Chapitre 27 : Mes démons...

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LINE

— Line réveille toi !!

Je reconnais cette voix. Mon corps est secoué de spasmes au moment où je me redresse, ma conscience refaisant surface. Je sens encore des mains sur mon corps. Je frappe de toutes mes forces la personne en face de moi jusqu'à ce que je la reconnaisse. Evan. Pourtant, ses traits se confondaient avec celui qui me touchait... Maintenant que mon regard est ancré dans le sien, je m'y accroche comme une bouée de sauvetage. C'est injuste mais je veux qu'il me sauve, maintenant.

— Je te ferais aucun mal Line.
— Je sais... murmuré-je plus pour moi-même.

Je suis en sécurité. Non je ne le suis pas. Il tient mes mains entre ses paumes. Je saisis ses doigts, quitte à m'en faire mal aux phalanges. Je peine à retrouver un certain équilibre en moi. Evan me dit de souffler. En accord avec lui, je fais ce qu'il me dit et accepte d'être rattrapée au bord de cette falaise. Je agrippe à cette conscience, comme si j'avais fait une paralysie du sommeil. Ça m'est déjà arrivée. Alors que je reviens dans le présent, je remarque que je griffe les mains d'Evan. J'écarte mes doigts, il me laisse faire ne sachant probablement pas comment je vais réagir. Je n'ose plus le regarder dans les yeux. Alors pour la première fois depuis longtemps, je prends la fuite. Au lieu de me confondre à cet instant présent, je préfère me cacher pour ne pas montrer mes faiblesses et mes cauchemars en font partie. Je me rue dans la salle de bains et ferme à clef.

Dos à la porte, je me laisse glisser au sol, déboussolée. Aucune larme ne transperce ma carapace, mais l'angoisse de ce passé qui me hante transpire par chacun de mes pores. Je tente de m'apaiser. Je tente de cacher à la face du monde ce que je porte en moi. Un père semi absent, qui est devenu inhumain après la perte de ma mère, un ami à lui qui abusait de moi, alors que son fils allait suivre la même lignée. Je parie qu'aujourd'hui il est tout comme son père. Je devrais sûrement le tuer, lui aussi. Comme ça, la fondation ne renaîtra jamais de ses cendres.

J'ai cessé de grandir à l'age de 10 ans, où on m'a pris mon innocence. Cela a fait naître en moi une rage que je comble par des meurtres et ma vengeance. Peut-être que je cherche désespéramment une porte de sortie, une sorte de paix intérieure. Mais c'est peine perdue. C'est pas à 23 ans que je vais me sentir bien.

Et Evan, toujours là à me scruter, à juger ce que je fais. Je lui ai donné encore matière à vouloir en découvrir plus sur moi, à me sonder pour savoir qui je suis réellement. Je suis une cause perdue, juste bonne à tremper mes doigts dans du sang.

— Line, ça va aller ?

Je redresse la tête. Il faut qu'il parte je suis dans un moment de faiblesse et je ne veux pas qu'il m'entende et daigne à me faire parler.

— Oui, tu peux aller te recoucher.

Ma voix se perd au fond de ma gorge, je pense encore à mon cauchemar. Je m'amarre au tapis noir du sol pour ne pas me rendormir ou flancher.

— Je pense que je suis bien réveillé...

Son ton a changé. Plus calme, apaisé. Je ne veux pas de pitié de sa part.

— Dégage Evan écoute-moi pour une fois...

Je sens le frottement contre ma porte. Lui aussi s'est désormais assis contre la porte, mais de l'autre côté. Un silence s'installe, celui-ci me fait peur. Au final, je préfère quand il est comblé par notre présence.

— Ça t'arrives souvent ?

Comme s'il avait entendu mon souhait, je me permets un demi-sourire. Je laisse tomber le tapis de bain pour me concentrer sur sa voix, qui, de manière inattendue, me calme.

— De temps en temps.
— C'est pas bon pour ton côté rebelle.
— Ah bon ?
— Non, ça te rend plus attendrissante.
— Arrête de dire de la merde, réponds-je d'un sourire franc.

Je sais qu'il fait de même. Il patiente, me laissant digérer l'info. Il pense sûrement que je vais ouvrir cette porte pour me jeter sur lui et lui arracher les dents. Je n'en ai pas la force.

— Ça m'est arrivé à moi aussi.

Je tourne la tête sur le côté, comme si je pouvais le voir. Au contraire, je ressens sa sincérité. Il poursuit :

— Je faisais des cauchemars chaque nuit, je prenais des comprimés, je restais éveillé. Je faisais en sorte que mon cerveau ne se repose pas. Un jour, je pensais que le sexe me ferais du bien alors j'ai enchaîné les filles. Je m'en servais d'anesthésiant, mais ça ne fonctionnait que très peu...

Je l'écoute, sans jugement.

—... et puis un jour, mon corps m'a dit stop. Et je l'ai écouté. J'ai arrêté toutes mes merdes, j'ai repris le sport et... d'autres activités. Et ça m'a aidé. Je n'en fait plus depuis quelques années. Où seulement des rêves normaux, qui n'ont pas d'effets sur moi.

— Tout ça car tu as eu de nouvelles occupations ? Je ne pense pas qu'ils vont partir si je me mets à la peinture...

— Non mais tu ne fais pas de cauchemar toutes les nuits. À mon sens, ça prouve que tes activités nocturnes, sont un échappatoire qui fonctionne.

— Tu me conseilles alors de continuer ?
— Je ne vais pas te dire d'arrêter, tu continuerais quand même.
— C'est exact.

Il me connaît trop bien. J'en flippe.

— Quand j'ai vu de quoi tu étais capable, je me dis que... d'être aussi proche de la mort, c'est ton shoot. Comme si tu le méritais ou que tu en avais besoin.
— Et toi alors ? De m'accompagner c'est ta drogue ?
— Non c'est toi ma drogue tu le sais.

Pour une fois, je ne sais pas quoi en penser. Est-ce qu'il fait exprès de m'embarrasser ? Ou est-ce vrai ? Je pense que concrètement si je me donnais à lui, il me prendrait sans hésiter. Mais je ne suis pas comme ça. Il sait qu'à tout moment je peux le blesser, comme ça a été le cas avec ma cigarette. D'ailleurs à ce sujet...

— Je t'ai marqué Evan. Je ne voulais pas...
— C'est rien, ce n'est pas ma seule cicatrice.

Je l'ai brûlé pour lui montrer ce que c'était. Je voulais voir s'il était aussi fort qui le prétendait être. Je voulais savoir s'il était comme moi.

— Hé Line ?
— Quoi ?
— Je m'excuserais pas pour le glaçon.

Qu'elle ordure. Je sais pourquoi il me dit ça. Il a percé un fragment de mon humanité, de mes émotions : le désir, la luxure. C'est ce qui fait qui me tient à l'écart de lui. Il est attachant malgré ce que je peux en dire. Je sais qu'il pourrait me faire flancher à n'importe quel moment alors j'essaie de garder le contrôle, même s'il m'attire plus que de raison. Me laisser aller, c'est me rendre faible. Je veux pas qu'il me laisse découvrir une Adelina plus qu'une Line. Adelina n'existe plus. Et en parlant de faiblesse :

— Evan ? C'est la dernière fois que tu me vois comme ça.
— Je ne te vois pas, je t'entends.
— C'est pareil.

Et pourtant, notre discussion m'a permis de me concentrer sur d'autres aspects de ma vie et de délaisser pour de bon ce cauchemar qui m'a pris aux tripes.

Je dois me méfier. Car à cause de notre proximité mes barrières commencent à trembler. Je ne raterais pas cette occasion de le mettre au pied du mur quand je découvrirais qui il est. Je m'en fais la promesse.

Evan, j'ai été faible maintenant. Mais en sortant de cette salle de bains, je serais plus forte que jamais.


The Angels of DeathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant