2. Les masques tombent

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"J'écoute," fit le secrétaire d'État en se tournant pour lui faire face.

Jordan ouvrit la bouche, cherchant comment initier sa question. D'ordinaire, il était plutôt à l'aise avec les mots - bien qu'il préférait reprendre ceux des autres pour rebondir sur leurs propos -, mais il connaissait souvent les thématiques à l'avance, et il avait aussi des discours pré-rédigés. Là, à cet instant, il ne savait comment s'y prendre.

"Si c'est au sujet de cette soirée à la plage," commença M. Attal, comme s'il avait lu dans ses pensées, "cela reste du passé et n'a aucune raison de se dresser entre nous. Je ne suis pas très friand d'utiliser des éléments personnels pour nuire à mes rivaux."

Jordan laissa échapper l'air qu'il avait vraisemblablement gardé prisonnier de ses poumons. Il hocha simplement la tête. Il avait envie de le croire.

Un homme entra dans la pièce sans leur prêter attention, s'engouffrant directement dans une cabine, les laissant silencieux. M. Attal le toisa un instant avant de se tourner pour se laver les mains. Jordan en profita pour laisser ses yeux parcourir son corps. Cela n'avait rien à voir avec la dernière image qu'il avait eue de lui, avec sa chemise à fleurs plus qu'entrouverte, son short qui laissait bien imaginer la courbe de ses fesses. Pourtant, le costume gris anthracite et la cravate rouge sang épousaient parfaitement ses formes et le mettait en valeur d'une façon bien différente. Jordan se mordit les lèvres. Il n'avait pas le droit de trouver un homme aussi attirant. Et pourtant... Peut-être pouvait-il faire une petite exception ? Après tout, ce n'était pas tous les hommes, c'était juste Gabriel.

De plus, ce dernier venait de lui confirmer qu'il n'utiliserait pas leur passé contre lui, qu'il n'allait pas instrumentaliser leur relation. S'il tenait tant à séparer sa vie professionnelle de sa vie privée, que risquait Jordan à lui avouer tous les regrets qu'il avait gardés enfouis en lui tout ce temps ? Personne n'en saurait rien. Ce qui serait dit dans ces toilettes de la classe Business de l'aéroport de Marseille, resterait dans les toilettes de la classe Business de l'aéroport de Marseille.

Le porte-parole du gouvernement se séchait les mains à présent, et l'inconnu qui était entré plus tôt passa à son tour au lavabo avant de sortir aussi vite qu'il était entré.

"Ce sera tout ?" demanda immédiatement M. Attal. "J'ai une journée chargée."

Il n'attendit pas vraiment de réponse, se faufilant à côté de Jordan pour rejoindre la sortie. Un peu trop près, si l'on considérait la place largement suffisante pour contourner le jeune homme sans avoir à le frôler.

Sans réfléchir, Jordan tendit un bras pour l'arrêter, retenant le secrétaire d'État par la taille. La proximité soudaine les fit s'immobiliser tous les deux.

"Je voulais juste... J'ai jamais..." Jordan déglutit et soupira tandis que M. Attal établissait un tout petit pas de distance entre eux, son attention à nouveau fixée sur lui. "J'ai jamais fait suite à cette nuit-là," finit-il par admettre, un peu honteux.

Il avait voulu, à l'époque, envoyer un message à ce numéro. Il l'avait même entré dans ses contacts quand sa mère l'avait trouvé dans sa poche au moment de faire la lessive, lui demandant quelle fille il avait dégoté. Mais l'idée était exactement là : ses parents, son entourage, ses amis, sa famille, ses connaissances... Personne n'aurait attendu quelque chose comme ça de lui. Ses amis l'avaient bien charrié sur la route du retour, ils avaient tenté de savoir où il avait bien pu avoir disparu toute la soirée ; mais Jordan avait simplement dit qu'il s'était retrouvé dans une contre soirée un peu plus loin.

"J'avais remarqué," railla M. Attal, coupant court au fil de pensées de Jordan.

"Non, je veux dire... J'ai voulu mais euh..."

Un Fil (Bleu, Blanc) RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant