Chapitre 12 : Bonbon sans saveur

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Ysaline attendait le début de la réunion, une main supportant son menton et l'autre tapotant nerveusement la table. Elle regardait par la fenêtre les nuages gris qui défilaient lentement dans le ciel tandis que sa jambe tremblait sous la table, faisant remuer sa chaise.


Depuis plusieurs jours, elle éprouvait des difficultés à dormir. Elle était donc en permanence de mauvaise humeur, voire en colère. Elle avait passé deux semaines particulièrement compliquées, à ne presque jamais sortir de chez elle à part pour aller travailler. Et elle avait beau faire tous les efforts du monde pour ne pas penser à Jason, elle ne pouvait empêcher ses pensées d'y revenir tout le temps.


Elle ne l'avait revu que deux fois depuis leur dernier appel deux semaines plus tôt, et elle se dit que si elle le voyait une troisième fois elle lui enverrait sûrement un coup de poing.


Après ce fameux appel, elle avait longuement cogité. Elle était passée par toute une myriade d'émotions, jonglant entre tristesse, colère, culpabilité et incompréhension. Bien sûr, elle avait d'abord été en colère en voyant Jason ne pas repousser cette femme et, au contraire, entrer dans son jeu. Mais en réalité, il ne lui avait rien promis. Après tout, les seuls contrats d'exclusivité qu'il signait, c'était avec ses clients, et il ne s'en était jamais caché.


Quand elle avait pensé ça, Ysaline s'était mise davantage en colère encore. Comment est-ce que cette pensée avait-elle pu lui traverser l'esprit ? Bien sûr qu'il lui devait quelque chose ! Mais elle était aussi bien obligée de reconnaitre qu'elle avait agit de façon puérile alors qu'il n'avait pas embrassé cette femme. Il n'avait pas complètement rejeté ses avances, il avait un peu flirté mais au fond d'elle, elle voulait bien croire qu'il n'avait vu là qu'une façon d'obtenir plus facilement un contrat. Après tout, il avait sincèrement eu l'air de penser qu'il n'avait rien à se reprocher sur le moment. Il était resté étonnamment stoïque. S'il avait voulu se cacher, il aurait été surpris ou gêné en voyant qu'elle l'avait vu. Or, il n'avait pas réagi. Du tout.


Après s'être longuement torturé l'esprit, avoir retourné le problème dans tous les sens et demandé conseil à Taki, elle avait conclu qu'il valait mieux qu'elle ait pleinement confiance en ses sentiments pour elle plutôt que d'être angoissée par des choses qu'elle ne pouvait pas contrôler. Elle voulait sincèrement croire qu'il ne se moquait pas d'elle depuis le début. Qu'il avait commis une erreur absurde mais qu'il tenait à elle comme elle tenait à lui. Que leur erreur à tous les deux était surtout le manque de communication. Et sa réaction enfantine. Et son comportement à lui, évidemment. Mais que ça ne justifiait pas la fin de quelque chose d'aussi bien que ce qu'ils avaient partagé jusqu'alors. Et s'il fallait que ça se termine, elle ne voulait pas non plus le voir totalement disparaître de sa vie. Pas maintenant.


Elle s'était bien doutée qu'ils n'allaient pas redevenir amis, d'autant plus qu'ils n'avaient jamais eu le genre de relation qu'on pourrait qualifier d'amicale. Mais peut-être qu'ils pourraient simplement revenir à cette bonne vieille rivalité et aux sarcasmes assassins qui volaient dans tous les sens. Cela lui manquait, parfois, même quand ils étaient en meilleurs termes. Ils s'étaient tous les deux adoucis, perdant cette répartie cinglante, cette tension piquante.


Après plusieurs jours de réflexion et de remise en question, tournant le problème dans tous les sens, Ysaline avait décidé d'essayer d'arranger les choses.


Alors, elle avait décidé d'aller chez lui, sous prétexte d'aller récupérer des affaires dont elle avait besoin. Elle devait le rejoindre en bas de l'immeuble et plus elle patientait, plus elle sentait l'anxiété grimper en elle. Elle avait fini par casser tous ses ongles, victimes de sa nervosité. Elle avait sursauté quand Jason était arrivé derrière elle. En la voyant, il avait tendu la main vers elle mais s'était ravisé et avait finalement ramené son bras contre lui, hésitant. Elle aurait bien aimé qu'il lui prenne la main et lui dise que ce n'était rien, mais il l'avait simplement saluée avant de rentrer dans le hall.

Après la pluie reste le mauvais tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant