Un petit jeu, ça vous dit ?
Une semaine plus tard
Les sorties scolaires, ça craint un max. Surtout lorsqu'on se retrouve avec des gens qui n'ont aucun savoir vivre. Assise sur un siège au milieu du bus, je tente de plonger dans l'un des chefs-d'œuvre de Marcel Proust et de faire abstraction des rires provenant de l'arrière, mais sans grand succès. Comme à son habitude, ma sœur rit beaucoup trop fort pour que ce soit naturel et je dois dire que ça m'agace énormément.
— Oh, allez, fais pas la gueule, Atlas, déclare Minh sur la banquette juste devant moi. Tu as tes règles ou quoi ?
— Je ne fais pas la gueule, ajouté-je avec mauvaise foi.
— Mouais, si tu le dis. Dans tous les cas, j'en connais un qui ne t'a pas quitté des yeux.
Je relève les miens vers ma meilleure amie, tandis qu'elle m'indique de me retourner. Ce que je ne fais pas. Pas que je n'en meurs pas d'envie, mais si je le fais, je sais que je vais croiser le regard de la Princesse à un moment où à un autre. Et, honnêtement, je n'ai pas la force de me prendre la tête avec elle maintenant.
Depuis le soir du match, une semaine plus tôt, nous ne nous sommes pas adressés un mot et je ne peux pas dire que ça me manque. De toute manière on ne peut pas souffrir de ce qu'on a jamais connu, pas vrai ? On a beau voir de l'ADN en commun, ce n'est pas ce qui fait une sœur.
— Je vois ton cerveau carburer à cent à l'heure, dis-moi ce que tu as en tête, reprend Minh.
— Rien.
— Atlas, je suis ta meilleure amie et je te connais par cœur, donc crache le morceau avant de te faire un ulcère.
— Je ne comprends pas pourquoi Astéria m'en veut autant. Ce n'est pas comme si j'avais fait quelque chose de mal.
Mon amie soupire avant d'appuyer ses avant-bras sur le dossier du siège.
— Ne m'en veut pas pour ce que je vais dire, mais ta sœur est une garce de première ordre, déclare-t-elle. Ce qu'elle veut, généralement, elle l'obtient. Or, avec ce qui s'est passé à la cafet' et au match de la semaine dernière, elle est persuadée que Levi refuse de se remettre avec elle à cause de toi.
— Mais c'est n'importe quoi, Levi et moi, on n'est même pas amis.
— Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé, marmonne-t-elle.
— Qu'est-ce que tu veux dire par-là ? demandé-je, confuse.
— Bon Dieu, tu as beau être la plus intelligente dans ce bus, parfois t'es vraiment stupide, soupire-t-elle.
— Merci, bougonné-je.
— T'es vraiment aveugle, hein ? Atlas, il en pince pour toi.
— Qui ça ? Levi ? Non, impossible, c'est...
— Si tu me dis qu'il aime ta sœur, je te jure, je te fous un coup de poing.
— Tu n'oserais pas.
— Ne me tente pas, Ginger.
Cette fois, c'est à mon tour de souffler avant de poser ma tempe contre la vitre du bus. J'abandonne l'idée de lire et laisse mon cerveau vagabonder jusqu'à ce que le car s'arrête au beau milieu de nulle part.
— Qu'est-ce qui se passe ? questionne Minh.
— Aucune idée, réponds-je intriguée.
Je me penche pour essayer de voir la raison de notre arrêt, mais la seule chose que je vois, c'est une voiture garée sur le bas-côté. Mademoiselle Rolls, notre accompagnatrice, discute avec Sally avant de se lever et de se tourner vers nous.
— Restez tous assis à vos places, s'il vous plaît, dit-elle avant que les portes à l'avant s'ouvrent. Et taisez-vous s'il vous plaît, vous me donnez mal à...
Notre professeur d'histoire ne termine pas sa phrase lorsque deux hommes masqués montent à bord, pointant des flingues sur nous. Instantanément, le bus devient un véritable chaos de cris et de pleurs, surtout lorsque l'un des assaillants tire sur la conductrice. Je laisse échapper un hoquet de frayeur avant de me baisser jusqu'à me retrouver presque sous le siège. Mes mains tremblent et mon pouls bat tous les records de tachycardie. Je tente de reprendre un pouls normal, mais lorsque je sens quelque chose de froid contre ma nuque, je me fige d'effroi. J'ai vu assez de film pour savoir qu'il s'agit du canon d'une arme et je me mords la lèvre pour ne pas gémir de peur.
— Nous allons faire un petit jeu, ça vous dit ? déclare une voix, étouffée par le masque qui se trouve devant son visage.
J'entends un hurlement ainsi que quelques grommellement, mais le sang bat trop fort dans mes oreilles pour que je parvienne à comprendre ce qui est dit. J'ai la trouille et tout mon corps est secoué de spasmes. Je n'ose même pas relever la tête, de peur que l'un des deux tarés ne prenne mal mon regard.
Ils passent dans les rangées, demandant à chacun d'entre nous de se redresser et de leur donner nos portables, ainsi que de leur montrer nos mains. Je comprends rapidement qu'ils vont nous attacher et un sentiment de panique s'ajoute à ma terreur. Mon cerveau est comme en surcharge et je n'arrive pas à réfléchir correctement, ce qui me frustre. Même si je sais qu'au fond, je ne pourrais rien faire pour nous sortir de là. Lorsque l'homme au masque de clown s'arrête devant moi, je lui donne ce qu'il veut et frissonne de dégoût lorsqu'il passe sa main gantée sur ma joue.
— Tu vas voir, on va bien s'amuser, murmure-t-il avant de se redresser pour attacher mes poignets avec un lien plastique.
Après ça, il passe à la rangée suivante tandis que je relève doucement mon regard vers l'arrière du bus. Mes yeux croisent ceux de Levi et, même si j'ai un léger sentiment de soulagement dans le fait qu'il soit près de moi, ce dernier est fugace et la peur revient puissance dix.
Une fois tout le monde les poignets liés, celui qui est sans doute le chef s'avance vers l'avant du bus et pointe son arme sur la tête de Sally. J'ignore ce qu'il lui dit, mais quelques secondes plus tard, le car commence à rouler.
Minh tourne son visage empli de frayeur vers moi et je prends sur moi pour tenter de la rassurer.
— Qu'est-ce qu'ils nous veulent ? chuchote-t-elle.
— J'en ai aucune idée.
— Pourquoi est-ce qu'ils font ça ?
— Je ne sais pas, Minh.
Mon ton est un peu plus dur que je ne le voudrais, mais son stress est en train de faire grimper le mien, alors que j'ai déjà du mal à le gérer. Mon esprit ne demande qu'à s'échapper de se cauchemar, mais je lutte pour rester ancré dans le présent. Je pose mon front contre le dossier devant moi et prends plusieurs inspirations jusqu'à ce qu'une présence se fasse sentir à mes côtés. Je sursaute et ouvre brusquement les yeux quand une main prend la mienne. Je tombe face à deux iris chocolat.
— Tout va bien se passer, d'accord, tente-t-il de me rassurer.
— Tu n'en sais rien. Si ça se trouve, ce sont des tueurs en série qui ne cherchent qu'une chose, faire un meurtre de masse.
— Si ça avait été le cas, on serait mort à l'heure qu'il est.
Il a raison, mais la partie rationnelle de mon cerveau semble ne plus être en état de marche.
— Qu'est-ce qu'ils nous veulent, à ton avis ?
— Nous faire peur.
— Bah, c'est réussi.
Un petit sourire apparaît au coin des lèvres de Levi, me donnant la force nécessaire pour ne pas laisser les ombres me dévorer toute crue.
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Let's Play a Game
RomanceAtlas est une lycéenne de seize ans de ce qu'il y a de plus normale. Elle a de bonnes notes, pratique un instrument et fait tout pour avoir un dossier béton pour l'université. Seule ombre au tableau, le crush qu'elle a pour l'ex de sa sœur, qui n'es...