Chapitre 5

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Nous pénétrâmes dans une villa aux murs immenses et recouverts de plantes grimpantes. Nous étions escortés par plusieurs gardes qui restaient cependant à une distance raisonnable de notre trio. L'intérieur de la villa était aussi impressionnant que l'extérieur, spacieux avec d'immenses tableaux faisant référence à des membres de la famille de Micheltorena, qui je supposais avaient dû vivre dans cette villa des années auparavant. Les lustres étincelants et le mobilier riche prouvait bien que nous étions dans la maison du gouverneur de Californie. Celui-ci, sourire étincelant, nous fit une rapide visite des lieux. Une bonne odeur de volaille et de légumes frit vint titiller mes narines. Nous entrâmes bientôt dans une grande salle à manger où un copieux buffet s'offrait à nous. Je reconnus des fleurs de pavot disposées dans de beaux vases en verre teinté de part et d'autre de la table, comme celles que le marchand m'avait offert. La seule différence résidait dans la couleur des pétales, elles n'étaient pas oranges mais d'un blanc pur que je trouvai magnifique. La tablée était déjà occupée par des officiers qui se levèrent poliment à notre arrivée. Je reconnus immédiatement l'uniforme américains et mes yeux ne purent s'empêcher de s'écarquiller de surprise. Un homme s'avança vers nous, il avait les cheveux courts et d'un blond que je n'avais jamais vu. Son visage était anguleux et seuls ses yeux bleu lumineux venaient contraster ses traits sévères. Malgré sa jeunesse, il paraissait fatigué.

- Je vous présente le commandant de l'escadre du Pacifique, John Drake Sloat. Il est ici pour donner les dernières directives de l'état américain avant de rentrer chez lui soigner son état de santé.

Le commandant esquissa un maigre sourire et ajouta :

- Ne me présentez pas comme un animal mourant, gouverneur, il me reste encore du temps à vivre et des choses à boucler.

Les deux hommes se mirent alors à rire de bon cœur. Puis, Manuel Micheltorena ajouta :

- Et voici, Sergio, un ami proche venu d'Espagne accompagné d'Esperanza.

- L'Esperanza dont vous me parliez ?

- Exactement.

- Enchanté mademoiselle, murmura le commandant et il prit ma main pour l'embrasser.

J'étais embarrassée et je ne pus m'empêcher de rougir. Je paraissais célèbre auprès de ces hommes mais je n'avais pas la moindre idée de pourquoi. Je lançai un regard interrogateur à Sergio, que celui-ci fuya comme si de rien n'était. Il s'ensuit un repas animé et joyeux. A un moment, je ne pus m'empêcher de demander :

- D'où viennent ces jolis pavots blancs, qui semblent présents partout en Californie ?

- Ces pavots sont communs certes, mais l'espèce que nous avons est spécifique. La fleur commune est orange alors que la nôtre est blanche et ne pousse qu'ici dans notre domaine.

J'acquiesçai, et la conversation repris. J'observai discrètement Sergio. Il me paraissait si différent de celui que je connaissais en Espagne. J'avais du mal à reconnaître le Sergio paternel et protecteur qui avait toujours pris soin de moi, parmi ces hommes de haute importance. Le repas s'achevait lorsque le gouverneur annonça :

- Assez plaisanté comme ça, il est temps de parler sérieux.

Il nous invita à nous lever et à le suivre dans son bureau. Ne sachant pas exactement où me mettre, je restai dans la salle à manger, à flâner près des fenêtres. J'observai le champ de fleurs blanches en contrebas. J'avais accompagné Sergio par amitié, mais je ne pensais pas qu'il souhaitait que je m'implique dans les décisions politiques d'un pays que je connaissais si peu, et dont les rouages m'échappaient encore pour l'instant. Pourtant, je le vis s'adresser à moi, un léger sourire sur les lèvres :

EsperanzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant