20. Perdre les pédales

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La "trêve olympique" comme l'avait effrontément appelée le Président de la République, ne débuta pas vraiment comme une trêve pour Gabriel Attal.

Cantonné aux affaires courantes, le Premier Ministre démissionnaire fut convoqué en ce matin du vendredi 26 juillet en cellule de crise, suite au sabotage massif du réseau SNCF. Il pesa ses mots devant les caméras ; pas d'inquiétude, pas de panique. Lui-même avait attendu avec impatience cette période de célébrations afin de s'occuper l'esprit. Devoir s'occuper d'une crise majeure, même pas deux semaines après la démission officielle de son gouvernement, serait la goutte d'eau qui ferait déborder le vase.

Heureusement pour lui, ce furent seulement des gouttes de pluie qui s'abattirent ensuite sur toute la ville. Malgré l'attaque du réseau ferroviaire, et malgré cette météo loin d'être représentative d'une fin de mois de juillet, la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris eut bien lieu dans la soirée.

Grandiose, magnifique, époustouflante. Les mots lui manquaient pour décrire la vue de cette gigantesque vasque qui brillait de mille feux depuis le Jardin des Tuileries. Le ballon portant la flamme olympique s'éleva lentement dans le ciel de Paris, accompagné par la douce mélodie de L'Hymne à l'amour, interprétée par nulle autre que Céline Dion.

Nous aurons pour nous l'éternité
Dans le bleu de toute l'immensité
Dans le ciel, plus de problème
Mon amour, crois-tu qu'on s'aime ?
Dieu réunit ceux qui s'aiment

Difficile de rester indifférent à ces paroles pleines de poésie, même après un chagrin d'am-... Gabriel secoua la tête.

L'amour, il avait pensé l'avoir trouvé quand il avait rencontré Stéphane.

Il avait bien eu des relations avant lui, mais personne ne l'avait touché en plein cœur comme l'ancien Ministre des Affaires étrangères. Avec lui, il avait passé sept années avec des hauts et des bas, des rires, des pleurs, de la complicité, de la fidélité. Stéphane avait été son premier véritable amour. Et jusqu'à présent, son dernier.

À l'époque, il était persuadé que leur relation résisterait à tout. Et pourtant... Il semblerait bien que toutes les bonnes choses avaient une fin. Tous ses efforts déployés dans leur relation pendant toutes ces années, et il se retrouvait ramené à la case départ.

Peut-être que l'amour était un peu surfait, en fin de compte.

Gabriel était en train de descendre les estrades installées à la place du Trocadéro quand une voix familière l'interpella. Comme si ses précédentes pensées avaient invoqué sa présence près de lui, Stéphane avait quitté sa place quelques sièges plus loin pour le rejoindre. La cérémonie ayant touché à sa fin, ils n'attireraient heureusement pas les regards au milieu de la foule qui s'agitait autour d'eux.

"Tu viens à la soirée de Camille, ce soir ?" s'enquit Stéphane.

"Oui, bien sûr." Il sourit. Il n'allait assurément pas rater une autre occasion de se changer les idées. "On se rejoint là-bas ?"

Son ex-compagnon hocha la tête, puis regarda sa montre.

"On ferait mieux d'y aller directement, il est presque minuit déjà," remarqua-t-il.

Gabriel haussa un sourcil.

"Non, Gabriel, je ne compte pas finir à 3 heures du matin, personnellement. Je pense que j'ai largement passé l'âge." Il secoua la tête, un petit sourire aux lèvres. "Après, toi, tu fais ce que tu veux."

"Encore heureux," rit-il.

"Tant que tu restes prudent... Et que t'évites de te bousiller le foie..."

Un Fil (Bleu, Blanc) RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant