⚠️TW pour santé mentale et self-harm.
Malgré les spasmes qui parcouraient l'entièreté de mon corps, je me précipitais vers mon sac à dos. J'avais perdu ma botte dans ma course effrénée mais je ne m'arrêtais pas pour autant. Je ne pensais qu'à une chose.
Fuir.
A bout de souffle, j'atteignis mon objectif en un temps record. Je saisis la bretelle du sac et le fit passer sur mon dos. Je repartis aussitôt dans la direction opposée.
Le nouveau poids ne me permettait plus de courir alors je trottinais. J'entendais l'agitation derrière moi, le bruissement des tentes qu'on referme, le cliquetis des couverts qui s'entrechoquent et la clameur des voix mais rien ne pouvait me détourner de mon but.
Au loin, j'aperçus Neyfran blottie dans le creux d'un vieux chêne. Le pouce et l'index placés dans ma bouche, je soufflais. Le sifflement lui fit relever les oreilles. Sa petite tête hirsute se contorsionna pour localiser l'origine du son.
Lorsque son regard se posa sur moi, elle bondit de son cocon d'écorces et se rua en avant. D'un geste de la main, je lui indiquais la direction à suivre. Elle secouait frénétiquement sa queue de gauche à droite, un signe d'agitation chez elle. En dépit de mes plus gros efforts, les émotions les plus fortes passaient toujours à travers notre lien. Et je détestais ça. Souffrir seule était plus que suffisant. Je me haïssais pour lui faire ressentir mon désespoir par procuration. Elle ne méritait pas ça.
Courageuse, elle courrait vers l'est à une bonne dizaines de mètres devant moi. Elle se retourna une demi seconde comme pour vérifier si j'étais toujours derrière elle. Ce simple geste aussi dérisoire qu'il puisse paraître, tira sur ma corde sensible.
La peur, la culpabilité et le dégoût se fièrent un chemin en dehors de leur prison de chair et d'os. Ils remontèrent épais et visqueux et restèrent bloqués dans ma gorge. J'étouffais.
Alors, la digue se renversa et tsunami se déversa au-delà de ses frontières. Le col de ma blouse marron fut bientôt inondé. Ma vue se brouilla mais je ne ralentis pas ma foulée.
La tonnerre gronda au sud et mes poils se hérissèrent en réaction. La transpiration se mêla aux larmes en anticipation de ce qui allait suivre s'il me trouvait.
Chan.
Me cramponnant à la ceinture de mon pantalon, j'accélérais le pas autant qu'il m'en était possible. J'avais réussi à distancer le camp de presque cinq cents mètres quand l'écho des sabots qui frappaient le sol m'assourdit.
Je tentais d'identifier l'origine du son pour déporter notre direction mais impossible avec les battements de mon cœur. J'avais l'impression qu'il était dans ma tête résonnant dans mes tempes.
Assez vite, il devint difficile d'ignorer l'ombre qui se formait à ma gauche. Cette dernière m'était familière. Le détail de ses...bois ?
Emiel ?
Je plissais les paupières tentant de distinguer la forme de l'ombre mouvante du reste de la forêt. Quand il fut à portée de vue, la silhouette de celui qui le montait s'imposa devant moi.
Crispin, agrippé au cou de son cerf, galopait droit vers moi. Avec le mouvement, son bandage glissait sur son œil, l'aveuglant partiellement. Ses cheveux étaient emmêlés dans son pansement et la grimace qu'il arborait indiquait que le tiraillement le faisait souffrir.
L'image m'immobilisa un instant. De toutes les personnes qui seraient venues pour me ramener et me jeter à la merci de Chan, je n'aurais jamais misé sur Crispin.

VOUS LISEZ
La voie du sang [EN COURS]
FantasyDepuis trois ans, Sadie ne cessait de fuir son passé qu'elle tentait désespérément d'oublier. Plus le temps s'écoulait et plus sa vie lui échappait. Elle se contentait de survivre en enfouissant son chagrin dans son cœur noircit qu'elle ne sentait p...