Chapitre 6

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Gabriel suivit le président sans un mot ni un regard pour Jordan. Pourtant, il sentait le regard brûlant d'incompréhension et d'amertume de ce dernier se poser fixement sur son dos. Tous les sentiments de Gabriel, suspendus pendant le débat, revenaient d'un coup. Il ne devait pas s'effondrer, pas ici, pas maintenant.

Des brèves images de sa rupture avec Stéphan lui revenaient sans crier gare.

*« Tu ne comprends rien, Gabriel ! Accepte juste la vérité ! »

Le premier ministre était effondré, ses mains recouvraient son visage, les larmes s'écrasant au sol, comme des gouttes de pluie.

« Stéphan, 5... 5... ans... »

Les mots ne parvenaient plus à sortir de la bouche de Gabriel.*

« Gabriel, tout va bien ? »

Le président regardait son premier ministre alors qu'ils continuaient d'avancer dans les couloirs du bâtiment. Gabriel fixait le sol, le teint livide.

« Gabriel ?... »

Quand il leva la tête d'un sursaut, il se trouvait face au président, mais également à la femme de ce dernier, Brigitte. Le président hocha la tête en direction de sa femme, comme pour confirmer une proposition, avant de partir le long du couloir, sous les yeux de sa femme et de Gabriel.

Brigitte s'adressa alors à Gabriel, qu'elle considérait un peu comme son fils.

« Gabriel, je vois bien qu'en ce moment tu ne vas pas très bien et Emmanuel ne cesse de me le confirmer. »

Sur ces mots, elle ouvrit la porte d'une des loges à proximité, et tendit son bras, indiquant à Gabriel d'entrer. Ce dernier se sentait en confiance avec Brigitte. Il lui parlait beaucoup quand il ne se sentait pas bien, et elle était toujours prête à l'écouter, sans le juger. Il accepta donc d'entrer sans broncher et observa l'environnement autour de lui. Il remarqua alors un siège molletonné dans un coin de la pièce, et se dépêcha d'aller s'y enfoncer.

Brigitte attrapa une chaise près du miroir et l'amena à côté de Gabriel, qui constatait l'épaisseur de ses cernes dans son reflet. Ils discutèrent alors un moment de la rupture entre Gabriel et Stéphan, de l'impact émotionnel que cette dernière avait sur Gabriel, de ces soirées qu'il avait passées recroquevillé dans son canapé. Le poids qui pesait sur Gabriel depuis tout ce temps semblait s'alléger au fil de la discussion. Brigitte avait certainement raison : ressasser le passé sans cesse n'allait pas l'aider à avancer. Il en avait conscience depuis un moment, mais l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre rendait cette réalité plus concrète, plus tangible. Il devait se sortir de cette situation, il ne pouvait pas continuer ainsi éternellement.

« Et alors, tu n'as pas vu un autre garçon qui pourrait te plaire dans les couloirs de Matignon ? Ou même ici ? »

La phrase, lancée sur un ton de rigolade par Brigitte, prit une autre tournure dans l'esprit de Gabriel. Il vit la silhouette d'un homme se dessiner devant lui. L'homme qui l'avait vu à moitié nu et décontenancé quelques heures auparavant. Jordan Bardella. Il sentit ses joues chauffer en prononçant le nom du président du Rassemblement National dans son esprit, ce que Brigitte remarqua aussitôt.

« Oh, à croire que j'ai vu juste... »

Elle fit un clin d'œil à Gabriel avant de se lever de sa chaise. Ce dernier chassa aussi vite les images de Jordan de son esprit. Alors que Brigitte s'apprêtait à quitter la pièce, elle se tourna une dernière fois vers Gabriel, qui semblait vraiment apaisé par la conversation.

« Eh Gaby, ça reste entre nous, et je pense pas que ce soit ton genre, mais je trouve ce petit Jordan Bardella très mignon. »

Elle lui fit un énième clin d'œil avant de quitter la pièce. Gabriel était clairement perturbé. Pourquoi tout le ramenait-il à son ennemi politique numéro un ? Alors même qu'il ne ressentait rien pour lui ?

Il n'eut pas plus de temps à accorder à sa réflexion puisque Emmanuel entra à peine une minute après le départ de Brigitte.

« Gabriel, j'espère que tu vas mieux, j'ai cru que tu allais t'effondrer tout à l'heure. »

Gabriel hocha la tête en guise de réponse au président, à mesure que ce dernier se rapprochait pour s'asseoir sur la chaise laissée vide par son épouse.

« Bon Gabriel, je sais que ta vie personnelle est très compliquée en ce moment, que tu n'étais pas prêt pour ce débat, et ça, je le conçois. »

Gabriel baissa la tête, comme un enfant grondé par son instituteur. Le président continua alors ses sermons, toujours sur un ton bienveillant.

« Mais je ne peux pas tolérer que tu défendes l'extrême droite pendant un débat. »

Gabriel tenta vainement de s'expliquer mais fut interrompu aussitôt par Emmanuel, dont le ton, originellement doux, laissait place à un léger agacement.

« Mais monsieur le président, le débat devenait un tribunal et... »

« Il n'y a pas de mais quand il s'agit de l'extrême droite, Gabriel. Jordan Bardella ne doit pas emporter ces élections. »

Gabriel releva doucement la tête pour acquiescer les propos du président. Il avait raison, il ne devait plus se laisser déconcentrer, le président du Rassemblement National cherchait à le déstabiliser, c'était évident.

« Hormis cette légère déconvenue, je suis tout à fait satisfait de vous sur ce débat. Continuez comme ça, Gabriel. »

Le président quitta alors la pièce, laissant Gabriel qui se décida enfin à quitter le bâtiment de TF1.

Au-delà des idéologies [Attal x Bardella]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant