Chapitre 5

11 4 0
                                    

D'un pas lent, Émile s'approche de moi. Un adulte le soutient par la taille pendant qu'il s'accroche à lui en ayant passé un bras sur ses épaules. Sa mine est encore plus déconfite que ce matin. Il semblerait que ses blessures lui donnent du fil à retordre. Sa mâchoire est crispée et il ne retient pas ses jurons.

— Hey, toi ! m'interpelle l'individu en me repérant. Viens me donner un coup de main.

Je range l'appareil photo jetable dans la poche de mon jean et m'avance vers eux. Émile lève les yeux aux ciels quand il s'aperçoit que je viens lui porter secours. Je passe outre le fait qu'il ne me blaire pas et transpose son poids sur mon corps en le portant sur mon dos. Ma méthode ne lui plaît pas, cependant je ne le lâche pas. Son escorte qui de plus près pourrait avoir notre âge me demande d'emmener Émile à l'infirmerie. Je témoigne de mon inquiétude en lui demandant ce qui s'est passé. Il me raconte que la plaie d'Émile s'est mise à saigner ce qui a provoqué le malaise d'une fille de leurs cours de biologie. Plutôt embêtant pour quelqu'un qui étudie la science du vivant. J'indique à l'élève que je prends le relais et il court en vitesse.

— Tu peux me lâcher maintenant ! déclare Émile d'un ton sec.

Je m'accroupis pour qu'il descende de mon dos sans avoir à sauter. Cependant, il atterrit sur son côté droit qui lui fait perdre l'équilibre. Je le rattrape avant qu'il ne tombe et passe son bras sur mes épaules même s'il se débat.

— J'ai pas besoin de ton aide.

D'après Émile, personne n'a besoin d'aide. Tout le monde se construit seul et combat la douleur par ses propres moyens. Je suis de ceux qui ne demandent pas d'aide, mais qui apprécient lorsque quelqu'un se soucie de nous. Pour Émile, cette perception est difficile à comprendre. Il n'a eu personne pour lui tenir compagnie ces derniers mois. Sa plus grande amie est partie avec ma plus grande fierté. Alors, selon lui, le soutien des autres se transforme en pitié. Je n'ai pas pitié de lui. Je veux qu'il aille mieux, et surtout qu'il me fasse de nouveau confiance.

— Ça faisait partie de ton plan ça aussi ?

— De quoi ?

— Elle t'a dit où me trouver.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Ta copine m'a harcelé pour que je te laisse me causer.

Mila, j'avais préconisé de jouer dans la délicatesse !

— J'imagine que tu as refusé...

— Ouais, mais bon il semblerait que tu trouves toujours une solution à tout. Comme ton père, tiens !

Je n'aime pas quand il me compare à lui. Émile ne l'a jamais apprécié et maintenant qu'il le déteste, il me déteste aussi.

— Est-ce que me parler te répugne ?

— Je voudrais bien m'en passer...

— Eh bien, tais-toi et laisse-moi t'emmener à l'infirmerie.

Son regard plein de reproches m'examine comme si je n'avais jamais usé de mon sarcasme sur lui. Je le faisais. Il adorait même me répondre. À croire que ce temps n'a jamais existé. Nous nous taisons jusqu'à ce que l'infirmière s'énerve contre Émile.

— Vous vous battez encore à votre âge !

Si les enfants affichent une moue lorsqu'ils sont réprimandés, Émile la dévisage comme si le coupable se trouvait devant lui. Comme il ne se justifie pas, j'émets des doutes sur sa remarque. S'il s'agissait vraiment d'une bagarre, je suis curieux de savoir qui était dans le camp adverse.

L'infirmière lui préconise d'enlever sa chemise pour pouvoir l'examiner. Le sang a coagulé sur son vêtement, ce qui l'empêche de le retirer. Quand elle remarque que cette étape lui pose problème, elle me fait un signe de la tête pour que je lui vienne en aide. Émile s'empresse alors de l'ôter en hurlant de douleur.

Watch me burnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant