VIII. Levi

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Il faut vraiment vous mâcher le travail

On a gagné !

Ce n'est pas une grande surprise, mais ça fait toujours plaisir de sortir vainqueur de la patinoire. Surtout que j'ai remarqué une certaine rousse assise au deuxième rang derrière le banc des joueurs. Au début, j'ai cru avoir rêvé, mais lorsqu'elle est revenue peu après le coup d'envoi, j'ai su que je n'étais pas fou. Je me dépêche donc de retirer mon équipement et de prendre ma douche rapidement afin de pouvoir lui parler avant qu'elle ne parte. Parce que, c'est certain, elle ne sera pas à la fête d'après-match. Elle n'est jamais venue et je ne vois pas ce qui changerait aujourd'hui. Toutefois, je suis content qu'elle soit là aujourd'hui et je compte bien lui faire savoir.

— Je te sens bien pressé, cap'tain, déclare Craig avec un sourire en coin lorsque je m'habille en quatrième vitesse.

— T'as un rencard ou quoi ? renchérit Jude.

— Je suis certain qu'Astéria l'attend derrière la porte, réplique Marcian.

— Mouais, je ne parierais pas trop là-dessus, ajoute Murphy. À mon avis, c'est mort entre ces deux-là. Je dirais plutôt qu'il craque pour la cadette Barker, pas vrai, cap'tain ?

Je roule des yeux, mais je ne dis rien. Ce serait leur donner du grain à moudre et je n'ai franchement pas le temps pour ça donc, après avoir fermé mon sac, je quitte les vestiaires et me mets à la recherche de la violoniste. Malheureusement pour moi, elle ne semble être nulle part en vue, par contre, ce n'est pas le cas de sa sœur qui se dirige vers moi. J'observe alors les environs et trouve une échappatoire lorsque je remarque la présence de Minh près des toilettes pour filles. Je me précipite donc vers elle, tout en acceptant les félicitations des personnes que je croise.

— Par pitié, aide-moi à me débarrasser d'Astéria, supplié-je la meilleure amie d'Atlas.

Cette dernière m'observe en haussant un sourcil, puis regarde par-dessus mon épaule.

— Tu sais qu'elle ne va pas apprécier si elle te voit parler à sa sœur, pas vrai ?

Sa réponse me laisse perplexe et je fronce les sourcils en lui demandant ce qu'elle entend par là.

— Bon sang, il faut vraiment vous mâcher le travail, marmonne-t-elle. À ton avis, pour quelle raison Astéria s'en prend à Atlas, ces derniers temps ?

— Euh... j'en ai aucune idée.

— Laisse-moi te donner quelques indices, d'accord ? Premièrement, Princesse change l'heure du réveil de sa sœur parce qu'elle vous a vu discuter dans le bus. Deuxièmement, elle lui balance une assiette de pâte bolo dans la figure après qu'elle vous ai vu discuter à la patinoire. Il t'en faut encore ou c'est bon, t'as pigé ?

Abasourdie par ce que j'entends, il me faut quelques secondes pour assimiler tout ce que je viens d'apprendre.

— Donc, t'es en train de me dire que mon ex s'en prend à Atlas seulement parce que je lui ai parlé ? C'est complètement absur...

Je ne termine pas ma phrase car je me rends compte qu'en effet, à chaque fois que j'ai parlé à la violoniste ces derniers jours, sa sœur s'est acharnée sur elle le lendemain. Aussitôt, ma colère envers la patineuse reflue, mais l'arrivée d'Atlas m'apaise momentanément.

— Oh, salut Levi. Super match, dit-elle d'un air enjoué.

— Merci, je ne savais pas que tu aimais le hockey.

— Eh bien, euh... disons que je n'étais jamais véritablement allée à un match et les seuls que j'ai vu c'était à la télé, donc, je n'avais pas vraiment d'opinion sur ce sujet.

— Et maintenant ?

— Maintenant, j'ai froid, mais j'ai passé un agréable moment. La foule était en délire lorsque tu as marqué ton deuxième but et encore plus lorsque tu as clôturé le score.

— Vous allez à la soirée ? demandé-je avec un faible espoir qu'elle dise oui.

— Euh...

— Désolée, on va pas pouvoir, la coupe Minh en posant une main sur son épaule. J'ai un couvre-feu et comme je dois ramener Atlas...

J'ignore si elle me raconte un pipot pour que je ne pose pas plus de question, ou si c'est la vérité, mais je suis déçu. Je lui aurais bien proposé de la raccompagner, mais malheureusement un élément indésirable vient s'incruster à la conversation.

— T'es pas encore au lit, petite sœur, fait attention, si tu n'as pas tes heures de sommeil, tu deviens grognon, se moque Astéria avec un sourire mauvais.

— Pas la peine de me balancer une menace à peine voilée, grande sœur, je ne vais pas à la fête, répond Atlas d'un ton désabusé. Bonne soirée, Levi, et encore félicitation. Viens Minh, on y va, elle n'en vaut pas la peine, ajoute-t-elle lorsque cette dernière s'apprête à dire quelque chose.

Sans attendre de voix si elle la suit, la rouquine quitte la patinoire et je pivote vers sa sœur.

— Il va falloir que tu arrêtes ça, parce que je ne te laisserais pas t'en prendre impunément à ta sœur. Merde, c'est ta famille ! Tu devrais la protéger et être là pour elle, pas l'enfoncer comme tu le fais. Elle ne mérite pas ton attitude de vipère, surtout parce que je lui ai parlé.

— Levi...

— Non, j'en ai marre de tes gamineries donc trouve-toi un autre pigeon et fiche-nous la paix, aussi bien à ta sœur qu'à moi.

Je marche en direction de la sortie et retrouve mon père qui s'apprête à monter dans son pick-up. Je ne suis plus d'humeur pour fêter la victoire et mon père semble s'en rendre compte puisqu'il ne me pose aucune question jusqu'à ce qu'on ait quitté le parking.

— Ça ne te ressemble pas de louper une fête d'après-match, fiston. Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Rien.

— Mouais, soit un peu plus convaincant la prochaine fois, gamin.

— C'est juste que... Astéria veut qu'on se remette ensemble, mais j'en ai pas envie. Du coup, elle rend la vie impossible à sa sœur parce que je lui parle.

— La gamine qu'on a emmenée au lycée, il y a quelques jours ? demande-t-il en fronçant les sourcils. Elle m'a l'air plutôt sympathique, pourtant.

— Non, ça c'est Atlas, la cadette, Astéria, c'est l'aînée.

— Oh, et tu as le béguin pour le petit rat de bibliothèque, je me trompe ?

— Non.

— T'es bien mon fils, se marre-t-il avant de se garer devant la meilleure pizzeria de la ville. Allez, je te paies une pizza pour fêter ta victoire et tu pourras me parler de tes problèmes de cœur.

Il fourre sa main dans mes cheveux pour les décoiffer, ce qui me fait grogner, mais qui le fait rire. Nous passons le reste de la soirée rien que tous les deux, à discuter de tout et de rien et je dois avouer que ça m'avait manquer. Depuis qu'il bosse pour cette nouvelle société de transport de bois, il n'est pas souvent à la maison, ce qui fait qu'on passe beaucoup moins de temps ensemble. Donc, pouvoir profiter de cet instant où il me donne des conseils pour draguer une fille est aussi malaisant qu'étrangement rassurant.

Quand nous rentrons à la maison, je dépose mon sac de sport dans la buanderie puis rejoins ma chambre. Il est presque deux heures du matin, mais je n'ai aucune envie de dormir, du coup, je réponds aux messages de mes potes qui se plaignent que je ne sois pas avec eux. Comme le sommeil me fait toujours défaut, je finis par me lever et enfile un short et un tee-shirt de sport. Peut-être que courir me videra l'esprit et me permettra de pouvoir grappiller quelques heures de sommeil.

Let's Play a GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant