Chapitre 4

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POINT DE VUE D'ATHARA
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               Je n'avais jamais vraiment prêté attention aux détails jusqu'à maintenant. Le doux bruit des gondoles glissant sur l’eau me parvient de ma fenêtre légèrement entrebâillée, accompagné d’un léger parfum de fleur d’oranger. Une scène parfaite pour une carte postale. Mais moi, je suis ici pour me reconstruire, pas pour les clichés.

                  Mon téléphone vibre dans un coin de la chambre. La sonnerie familière m’indique que c’est ma mère. Mon instinct me pousse à ne pas répondre, mais je sais que si je ne le fais pas, elle me rappellera jusqu’à ce que je cède. Je prends une grande inspiration et décroche.

- Maman ?

- Ma chérie, enfin ! Comment ça se passe à Venise ? Son ton est chaleureux, mais je sens déjà l’inquiétude percer sous la surface. 

- Tout va bien. Je prends un peu de temps pour moi, comme prévu.

- Je suis contente de l’entendre. Mais... tu sais, j’ai lu un article ce matin sur les entreprises qui font faillite et...

              Je ferme les yeux un instant. Bien sûr. Il fallait bien qu’elle en parle. Ce sujet est devenu inévitable, comme une ombre qui me suit.

- Maman, tu sais que j’essaye de laisser tout ça derrière moi. Ce voyage, c’est pour me détendre, tourner la page.
 
-  Je comprends, je comprends. Mais j’ai peur que tu t’isoles là-bas. Est-ce que tu as rencontré des gens ? Est-ce que tu sors un peu ?

- Je viens à peine d'arriver, mais oui, je découvre les environs. Tout va bien, je te promets.

               Elle soupire. Un silence lourd s’installe. Ma mère n’a jamais été douée pour masquer ses préoccupations, et je sais que son esprit est encore coincé dans le passé, comme si elle refusait de me voir évoluer.

- Athara, je suis simplement inquiète pour toi.

- Je sais, maman. Mais tu n’as pas à l’être. Je vais bien. 

                 Je la rassure du mieux que je peux, avant de raccrocher. Un soupir de soulagement m’échappe. Ce poids invisible que je ressens toujours après nos conversations finit par me lâcher, lentement. Je me laisse retomber sur le lit, contemplant le plafond. Ce voyage était censé être une évasion, mais parfois, même à des kilomètres, je sens encore le poids de mes échecs.

                  Je décide de me distraire en consultant mes notifications sur Instagram. Une nouvelle notification : un message privé d’un compte vérifié. Curieux. Je l’ouvre, et c’est une proposition pour une collaboration. Mais il y a quelque chose d’étrange. Le compte n’a qu’un seul post, et pourtant, l’offre est... généreuse. Trop généreuse.

"Nous aimerions collaborer avec vous pour un projet exclusif à Venise."

         Venise, bien sûr. Ça semble trop beau pour être vrai. Il n’y a pas assez de détails, et l’utilisateur me paraît suspect. Je secoue la tête et décide de laisser le message en attente. J’ai assez de problèmes sans ajouter une possible escroquerie à la liste.

                Je me lève pour aller prendre un verre d’eau. Et là, on frappe à la porte. Je fronce les sourcils. Qui peut bien venir me voir ? Je ne connais personne ici.

               J’ouvre la porte prudemment, et je me retrouve face à un homme. Il est grand, mince, avec des cheveux bruns légèrement en bataille et des yeux bleu-gris, si perçants qu’ils semblent chercher à lire en moi. Sa tenue décontractée, mais élégante, trahit un certain goût pour les choses raffinées. Il semble parfaitement à sa place dans cette ville romantique.

- Buongiorno, commence-t-il avec cet accent italien si musical. « Je suis désolé de vous déranger, je suis votre voisin. Je vis juste à côté et... je voulais m’assurer que tout allait bien pour vous. Vous êtes nouvelle ici, non ?
 
- Euh... oui, c’est exact. » Je me force à sourire, encore surprise par cette approche. 

- Je m’appelle Alessandro, enchanté. Je vis ici depuis quelques mois. Si vous avez besoin de quoi que ce soit... des conseils sur les bons restaurants, ou même un guide pour la ville, je suis à votre service.  

                Sa voix est douce, mais il y a une assurance dans son ton, presque une invitation à le tester. Je ne sais pas si c’est le cadre ou son charme naturel, mais quelque chose chez lui attire mon attention.

- Merci, c’est très gentil. Je m’appelle Athara.

- Athara...  Il prononce mon prénom avec un accent chantant, ce qui lui donne une toute nouvelle musicalité.  C’est un prénom magnifique.
 
- Merci. Je ris légèrement, essayant de dissimuler ma gêne.

              Alessandro m’observe un instant, puis ajoute : « Il y a un café juste en bas qui fait les meilleurs cappuccinos de tout Venise. Si vous avez un moment, je pourrais vous y emmener. » 
Je me mordille la lèvre, hésitante. Mais pourquoi pas ? Ce voyage est censé être un nouveau départ, après tout.

- Ça pourrait être sympa.

- Parfait ! Je vous retrouve dans une heure ?

- D’accord. À tout à l’heure.

               Je referme la porte, mon cœur battant un peu plus vite que d’habitude. Je ne m’attendais pas à faire une rencontre aussi rapidement. Et surtout pas avec quelqu’un d’aussi... intrigant.

              Alors que je me prépare, mon téléphone vibre encore. Une nouvelle notification sur Instagram. C’est encore ce compte suspect. « Nous vous offrons 10 000 € pour une simple collaboration. Détails à suivre. »

           Je fronce les sourcils. Quel genre d’offre est-ce là ? Ça n’a aucun sens. J’envoie un message à Trevor pour lui demander son avis. Il m’a toujours dit de me méfier des propositions trop alléchantes.

                Avant que je puisse y réfléchir davantage, je jette un dernier coup d’œil à ma tenue dans le miroir. Une simple robe fluide, des sandales, un rouge à lèvres léger. C’est parfait pour une promenade dans Venise. Alessandro m’attend déjà dans le hall de l’hôtel, appuyé contre un mur avec cette même assurance tranquille.

- Prête ? demande-t-il, un sourire charmant sur les lèvres.

            Je hoche la tête. Prête pour quoi, exactement ? Pour la suite de ce voyage ? Pour cette rencontre inattendue ? Ou pour ce que la vie me réserve encore ?

              Je ne sais pas. Mais aujourd’hui, je suis décidée à ne plus reculer.




À suivre !


L'obsession du mystère ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant