Chapitre 12

5 1 0
                                    

Je fais signe à Théo de se taire alors qu'il commence à s'extasier sur le repas qu'il mangera ce soir, si nous ne sommes pas tués d'ici là. Du coin de l'œil, je lui montre l'écart entre ma porte et son encadrement. Il tilte que nous avons un invité surprise puis pose son majeur sur ses lèvres comme si j'étais celui qui faisait le plus de bruit. Je l'insulte intérieurement à cause de ses nouvelles chaussures qui couinent chaque moindre pas qu'il fait. Tels des cambrioleurs prêts à s'introduire dans une demeure, nous longeons le mur jusqu'à poser un pied après l'autre sur le paillasson de l'entrée. Dans la villa, je n'ai jamais été inquiet de devoir affronter une situation comme celle-ci parce que l'efficacité des gardes du corps de mon père ont toujours fait preuve. Aujourd'hui, je regrette un peu de ne pas l'avoir écouté lorsqu'il m'a proposé d'en embaucher un. Même si mon cousin passe en moyenne dix bonnes heures à faire du renforcement musculaire, je ne le qualifie pas d'agent de sécurité pour autant. Puis, quand je le vois s'emparer d'une serviette en papier pour essuyer une tache qui gâche le blanc sur sa chaussure, je me dis qu'un exercice de secours à ses côtés finirait forcément par un tour à l'hôpital pour l'un de nous. Mes gros yeux le ramènent à la réalité. Nous avançons jusqu'à l'îlot central de la cuisine et alors que je m'apprête à nous donner deux directions différentes, nous entendons du bruit en provenance de mon bureau.

Théo s'empare d'un couteau pendant que je m'équipe d'une casserole sale demeurant dans l'évier depuis la veille. Prétextant qu'il a une meilleure arme que moi, je l'envoie au front. Sur la pointe des pieds, nous nous approchons des grognements féroces qui s'élèvent à mesure que les centimètres se réduisent. Une fois devant la porte, chacun de notre côté, Théo compte sur ses doigts sans me dire à quel chiffre nous devons pénétrer dans la pièce, si bien qu'il affronte l'inconnu seul quand il l'a décrété.

— Putain, sérieusement ? l'entends-je hurlé alors que je suis toujours caché. Eugène, ramène-toi.

Après m'être assuré qu'aucun danger ne m'attendait, je rentre dans le bureau et découvre Mila assise devant un jeu de tir en ligne. Théo est obligé de lui retirer son casque des oreilles pour qu'elle nous remarque. Elle sursaute et par la même occasion, perd la partie.

— NON ! Mais, merde, j'allais donner une bonne leçon à ce connard, s'énerve-t-elle en attaquant de ses poings le torse de mon cousin.

— Tu préfères peut-être que je t'étouffe avec un coussin ? s'agace-t-il. Tu nous as fait peur, idiote !

— Quoi ? Je t'ai laissé un message disant que je passais ce soir, m'explique-t-elle en consultant son téléphone. Que j'ai oublié d'envoyer...

— Pas grave, mais la prochaine fois, si tu pouvais fermer la porte, mon rythme cardiaque t'en sera reconnaissante.

— Désolée, s'excuse-t-elle. Tu me pardonnes si je te laisse gagner une partie ?

— Ça ira. Je n'ai pas très envie de jouer ce soir.

— Réunion dans ta cuisine dans trente minutes ! Mais avant, j'ai un misogyne à remettre à sa place, déclare-t-elle en retournant dans sa game.

— Et tu me proposes pas à moi ? s'offusque Théo en s'asseyant à ses côtés pour allumer l'autre PC.

Lorsque je finis par entendre de jolis noms d'oiseau sortir de leur bouche, je sais qu'une demi-heure ne leur suffira pas. Je quitte la pièce quand mon téléphone vibre pour annoncer l'arrivée du livreur en bas de l'immeuble. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles mon père a insisté pour avoir quelqu'un à longueur de journée auprès de moi. Me pointer devant un inconnu pour récupérer ma commande livrée reviendrait presque à lui signaler mon adresse. Ayant fait le choix de ne pas être suivie toutes les minutes, j'ai promis à mon père de ne jamais m'identifier sous mon nom et d'à la moindre sortie non officielle de porter une casquette et des lunettes de soleil.

Watch me burnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant