Watch me burn

Chapitre 7

Je relis son message trois fois avant de m'emparer du carnet d'Émile sous les yeux perturbés de mes meilleurs amis. Ils échangent quelques mots que je n'entends pas lorsque je me précipite dans ma chambre puis la ferme à clef. Quel idiot ! Pourquoi ne le lui ai-je pas rendu dès le départ ? Un deuxième message s'affiche.

[Je vous laisse jusqu'à demain matin pour me le rendre sinon j'appelle la police.]

Je pourrai prétendre que je ne comprends pas, sauf qu'il est trop tard lorsque je lui envoie : « D'accord ». Mila peut se réjouir d'avoir eu raison sur un point, ce carnet contient un secret qu'Émile ne compte pas partager. Ma curiosité, qui ne s'était pas présentée au départ de cette enquête, cherche entre les lignes un mot ou un dessin qui simplifierait notre cheminement vers le résultat attendu derrière ces formules scientifiques. Les pages tournent et les éléments du tableau périodique ne cessent d'apparaître et de disparaître d'une manière différente. Je ne veux pas l'admettre, mais ma mémoire s'est débarrassée des quelques notions scientifiques que ma mère m'a apprises lorsqu'elle travaillait dans son laboratoire. Je suis incapable de déchiffrer une seule de ces équations et cela fait bien rire Mila quand je reviens vers eux en les suppliant de poser au moins une définition claire sur l'incompréhensible pour moi.

— Nous ne trouverons rien en restant assis sur ce canapé, déclare Théo. Nous devons expérimenter ces formules dans un laboratoire.

— Il ne nous laissera jamais approcher du labo sans une bonne raison et je refuse d'exposer le cahier d'Émile devant les yeux de mon père.

— De toute façon, il l'aurait déchiré bien avant de le consulter, poursuit Mila. Non, le plus simple serait de faire croire que nous avons besoin du labo pour les cours. Est-ce que tu serais capable de créer un faux courrier de la part de mon prof de biologie ?

— Je falsifie vos bulletins de notes depuis l'an dernier, lui fait-il remarquer. Je devrais pouvoir écrire une demande d'exercer dans un des laboratoires de l'entreprise. Quelques logos de la fac, une fausse signature. Et hop, le tour est joué.

— D'ailleurs, le premier trimestre touche à sa fin, prépare-toi à transférer mes notes sur ceux du bulletin d'Eugène. Plus j'y pense, plus je me dis que je suis trop gentille avec toi, soupire-t-elle.

— Je ne serais rien sans toi, dis-je en la prenant dans mes bras.

Théo n'a pas été surpris de notre marché la première fois qu'il en a été question. Depuis longtemps, Mila et moi transgressons quelques règles imposées par nos parents. Il faut dire que notre liberté n'existerait pas si nous n'avions pas les moyens de la créer. Alors quand Mila a eu l'idée de mentir à propos de mon cours de photographie, Théo a hoché de la tête sans demander de raison. Aux yeux de mon père, je suis le cours de biologie depuis un an. Pour expliquer nos notes similaires, nous parlons d'un travail effectué en commun. Il n'a jamais été vérifié mes dires. Mais maman a fini par découvrir la vérité. Elle est tombée un jour par hasard sur un dossier d'inscription pour entrer dans une école des beaux-arts. Quand j'ai eu dix-huit ans, mon père a déclaré qu'il était temps pour moi de m'insérer dans l'entreprise. J'apparaissais lors de grands évènements, mais mon statut en tant que successeur n'était pas officiel. Voilà deux ans que le sujet est lancé et que les attentes sont élevées. Les objectifs de mon père n'atteindront pas ces espoirs. J'ai pensé que je me ferais à cette vie plus tard parce que si mon père supportait cette profession et qu'elle passionnait ma mère, je possédais sûrement au fond de moi l'attrait qu'ils partageaient. Aucun intérêt a grandi à l'intérieur de moi. Mila et moi étions dépassés par leur volonté de nous voir prendre le relais quand rien de cet avènement nous animait. Puis, j'ai découvert le club de photographie et dès cet instant, j'ai su que le milieu dans lequel travaillaient mes parents ne me correspondait pas. L'an dernier, une opportunité s'est ouverte à moi. Mr Stamp nous a présenté son parcours dans les études supérieures et l'école dans laquelle il a pu apprendre les différentes tâches du métier. À la fin du cours, il nous a envoyé le lien du site internet de l'établissement. J'ai passé ma soirée à faire des calculs pour savoir combien je devais épargner pour faire cette formation. Mon compte bancaire n'a connu aucune baisse financière importante pendant trois mois, sauf que j'ai lu plus attentivement les conditions d'entrée dans l'école et mon ambition a dégringolé. Jusqu'à notre rencontre.