Chapitre 14

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Je m'éloignai du désastre que nous venions de provoquer et je me mis à courir. Qu'avais-je fait ? Un sentiment de culpabilité serra ma poitrine comme un étau parce que j'avais trahi la confiance de Sergio. C'est donc dans un élan d'angoisse presque réelle que je criais :

- Au secours, le jardin prend feu ! Faites évacuer la villa.

Les valets et les invités se précipitèrent aux fenêtres pour observer les flammes enfler et s'amplifier devant leurs yeux apeurés. Je pus observer la panique gagnée chaque visiteur et se muer en panique général où cris et injonctions s'entremêlaient pour former un brouhaha sans nom. Les gardes se jetèrent vers les escaliers menant à la cour et j'en profitai pour rejoindre la salle de réunion où j'étais à peu près sûre que la mallette noire se trouvait. Je pénétrai dans une salle faiblement éclairée par quelques cierges posés sur une table ronde où trônait ma mallette, attaché au bras du valet. Il leva un sourcil inquisiteur à mon entrée.

- Sergio m'a ordonné de récupérer la mallette afin de la mettre en sécurité. Un incendie vient de se déclarer dans la cour intérieure.

Je tendis une main vers lui, qu'il regarda sans trop savoir quoi faire.

- Donnez-la moi, ordonnai-je fermement.

L'homme frémit et s'empressa de détacher la mallette pour me la tendre.

- Manuel vous attend à la réception, dis-je avant de quitter les lieux pour m'assurer de ne pas être suivie.

J'entendis une explosion qui me fit sursauter. J'allais désormais à contre sens du flot humain pour rejoindre le patio. J'agissais sans réfléchir, il valait mieux que je ne réfléchisse pas. Ce que je ne remarquai pas dans ma précipitation, ce fut le commandant Stockton qui s'arrêta net en m'apercevant alors que je le dépassai. J'arrivai enfin dans un couloir désert et je montai les quelques marches en courant. Avec Alejandro, nous avions prévu de nous retrouver dans mes appartements dès que j'aurais accompli la mission. Je poussai donc la porte de ma chambre et m'engouffrai à l'intérieur. La chaleur qui occupait l'espace me brûla la gorge et j'essuyai la sueur sur mon front d'un revers de main. Je compris immédiatement d'où elle provenait, les fenêtres du salon donnant sur l'immense terrasse de mon appartement étaient ouvertes. Cette esplanade donnait directement sur le jardin et les cultures de Manuel. Je m'y avançais prudemment et la fumée portée par le vent me fit tousser.

- Tu as réussi.

Alejandro dans un élan de joie me prit dans ses bras et je me laissai faire. La poussière faisait pleurer mes yeux dont la vision était brouillée par mes larmes et la fumée. Pourtant, à travers ce voile opaque je distinguai une large silhouette derrière nous. Je ne pus réprimer un cri en m'écartant de mon acolyte et lâchai la mallette que je tenais dans ma main.

- Ce n'est rien. C'est mon père, Esperanza.

Je reculai encore méfiante devant la silhouette humaine qui prenait désormais forme et couleurs. Santa Anna se tenait devant moi avec la même expression que lorsque je l'avais quitté, un mélange de tristesse et de consternation. Alejandro s'empara de la petite valise et la souleva au-dessus de la rambarde où le feu prenait progressivement de l'ampleur. Je vis son visage grave et ses traits tirés et j'admirais ce portrait solennel devant la fumée qui s'élevait encore plus haut. Mes yeux restèrent fixés sur ses lèvres, que j'avais trouvé sensuelles sans me l'avouer. Elles remuèrent sans émettre un son. Le temps s'était comme allongé, je me reposai dans ce silence agréable. Même le crépitement du feu semblait s'être tu. Je perçus le son de sa voix avec un temps de retard en même temps que la détonation d'un coup de feu. Je vis ses yeux s'agrandirent, sa bouche se fermer alors qu'une balle venait de se loger dans son dos. Ses doigts se décontractèrent et la mallette chuta. C'est à ce moment que tous les sons réapparurent, une nuée de vrombissements m'assaillirent de toute part. Je crois que je m'entendis crier et mon regard convergea vers l'homme à l'autre bout de la terrasse qui venait de tirer. Sergio tenait un revolver à la main. Mes yeux se remplirent de haine et je criai :

EsperanzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant