Chapitre 1

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"Elle n'a jamais été princesse, mais les salons dorés la traitent comme telle, emprisonnée dans un jeu d'apparences et de révérences. Le poids des traditions s'accroche à ses épaules, tissé de rubans et de regards exigeants. Noble de naissance, captive par devoir, elle rêve d'un sentier où ses pas ne résonneraient pas d'attentes, où le vent chuchoterait des promesses de liberté que seul un ancêtre a déjà entendu."

~L'Araignée


Les humains étaient connus pour leur grande ingéniosité. C'était comme écrit dans leurs gènes : ils ont tous au fond d'eux une part d'imagination qui peut les rendre aussi innovants que cruels en matière de guerre. Leur capitale était donc comme entassée sur elle-même : la quasi totalité des maisons ne prenaient pas de place en largeur, mais en hauteur. Ainsi, les habitations formaient comme un deuxième rempart pour le palais qui trônait en son centre.

Légérement éloigné de la capitale, une immense bâtisse surplombait la ville. C'était l'une des rares à posséder un jardin privé, dans lequel roses comme lilas y poussaient, arrosés et soignés par les mains des nombreux jardiniers. Les pierres claires qui composaient le bâtiment étaient rendues encore plus lumineuses grâce au soleil qui tapait de plein fouet dedans.

Le château de Briarwood accueillait aujourd'hui les Saint-Clair. Les deux familles s'étaient toutes deux réunies pour discuter de l'avenir de leurs héritiers : Valentin Briarwood et Cléa Saint-Clair. Il y avait comme un "désolé" dans le silence du garçon, et la fille détournait son regard déjà trop fissuré vers un tableau accroché à sa gauche. Un vieux tableau, d'un tout aussi vieil homme, qui lui rendait son regard.

Après une longue discussion (dont les deux concernés n'étaient pas invités à participer), tout le monde se leva et serra la main de l'autre dans un respect placide, dénué de la moindre émotion. Les deux promis se dirent eux aussi au revoir sans vraiment se regarder.

- Nous organiserons des activités pour les rapprocher, peut-être ? demanda la grand-mère de Cléa, qui se fit rapidement couper par le père de Valentin.

- Ce ne sera pas nécessaire, fit celui-ci séchement. Le mariage aura lieu dans trois semaines.

Il marqua une pause, accompagnée d'un silence.

-Quoi qu'il arrive.

Le grand-père de Cléa fit un air choqué à sa femme, mais celle ci l'ignora du fameux revers de main que les nobles savaient étrangement faire à la perfection.

Sur ces paroles, Valentin frissonna. Impossible de répliquer : Cléa était déjà sortie du château.

En revenant chez elle, dans le domaine de Saint-Clair, Cléa ne dit pas un mot à qui que ce soit. La future Duchesse Briarwood traversa les longs couloirs du manoir. Dans son sillage, elle arrachait bijoux, retirait nœuds de soies qui tiraient sur ses beaux cheveux blonds. Agacée par tout cela, elle les laissait tomber derrière elle jusqu'à ses appartement avant de s'asseoir face à son miroir et d'enfin fondre en larmes en essayant d'enlever ses apparats.

À travers le miroir, elle regardait simplement le vide, avec la volonté que le néant la dévore et que cela se finisse enfin. Elle devait se reprendre. Face à son miroir, elle regardait ses larmes couler. Elle pleurait, mais continuait de se forcer à sourire. Parce qu'elle ne pouvait rien faire d'autre que sourire.

C'est tout ce qui lui était demander. Souris.

Mais elle n'y arrivait pas quand elle était seule. Cléa se jetta sur son lit en pleurant, cachant ses larmes dans la soie.

Les Royaumes Maudits : Le Roman !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant