Chapitre 10

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 — Quoi ?

— Ton père nous envoie de l'argent, répète-t-il en affirmant l'ignoble acte de mon paternel.

Mais quelle abeille l'a piqué ? Pourquoi a-t-il fait ça ?

— J'ai découvert ça quand le notaire est venu à la maison, ajoute-t-il. Une grosse somme d'argent a atterri sur le compte en banque de mes parents avec comme expéditeur le numéro de SIREN de votre entreprise. Au départ, j'ai pensé qu'ils nous envoyaient un dédommagement pour présenter leur excuse. Une manière de nous aider à payer son enterrement, ce qui n'a pas servi puisque son corps a été calciné.

Le ton qu'il emploie sur sa dernière phrase me glace le sang. Je me souviens de l'horreur et de la terreur qui m'a envahi lorsque j'ai appris que ma mère n'était plus que poussière. D'ordinaire, les gens se recueillent auprès d'un corps ou d'une forme valide malgré l'absence d'âme. Ça n'a pas été le cas pour nous. Mon père a tout de même insisté pour qu'elle ait un cercueil. J'ai trouvé son idée immorale parce qu'elle nous rappelait d'autant plus que ma mère n'existait plus. Nous avons suggéré de récupérer ses cendres, sauf qu'elles étaient mélangées aux restes du bâtiment et surtout aux cendres du corps de la mère d'Émile. L'un comme l'autre, nous avons dû dire adieu à nos mères sans pouvoir les regarder dormir une dernière fois.

— Puis, j'ai découvert le carnet de ma mère et le soupçon s'est agrandi en moi, continue-t-il. Le soir de la commémoration, j'étais si énervé que j'ai débarqué en pensant pouvoir faire changer d'avis ton père et l'amener à dire la vérité. Je me suis trompé et j'ai découvert son vrai visage quand il a fait le deuxième versement le lendemain.

— T'es en train de me dire qu'il vous achète ? dis-je abasourdi.

— C'est mon impression.

— Émile. Dis-moi que tu ne me crois pas capable d'approuver ce genre de chantage ?

Son silence m'indique qu'il doute de mon engagement dans cette manigance. Cela explique pourquoi chaque pas vers lui alimentait d'autant plus sa haine envers moi. Et je comprends sa réticence de me faire à nouveau confiance.

— Je te jure que je ne savais rien. Si ça avait été le cas, j'aurai promis de me tenir loin de toi comme il le souhaite.

— Pourquoi tu ne le fais pas ?

— Parce que je ne peux pas. Je n'y arrive pas.

Ce n'est pas le moment de lui dire à quel point il me manque, alors je reprends mes esprits. Une question me taraude depuis que je l'ai vu mal en point la dernière fois. Je perdrais le contrôle s'il était responsable.

— Est-ce que mon père est à l'origine des bleues et des blessures sur ton corps ?

— Non. C'est une autre histoire...

Je suis soulagé de l'entendre et à la fois, je réalise que quelqu'un d'autre lui veut du mal. Qui pourrait autant lui en vouloir pour s'acharner ainsi sur lui ? Je conçois que certaines personnes n'ont besoin d'aucun argument avant de s'en prendre à des innocents, mais Émile qui cherche à rendre justice à tous les actes immoraux, n'aurait jamais laissé passer cela. Je ne veux pas m'immiscer dans sa vie privée, mais je ressens de la peine quand quelques mois plus tôt, nous ne nous cachions rien.

— Tu veux en parler ?

— Je veux surtout que ton père s'excuse et qu'il fasse un communiqué sur la mort de ma mère. Et n'imagine même pas le faire à sa place, déclare-t-il en déjouant mon plan.

— Je vais en discuter avec lui, mais je ne peux pas te promettre d'obtenir son pardon si je n'ai pas de preuve à lui donner.

— Des preuves ? s'indigne-t-il. Mais, merde, Eugène. Des preuves, il en pleut par centaine. Il n'y a rien de vrai dans ce prétendu accident. On a tué ma mère parce que quelqu'un s'est vengé sur ta mère.

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