Chapitre 11

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 — Six scies scient six citrouilles sans soucis.

Théo lève les yeux au ciel pendant que nous répétons cette phrase parmi tant d'autres depuis le début de notre séance. Un exercice de diction qui n'échappe pas à notre programme d'apprentissage à mieux parler. Mme Verpas, notre professeur, nous a même proposé d'exagérer notre expression faciale afin de faire fonctionner les muscles de notre mâchoire. Je me suis prêté au jeu pour que Théo en rît et arrête d'examiner ma joue gauche qui a enflé malgré les glaçons que Marine a déposés dessus. Au lieu de profiter de l'expérience culinaire de ma gouvernante préférée, j'ai dû la rassurer sur mon état physique après être sorti du bureau de mon père. Puis comme une maman veut protéger son enfant, elle m'a assuré d'échanger deux mots avec mon agresseur. Je n'ai pas voulu la décevoir en affirmant qu'il était en partie trop tard. Alors, elle a glissé dans un tupperware sa recette magique qui me permettrait d'oublier tous mes tracas le temps de cinq bonnes minutes de dégustation, si je n'étais pas trop gourmand. Puis, j'ai atterri auprès de Théo qui se faisait remonter les bretelles parce que sa posture était inadéquate et que sa sucette dans la bouche était « un merveilleux exemple pour que personne ne vous comprenne quand vous parlez ». Théo a remballé sa sucrerie et a souri de toutes ses dents à Mme Verpas presque pour lui signaler qu'il se portait tout aussi bien sans ses conseils.

— Bon, qu'est-ce que ça donne avec le vidéaste ? demandé-je pendant que notre éducatrice nous tournait le dos.

— Mon agent s'est infiltré dans le bureau de Chris Trek pendant qu'il assistait a une réunion.

— Deux secondes ! Y a un agent double dans l'entreprise de mon père ?

— Quatre carottes craquent..., poursuit Théo en voyant Mme Verpas s'approcher de nous.

— Sous les dents du crocodile, continue-t-elle comme si Théo avait oublié la suite de la phrase. Vous devriez écouter jusqu'au bout votre partenaire avant de vous lancer dans la répétition, Mr Kiraos.

— Je le lui ai pourtant répété trois fois pour qu'il l'intègre mieux à l'intérieur de sa tête, m'exprimé-je faussement embarrassé.

— Je ne doute pas de votre expertise, mon cher Eugène.

Si elle n'appréciait pas la compagnie de Théo à son cours, elle ne refusait pas ma présence, et surtout la paye aberrante que mon père lui envoyait pour faire de moi l'un des plus grands orateurs. Dans ce cours privatif, tous les participants provenaient de la haute société et suivre cette formation valait à chacun de nous un mois de salaire. Ce qui en l'occurrence signifiait plus de 5 000 € net pour toute une année. Il était donc impératif pour elle que nous terminions notre long stage avec une éloquence sans défaut et un vocabulaire aussi distinct et riche que notre vieille littérature française.

— Ça fait depuis quelques années que mon père a décidé de garder un œil sur les affaires de l'entreprise Kiraos, continue Théo alors que la harpie s'éloigne de nous. Ça ne veut pas dire que mon père n'a pas confiance en Karl ! Il s'assure juste de posséder entre ses mains n'importe quelles informations qui pourraient mettre en péril leur alliance.

— Tu peux résumer tout ton charabia par le mot « méfiance », rectifié-je. Mme Verpas pourrait même te le confirmer !

— Ne mêle pas cette femme à nos histoires !

— Donc, mon oncle et mon cousin nous espionne, c'est bon à savoir.

— Tu connais les affaires, s'en amuse-t-il. Pour en revenir à Christ Trek, mon agent a fini par déduire qu'il était responsable grâce à plusieurs recherches. Pour connaître l'identité de notre vidéaste, mon agent s'est emparé de la liste des invités puis en regardant la vidéo a éliminé tous ceux qui y apparaissaient. De ce résultat, en est sortie deux noms.

Watch me burnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant