies du destin.

  Le Consul finit par atteindre la sortie de Zeve, et une fois à l'extérieur de la cité, il cria :

Ces deux filles sont des traîtresses ! Elles m'ont tout volé, mais arriveront pourtant à me prendre encore plus ! Elles peuvent remercier ma gentillesse, l'exil est un trop bon cadeau.

  Sous les yeux scandalisés de ses habitants, Maximilien arracha tous les objets de valeur que portaient ses filles : plus de bijoux, de pinces pour cheveux, même leurs stolas étaient déchirées. Tout ce qui pourrait les assimiler à un haut-rang de la société avait été effacé.
  Polaris criait toujours à l'aide, regardait avec pitié la population de Zeve.

Si quelqu'un cherchait à les aider, il trouverait le même sort ! annonça Maximilien. Le spectacle est terminé ! Rentrez chez vous !

  Les habitants, effrayés par le consul, firent chemin arrière en laissant un dernier regard de peur en direction des deux filles. Polaris perdit tout espoir, et finit, comme sa sœur, par abandonner. Son père avait tout détruit. Il était leur bourreau, et sa haine n'avait aucune limite.

Partez... partez le plus loin possible. Je ne veux plus jamais vous revoir.

  Les sanglots des jumelles se faisaient entendre dans toute la cité. Les corps des deux sœurs ne cessaient de trembler. La peur était maîtresse des lieux.
  Maximilien lança un dernier regard rempli de dégoût envers ses filles, puis leur tourna le dos. Il ordonna aux gardes de ne les laisser entrer sous aucun prétexte. Sans un mot de plus, il retourna à sa domus.

  Polaris et Amaranta restèrent à l'extérieur de la cité jusqu'au coucher du soleil. Leurs corps refusaient d'obéir, elles étaient dans lé déni et ne voulaient pas réaliser ce qui leur arrivait.    Assises et collées l'une l'autre, leurs vêtements en lambeaux, leurs joues baignées de larmes, elles ressemblaient à des mendiantes venues quémander de la nourriture. Qui aurait pu deviner qu'elles étaient les filles du Consul de la cité de Zeve ? Quelques heures plus tôt, elles étaient allongées sur leur lit à l'intérieur de leur luxueuse domus et pouvaient déguster n'importe quel met.
  A cette pensée, le ventre d'Amaranta gronda. L'heure du repas du soir était depuis bien longtemps passée. Il leur fallait se nourrir.

  Il fallut quelques minutes avant qu'Amaranta ne se mette debout. D'autres minutes s'écoulèrent pendant que la blonde convainquait sa sœur de se relever. Une fois que les jumelles furent capable de marcher, Polaris se dirigea vers les gardes postés à l'entrée de la cité. Ceux-ci firent semblant de ne pas la voir, ce qui vexa profondément la brune. Puis après un certain temps de persévérance, et un estomac qui faisait autant de bruit qu'un âne en train de braire, les hommes cédèrent.
  Ils leur indiquèrent un chemin à suivre pour trouver une autre cité qui leur offrirait l'hospitalité qu'elles recherchaient. Polaris entraîna alors Amaranta à l'intérieur de la forêt.

  Elles tentèrent de suivre le chemin indiqué, mais le voile de la nuit cachait le peu de lumière qu'offrait la Lune. Les sœurs se repéraient à l'aveugle, ce qui n'était pas tâche facile quand elles s'enfonçaient dans une forêt qu'elles empruntaient pour la première fois. Le moindre craquement les faisait sursauter. Elles se sentaient épiées, des milliers d'yeux semblaient les observer. Des frissons venaient parcourir leurs corps endoloris. La brume qui venait s'étaler à leurs pieds ne fit qu'accélérer leurs battements de cœur. Un léger vent se glissant entre les feuilles d'arbres créa un sifflement strident.
  Rien dans cette forêt n'était accueillant. Elles avaient à peine passé une journée hors de chez elles et tout leur manquait déjà.

  Elles voulaient vivre, et non survivre. 

L'Odyssée Mythique - Le Souffle de l'OlympeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant