XII. Levi

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Je prends sa place !

Je n'ai aucune idée depuis combien de temps Max et Atlas sont partis, mais j'ai l'impression que ça fait une éternité. Assis contre un mur, le regard fixé dans le vide, je sens quelqu'un s'installer à côté de moi et lorsque je me tourne pour voir de qui il s'agit, je constate que c'est Astéria.

— Ça a toujours été elle, pas vrai ? demande-t-elle à voix basse pour que les autres n'entendent pas.

— De quoi est-ce que tu parles ?

— Ne me prends pas pour une idiote, Levi, on sait tous les deux de quoi je parle.

Mal à l'aise du sens que prend la conversation, je passe une main dans mes cheveux bruns avant de la caler au niveau de ma nuque. Je sens son regard sur moi, mais il me faut un moment avant de pouvoir lui faire face.

— J'ai toujours été attiré par Atlas, tu as raison, mais ce qu'on a partagé était complètement différent.

— Donc, tu n'as pas couché avec moi en imaginant que c'était elle ?

— Bien sûr que non ! m'exclamé-je, attirant l'attention de nos camarades. Pour qui est-ce que tu me prends ? Écoute Astéria, je t'apprécie, c'est un fait, mais on ne se remettra pas ensemble.

— Pourquoi pas ? Atlas n'en a rien à faire des garçons. La seule chose qui l'importe c'est de lire tous les livres du monde et son foutu violon, réplique-t-elle avec dédain. Elle ne changera pas, ni ne mettra son rêve de côté pour toi.

Ses paroles me blessent, bien que je ne le montre pas. Je sais bien qu'il y a un risque que Atlas ne partage pas ce que je ressens pour elle, mais ça n'empêche pas que je ne me remettrai jamais avec sa sœur. Ce qu'on a eu, Astéria et moi, c'était sympa, mais je sais au fond de moi qu'elle n'est pas la fille qu'il me faut, tout comme je ne suis pas le bon pour elle. Et puis, nous n'avons que dix-sept ans, nous avons toute la vie devant nous. Du moins, c'est ce que je pensais jusqu'à ce que deux tarés nous prennent en otages. À présent, tout est remis en cause et ça me fout la trouille.

Je crois que je ne me suis jamais senti aussi impuissant que depuis le décès de ma mère lorsque j'avais onze ans. J'avais beau être jeune, j'ai très vite compris ce qui se passait et il a fallu que je grandisse plus vite que je ne l'aurais dû. Mon père était en pleine dépression, il passait son temps assis sur le fauteuil préféré de ma mère, à regarder leur vidéo de mariage. Je ne savais pas comment faire pour l'aider et ça m'a beaucoup frustré, puis un jour, j'ai demandé à ce qu'il m'inscrive au hockey. À partir de là, nous nous sommes beaucoup rapprochés et il a enfin repris le dessus sur sa douleur.

Cependant, à l'heure actuelle, je ne peux rien faire pour changer la situation.

Tout à coup, un coup de feu retentit, faisant sursauter tout le monde. Mon ex s'accroche à mon bras et commence à pleurer tandis que mon cœur s'arrête de battre pendant un instant. Un silence étouffant s'étend pendant de longues minutes, mettant nos nerfs en pelote, avant que la sonnerie de la porte résonne, laissant apparaître la cadette Barker, le regard vide. Mon premier instinct est de me lever et de venir à sa rencontre, mais Minh me devance et tente de prendre sa meilleure amie dans ses bras. La réaction de cette dernière est violente et elle se met à crier de ne pas la toucher avant d'aller se terrer dans un coin de la pièce.

J'ignore ce qu'il s'est passé, mais vu l'absence de Maxime, je suppose que ça a dû être difficile pour elle. Astéria n'essaie même pas de s'approcher d'elle, ce qui me laisse perplexe. Elle n'a pas le comportement d'une sœur aînée qui aurait dû réconforter sa cadette, loin de là. Elle est détachée, presque insensible à sa détresse, ce qui me met en colère.

Numéro trois et numéro huit, c'est à vous, résonne la voix de l'un des frères Stromer.

Malakay et Trina se lèvent et s'avancent vers la porte, mains dans la mains, avant de disparaître une fois qu'elle est déverrouillée. Le silence revient, pesant sur chacun d'entre nous comme une foutue chape de plomb sur nos épaules. J'observe Atlas de loin, voulant lui laisser le temps de revenir parmi nous, mais au bout d'un moment, ne parvenant plus à rester loin d'elle, je m'approche. Elle se recroqueville sur elle-même quand elle me voit arriver et je hais d'autant plus ces tarés pour avoir brisé l'éclat de pureté qui brillait dans son regard, il y a encore quelques heures.

— Atlas ?

Elle resserre sa prise autour de ses genoux et évite mon regard. Je m'installe à quelques pas d'elle, lui laissant le temps de se faire à ma présence, avant de lui ouvrir mes bras lorsque ses yeux croisent enfin les miens. Elle vient s'y réfugier sans réfléchir et dissimule son visage dans mon cou, tandis qu'elle pleure sans un bruit. Ses larmes mouillent ma peau et mon tee-shirt, mais c'est le cadet de mes soucis tandis qu'elle s'accroche à moi comme si elle avait peur que je disparaisse. Je ne lui pose aucune question, parce que je ne suis pas certain d'en supporter la réponse. Pas maintenant en tout cas. Je la laisse donc déverser sa détresse contre mon torse et tente au mieux d'être là pour elle.

Lorsque l'adrénaline finit par redescendre complètement, elle s'endort contre moi et c'est à cet instant précis que je croise le regard de son aînée, qui est rempli de colère et de jalousie. Toutefois, la quiétude de l'instant laisse rapidement place à quelque chose de plus lugubre lorsqu'un deuxième coup de feu résonne dans le bâtiment. La détonation réveille Atlas en sursaut et je la serre contre moi quand elle se met à trembler. Malakay apparaît quelques minutes plus tard, arborant le même regard vide que la violoniste, un peu plus tôt. J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis son départ, mais visiblement, l'épreuve a été tout aussi difficile pour lui que pour la rouquine contre moi. Il s'installe à quelques centimètres de nous, les genoux remontés contre sa poitrine et le regard baissé.

Cette fois, c'est au tour de Paloma et de Joshua de disparaître, nous faisant tous tressaillir quand une troisième déflagration fuse quelque temps plus tard. L'amie d'Astéria réapparaît, tel un zombie et vient rejoindre notre petit groupe avant de tomber dans les bras de Kay. Comme un peu plus tôt, mon ex ne bouge pas d'un poil pour venir soutenir celle qui est pourtant l'une de ses copines, et je dois dire que je suis énormément déçu de son comportement.

— Numéro quatre et neuf, à vous.

Mon regard se pose sur la patineuse qui déglutit difficilement. Sa sœur se lève brusquement et, avant que je ne puisse faire quoi que ce soit pour l'en empêcher, elle hurle :

— Je prends sa place !

— Atlas, non ! m'exclamé-je en attrapant son bras.

— Je n'ai pas le choix, Levi, je... je ne peux pas la laisser vivre ça, tremble-t-elle. Ça la briserait.

— Et toi ? répliqué-je avec un peu plus de dureté que je ne l'aurais voulu.

Elle ne répond pas tout de suite, mais à mon plus grand étonnement, elle se met sur la pointe des pieds et dépose sa bouche sur la mienne. Aussitôt, j'ai envie de plus, mais malheureusement, elle s'éloigne avant que je n'ai le temps de faire le moindre geste.

— Je suis déjà brisée, donc un peu plus ou un peu moins, qui verra la différence ? ajoute-t-elle avant de rejoindre Kevin et de quitter la pièce.


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