Chapitre 10

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Il était fier de sa petite combine. Gabriel Attal, qui virait au rouge devant une dizaine de députés, quel bonheur. Le message qu'il avait laissé sous le post Instagram du Premier ministre avait fait mouche. Pourtant, derrière sa fierté, il sentait son ventre se tordre légèrement. Serait-ce de la culpabilité qu'il ressentait ?

Il avançait dans les longs couloirs de l'Assemblée, l'air songeur, si bien qu'il ne remarqua pas que Stéphane avançait en face de lui, les yeux rivés sur son téléphone.

« Monsieur Bardella, ça serait trop demander de regarder où vous marchez ? »

Le bruit du téléphone de Stéphane qui heurtait le sol fit relever la tête de Jordan, qui se trouvait à quelques centimètres du visage de l'ex de celui qui occupait ses pensées à l'instant.
Il se baissa pour ramasser le téléphone et s'arrêta net. Le choc avait probablement touché le bouton latéral de l'appareil, puisqu'une photo de Stéphane serrant Gabriel dans ses bras s'affichait sur l'écran.
Stéphane, gêné, se précipita pour ramasser son téléphone, l'air embarrassé.

« Et vous, monsieur Séjourné, ça serait trop vous demander d'oublier votre ex ? »

Sans trop savoir pourquoi, Jordan ressentait de la jalousie, et il avait prononcé ces mots avec haine et impulsivité, ne se rendant compte de ce qu'il venait de dire qu'après.

La colère apparut immédiatement sur le visage de Stéphane. Jordan Bardella n'était rien dans la vie de Gabriel, il n'avait pas le droit de s'immiscer dans leur vie privée.

« Vous savez, monsieur Bardella, vous feriez mieux de laisser Gabriel là où il est. Vous n'êtes personne pour lui, et ce n'est pas une vulgaire provocation en commentaire Instagram qui vous rendra intéressant à ses yeux. »

Le temps semblait s'être figé autour d'eux. Les députés qui passaient dans le couloir évitaient les deux politiciens en longeant les murs rouge vif.
Le visage du président du Rassemblement National se crispa. Il n'avait qu'une envie, celle de refaire le portrait à cet arrogant.
Pourtant, il savait qu'il avait raison. Lui et Gabriel étaient des ennemis politiques, rien de plus.
Stéphane savait qu'il avait touché une corde sensible. Bardella n'était visiblement pas indifférent au charme de celui qu'il s'efforçait de récupérer depuis leur rupture, et ça ne lui plaisait pas du tout.

« Vous êtes juste un arrogant manipulateur, Bardella. Si j'étais vous, je tâcherais de m'éloigner de Gabriel. »

Le sang de Jordan ne fit qu'un tour. Son poing se serra et ses ongles s'enfoncèrent dans la paume de sa main.

« Ce sont des menaces ? »

Stéphane ne daigna pas répondre. Il se contenta de sourire à Jordan, et tourna les talons, disparaissant dans les couloirs, laissant le grand brun en plan au milieu du couloir.
Un mal de crâne soudain commençait à s'installer alors qu'il se décidait à rejoindre sa voiture.
Pourquoi des menaces ? Stéphane se sentait-il en danger à cause de lui ? Mais pourquoi ? Il ne ressentait rien pour Gabriel, il était clair que Jordan était hétérosexuel, et jamais il ne se serait posé de questions sur un GARÇON. Et encore moins s'il s'agissait d'un ennemi politique.

Il inspira une grande bouffée d'air frais et remarqua que Nolwenn l'attendait à la sortie de l'Assemblée, comme quasiment à chaque fois.
Il baissa la tête et entra dans la voiture alors qu'elle prenait le volant et démarrait en direction de leur appartement.

« Alors, ça a été cette séance à l'Assemblée ? J'ai croisé Victor à la sortie, tu sais l'ancien député ? Il m'a dit que tu parlais avec Stéphane dans un couloir et que tu avais l'air tendu. »

Jordan se crispa de nouveau. Son mal de crâne ne l'aidait clairement pas à réfléchir, et il ne savait pas quoi répondre à Nolwenn. Lui dire que Stéphane se sentait menacé par lui vis-à-vis d'Attal ? Jamais de la vie. Alors il baratina une vague réponse qui ne semblait pas satisfaire sa compagne.

« Oh euh, il m'a provoqué sur le fait qu'on ne me voyait pas beaucoup à l'Assemblée ces derniers temps. En même temps, j'étais occupé avec les élections européennes. Et puis avec l'arrivée des législatives, ça ne risque pas de changer. »

Nolwenn leva un sourcil en guise de réponse, l'air peu convaincue, et se contenta de conduire. Jordan remarqua alors qu'ils ne prenaient absolument pas la route de leur appartement.
Exténué, lui qui appelait généralement sa compagne « ma chérie » ou « ma femme », se contenta d'un bref Nolwenn.

« Nolwenn, je peux savoir où on va ? Je suis fatigué et j'ai juste envie de rentrer, d'avaler un Doliprane, et d'aller me coucher. »

La voiture freina d'un coup, si bien que sans ceinture pour le maintenir, Jordan aurait volé dans le pare-brise. Heureusement pour eux, aucune voiture ne se trouvait derrière.
Nolwenn tourna la tête vers lui, le regard noir.

« On va dans un restaurant que j'ai réservé rien que pour nous. Donc non, tu ne vas pas rentrer prendre un Doliprane et te reposer, et tu vas faire un effort. »

Jordan tourna la tête de gauche à droite pour exprimer son désaccord. Il voulait vraiment rentrer, et ce n'était pas un caprice. Il n'était plus en capacité de faire des efforts. Son état mental et physique ne lui permettait pas grand-chose à cet instant.

« Mohhhhhh, c'est vrai qu'elle est dure ta petite vie de président du Rassemblement National, Jordan. »

Elle insista sur le prénom Jordan pour montrer son agacement, ce qui creusait encore plus la distance entre eux.

« Nan, mais je te comprends après tout, c'est si difficile de travailler dans un bureau toute la journée avec des assistants aux petits soins, je te comprends. »

L'ironie dans la voix de Nolwenn était presque insoutenable. La tension était si grande qu'elle craqua. Elle utilisa sa dernière carte : la jalousie.

« Tu sais quoi ? Je vais te déposer à l'appartement, pour que mon petit Jordan tout fatigué aille se reposer, et moi, je vais aller au restaurant avec Raphaël si c'est comme ça, d'accord ? Ça fait un moment qu'il me propose qu'on se rencontre pour discuter. »

Deux heures plus tard, Jordan était allongé seul dans le lit qu'il partageait normalement avec sa compagne.
Elle l'avait vraiment fait, et pourtant, un seul nom occupait l'esprit de Jordan à cet instant, et ce n'était pas Raphaël.
C'était celui de Gabriel. Celui de Gabriel Attal.

Au-delà des idéologies [Attal x Bardella]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant