24. Renaissance

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Face au franc succès de ces JO, Jordan, tout comme ses collègues au Rassemblement National, n'avait trouvé d'autre choix que de se montrer inhabituellement discret sur les réseaux, se contentant simplement de féliciter les médaillés français. Ce silence radio n'était pas passé inaperçu auprès des médias, tout particulièrement après la cérémonie d'ouverture et la performance (for me) formidable d'Aya Nakamura, dont la possible participation avait été vivement critiquée par Marine Le Pen plusieurs mois auparavant. Par ailleurs, l'insécurité que les lepénistes qualifiaient comme omniprésente dans le pays, n'avait finalement pas une seule fois pointé le bout de son nez.

Lui qui avait fièrement assuré qu'il n'était pas de ces politiciens qui retournent constamment leurs vestes, Jordan préférait ne pas se joindre à l'engouement général de l'olympiade parisienne. Ou, au moins, ne pas s'y joindre devant les caméras.

Il pouvait bien profiter de son statut et de son équipe pour assister en toute discrétion aux épreuves d'arts martiaux dans le Grand Palais récemment rénové. L'aïkido, un sport défensif qu'il affectionnait tant, n'était malheureusement pas une discipline olympique, mais les combats de taekwondo programmés en ce jeudi 8 août lui offraient tout de même un très beau spectacle.

Jordan regretta encore moins son déplacement quand il croisa l'objet de la plupart de ses pensées dernièrement dans les coulisses, entre deux épreuves. Il aurait dû s'en douter, il était presque tout le temps là, et quand ce n'était pas lui, c'était Emmanuel Macron - comme s'ils avaient tous deux décidé de se partager les épreuves dans leurs agendas respectifs, ou qu'ils évitaient habilement de se croiser.

Mais cette fois, heureusement pour Jordan, l'homme qu'il désirait tant revoir était seul. Pas d'ex envahissant en vue.

"M. Attal," le salua-t-il avec une réserve polie.

Les yeux de Gabriel se posèrent sur lui avant d'observer leur environnement. Jordan imaginait qu'il était à la recherche d'oreilles curieuses, mais il ne sembla pas en trouver.

"Jordan," répondit le Premier Ministre démissionnaire avant de faire volte-face pour aller échanger quelques mots avec son garde du corps posté un peu plus loin.

Ce dernier hocha la tête et parla dans son oreillette tandis que Gabriel lui jetait un coup d'œil.

Jordan se sentait serein d'attendre là. Quelque chose lui laissait penser que Gabriel n'était pas en train de l'éviter ou de l'ignorer comme il avait pu le faire par le passé.

Sa patience fut récompensée lorsque Gabriel lui fit un signe de main.

"Suis-moi."

Jordan emboîta le pas au Ministre démissionnaire, devancé de son garde du corps, jusqu'à une loge - probablement la pièce qui servait pour les dernières retouches de maquillage avant que les politiques ne se présentent dans les gradins.

Anthony fit un signe de tête à Gabriel et les regarda entrer. Jordan croisa son regard mais n'y vit qu'une forme de... Compréhension ? Étrange.

Gabriel ferma la porte derrière eux et s'adossa à la console, le miroir reflétant son dos, avant de regarder Jordan.

"Je pensais vraiment pas te croiser ici," admit-il avec un petit sourire.

"Ouais, apparemment on m'a pas encore blacklisté," dit Jordan en haussant nonchalamment les épaules.

"Non. Par contre, pas sûr que ça soit aussi le cas de ta cheffe," blagua le Premier Ministre démissionnaire.

Il secoua lentement la tête et passa une main dans ses cheveux.

"Écoute," reprit Gabriel dans un soupir, "j'ai pas mal réfléchi depuis le café et... Je crois qu'on a tout fait à l'envers."

"Comment ça ?" interrogea Jordan, une légère crispation prenant rapidement possession de son diaphragme.

Un Fil (Bleu, Blanc) RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant