Après la pluie reste le mauvais temps

Chapitre 18 : Congés vanillés

Ils étaient partis de bonne heure ce matin-là, alors que la ville était encore enveloppée de la brume matinale qui filtrait les premiers rayons du soleil. La voiture filait rapidement le long de la côte, le paysage défilant lentement à travers les vitres baissées. Le vent frais apportait avec lui l'odeur salée de l'océan, à laquelle Ysaline était désormais habituée après plusieurs mois à habiter dans une ville côtière. Comme à son habitude, elle avait appuyé sa tête sur la paume de sa main contre la portière et regardait l'horizon en silence, ses pensées visiblement ailleurs et ses yeux encore à demi clos.

Aujourd'hui était le grand jour, ils partaient enfin en vacances ensemble, s'éloignant de tous les problèmes qui semblaient les poursuivre à Amoris. Comme Jason ne pouvait pas beaucoup s'éloigner, ils avaient convenu d'aller passer quelques jours dans une maison appartenant à sa mère. Ce n'était pas vraiment dépaysant étant donné qu'elle était au bord de l'océan, à moins de cents kilomètres de chez eux, mais au moins ils changeraient d'environnement et seraient tous les deux. Juste tous les deux. Sans avoir besoin d'être prudents ou de se cacher. Sans risquer de se faire interrompre par une petite sœur tête en l'air ou par un assistant qui appréciait autant Ysaline que les lundi matin.

— Tu es encore dans la lune, chaton, remarqua finalement Jason après de longues minutes de silence.

Ysaline cligna des yeux et tourna la tête dans sa direction. Il restait concentré sur la route mais elle avait remarqué qu'il lui jetait des petits coups d'œils concernés de temps en temps. Ce n'était pas la première fois qu'ils ne parlaient pas lors d'un trajet en voiture, au contraire, mais ce silence-ci était différent, un peu plus pesant. Elle remarqua qu'elle tapait nerveusement du pied et arrêta aussitôt.

Depuis la veille, Ysaline était d'une humeur grisonnante et elle n'arrivait pas à se calmer complètement. Elle avait complètement paniqué en recevant un SMS, ce qui avait coupé court non seulement à la discussion qu'elle avait avec Jason, mais aussi à leur soirée. Elle avait préféré rentrer chez elle et le rejoindre ce matin pour leur départ. Elle avait vraiment besoin de décompresser car elle semblait ne jamais avoir une seconde de répit.

— Ah, désolée, je pensais à...

Mais elle ne termina pas sa phrase. Si elle était encore stressée, c'était avant tout parce qu'elle avait pensé que c'était un message de Léo. Elle n'arrivait toujours pas à le chasser de son esprit, et pourtant ce n'était pas faute d'essayer. En fait, il semblait que son esprit ne voulait même pas vraiment accepter la réalité. Léo avait pris une place tellement importante dans sa vie, et dans un sens positif, qu'elle était encore dans une forme de déni. Et il laissait un grand vide derrière lui. Elle ne s'était jamais sentie aussi trahie de sa vie, et pourtant, il y avait eu Ioan.

Décidément, elle n'était pas très douée pour choisir les personnes avec lesquelles s'entourer. Elle jeta un regard furtif dans la direction de Jason et un nœud se forma dans son estomac. Elle ne pouvait pas baser toutes ses relations sur de l'angoisse, il ne fallait surtout pas qu'elle s'empêche complètement de faire confiance aux gens.

Jason regarda à nouveau dans sa direction, un soupçon d'inquiétude au fond du regard, mais hocha la tête et la laissa tranquille. Il était vraiment douée pour lui laisser l'espace dont elle avait besoin. Elle soupira et joua machinalement avec son portable, qui était posé sur ses genoux.

En parlant de personnes proches... C'était Adeline qui lui avait envoyé le message qui lui avait fait si peur. Et si Ysaline avait choisi de ne pas complètement se fermer aux autres, elle avait tout de même décidé d'être beaucoup plus catégorique dans ses relations. Et de ne plus négliger ses propres envies et besoins. Maintenant plus que jamais, elle avait besoin de penser à elle. Et Adeline, qui avait pourtant été une amie si chère, avait tendance à la tirer vers le bas.