Chapitre 6

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Au bout d'un moment, les ronflements finissent par envahir le silence, profonds et irréguliers, mais suffisamment bruyant pour me signaler que l'un d'eux est tombé dans un sommeil profond.

Parfait !

Mais l'autre ? Je décide de prendre le risque et de supposer qu'il dort également. Je commence donc par m'occuper de mes chevilles. Le nœud est serré, mais avec du temps et un peu de patience, je crois pouvoir y arriver. C'est un travail difficile, surtout dans une baignoire, sans faire de bruit et avec les poignets toujours liés. 

Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va éclater dans mes oreilles. L'adrénaline coule à flot, chaque goutte de sueur perlant sur mon front est imprégnée de peur. Tous mes muscles sont en alerte et tendus. Défaire ce nœud est extrêmement long. Tirant millimètre par millimètre, priant pour qu'elle cède. Malgré tout, je parviens à le défaire après ce qui semble être une éternité. Il faut croire que la fatigue a joué sur l'efficacité de Marc, mais mes poignets sont une autre histoire. En bougeant pour libérer mes chevilles, la corde autour de mes poignets s'est encore plus resserrée, me l'acérant la peau. Je grimace, la douleur est vive mais je n'ai pas le choix, je devrais faire avec. 

Une fois mes jambes libres, je me redresse lentement, mon cœur tambourinant à tout rompre. Une jambe après l'autre, je sors de la baignoire, mes pieds touchant le sol froid. D'un pas incertain, je m'avance vers la porte sur la pointe des pieds, posant mes mains tremblantes dessus. La porte s'ouvre sans résistance. Je ne peux m'empêcher de sourire intérieurement.

À pas de chat, je me faufile dans la chambre du mieux que je peux, m'appuyant contre les meubles pour me stabiliser. Chaque pas est un défi, chaque craquement, chaque souffle, menace de me trahir. Les ronflements vacillent à chaque bruit, me figeant sur place, le cœur battant. Puis, en tâtonnant, ma main heurte un objet qui tombe au sol avec fracas. Je retiens mon souffle et ne bouge plus, espérant qu'ils ne se réveilleront pas..

Les ronflements cessent immédiatement. Un grognement retentit.

- Qu'est-ce que c'était ?! S'écrie Marc. Elle s'échappe ! Hurle-t-il.

Je me précipite sur la porte, tâtonnant frénétiquement pour trouver la poignée, mais en vain, mes doigts ne rencontrent que le bois froid et lisse. Avant même que je ne puisse réagir, une main puissante me saisit. Je me débats, tentant de crier, le souffle court, mais tout s'arrête d'un coup. Un bâillon m'en empêche rapidement.

- Tu ne t'échapperas pas, souffle-t-il avant qu'une douleur me lancine le crâne.

Il vient de m'assommer. Je m'effondre, inconsciente...

Mon esprit est embrouillé, complètement dans le noir. Mes muscles me font également mal. Je me redresse légèrement, mais ma tête est lourde. Je suis certaine que si j'avais les yeux ouverts, j'en aurais le tournis. Il y est allé fort. 

Je tente de bouger, mais mon corps est lourd, chaque muscle criant de douleur. Je lève mes bras pour me toucher le front, je réalise rapidement que je suis toujours attachée. J'émets un petit cri de douleur et de surprise dû à mes pauvres poignets. Un cri de douleur, étouffé par le bâillon. Cela me réveille un peu plus, et je reprends lentement conscience de ma situation.

Je suis de nouveau attachée, bâillonnée dans cette froide baignoire.

Combien de temps ai-je été inconsciente ? Ma tête me fait horriblement mal, comme si des aiguilles y étaient enfoncées. 

J'arrive à me décaler suffisamment pour avoir le visage collé contre la paroi froide de la baignoire. Le contact du froid sur ma peau m'apaise, cela fait du bien à mon pauvre crâne, mais me donne aussi des frissons. Je ne bouge plus et reste ainsi, me reposant la tête et essayant de calmer mon esprit. Le silence règne. J'entends seulement ma propre respiration , lourde et irrégulière. 

Je réalise le sens de mes propos et ce que je viens de constater. Je relève la tête pour tendre l'oreille, ce qui n'est pas une bonne idée car elle retombe directement et je me cogne contre la paroi. Cela n'aide pas ma migraine. Malgré les bruits que je viens d'émettre depuis mon réveil, je ne perçois aucun autre bruit, que ce soit des mouvements, pas de ronflements, pas discussions ni de lit qui grince. Rien. Un cri, même étouffé, aurait dû les alerter. Pourtant, il n'y a aucune réaction.

Serais-je seule ?

Je tente de bouger mes cheville, mais les nœuds sont plus serrés que jamais. Je tire dessus avec force, mais rien n'y fait. L'épuisement et le mal de tête me submergent, réduisant le peu d'énergie qu'il me restait.

Que vais-je devenir ? Quelqu'un viendra-t-il à mon secours ?

Quand j'y pense, je ne sais plus qui je suis à dire vrai... Depuis aussi loin que je me souviens, j'ai vécu dans cette maison. Quelques souvenirs me revienne vaguement. Avant, il y avait un groupe. Nous vivions ensemble, nous riions, partagions des repas, mais ils sont partis, me laissant seule. Le temps était bien plus paisible que maintenant. Cela doit faire quelques mois maintenant que je suis seule. Plus un bruit, plus de rire ou de discussion. Ils n'étaient plus là. 

Ils ne sont jamais revenus. 

Quelques échos m'étaient parvenu. Ces derniers échangeant autour d'un retour aux sources. Ils voulaient rentrer chez eux. Il faut croire qu'ils se sont décidés à partir, me laissant derrière eux. Peut-être qu'ils avaient raison. Qui voudrait s'occuper d'une malade, qui ne peut pas voir la lumière du jour sans souffrir ? C'est pour cela que je porte ce bandeau. Du moins, l'une des raisons. Ce n'est pas par choix, mais par nécessité. . Tant que ce poison coule toujours dans mes veines...

Que faire...

Mon esprit refait surface, revenant sur ma situation actuelle. Il me faudrait quelque chose pour trancher ou brûler ces cordes. Un éclair de mémoire me frappe: les allumettes ! Elles sont encore cachées dans mon soutien-gorge. Je me tortille pour les atteindre, mes doigts glissant contre le tissu de mon pull. Chaque mouvement enflamme mes poignets. Enfin ! Je parviens à les attraper après plusieurs tentatives. Avec grande difficulté, je parviens à en craquer une. Elle s'allume et s'éteint tout de suite après, en me brûlant les doigts au passage. De nombreux essaies sont nécessaires avant que je parviennes à en garder une allumée. Je rapproche mes mains des cordes autour de mes poignets, les brûlant lentement. La douleur est intense, mais supportable puisque la récompense en vaut la peine : ma liberté !

Une allumette, deux, trois... Il ne m'en reste plus beaucoup. 

Petite flamme, brûle cette corde s'il te plaît !

Sans l'ombre d'un douteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant