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Eddie était le seul chat noir parmi les trois petits chatons nés ce printemps-là. Ses sœurs, l'une d'un blanc immaculé et l'autre d'un caramel chatoyant, attiraient toutes les attentions et les caresses de leurs maîtres. Dès le début, Eddie ressentit la différence de traitement. Ses sœurs recevaient des câlins et des jeux, tandis qu'on l'ignorait. Quand venait l'heure des repas, ses maîtres lui laissaient à peine les restes de croquettes, celles que ses sœurs ne voulaient plus.
La maison était grande, mais Eddie s'y sentait petit et invisible. Il passait ses journées à regarder par la fenêtre, seul, espérant un peu de chaleur et de tendresse. Ses sœurs, quant à elles, jouaient entre elles, sans se soucier de lui. Puis vint le jour où tout bascula.
Un incendie se déclara dans la maison. Eddie se souvint de la panique, de la fumée, et des cris. Ses maîtres couraient partout, cherchant à sauver ce qu'ils pouvaient. Eddie, terrorisé, se cacha sous un meuble. Quand son maître le trouva, ce ne fut pas pour le sauver mais pour le jeter dehors. Il le saisit par la peau du cou et le lança violemment sous la pluie battante, en criant : "Chat de malheur ! Tout ça, c'est de ta faute !"
Eddie atterrit lourdement sur le goudron humide, se blessant la patte. Il se retourna vers la maison en flammes et, à travers les fenêtres, il vit ses sœurs qui le regardaient avec indifférence, leurs yeux dépourvus de la moindre compassion.
Abandonné et blessé, il erra dans les rues. Il chercha désespérément de la nourriture. La faim était constante, si intense qu'elle devenait une sensation familière, presque oubliée dans sa persistance.
Un jour, alors qu'il avançait tête baissée, perdu dans ses pensées, il heurta les jambes d'une femme. Il leva les yeux et vit un visage souriant, celui d'une femme aux cheveux bruns et à la peau pâle parsemée de taches de rousseur.
"Salut, petit chat," dit-elle d'une voix douce, s'accroupissant pour lui caresser la tête. Eddie fut surpris par cette douceur inattendue. Shannon, comme il l'entendit plus tard, regarda son collier.
"Enchantée, Eddie. On va te ramener chez tes propriétaires, ne t'en fais pas."
La panique l'envahit. Il ne voulait pas retourner dans cet enfer. Mais Shannon le prit doucement dans ses bras. Épuisé, il s'endormit, ses craintes momentanément apaisées.
Il se réveilla dans un cabinet vétérinaire, où Shannon demandait des informations à un homme aux lunettes bleues. Celui-ci secoua la tête. "Je ne trouve rien dans mon ordinateur," dit-il. Quand Eddie ouvrit les yeux à nouveau, il était dans un panier douillet, à côté d'une gamelle de croquettes et d'eau. Son ventre gargouilla si fort qu'il sursauta, réalisant combien il avait faim.
Les jours passèrent dans le calme et la sécurité du foyer de Shannon. Elle le choyait, le caressait souvent, et parlait avec lui comme s'il comprenait chaque mot. Pour la première fois, Eddie se sentait aimé.
