Chapitre 2

5 0 0
                                    


Une fois sur son navire, le léger roulis et la fraîcheur de la houle apaisèrent immédiatement Gédéon.

Il salua rapidement son mousse, Sid, qui était en charge de la surveillance, et prit la direction de sa cabine.

Dès qu'il fut à l'intérieur, il souffla un grand coup avant d'ôter ses vêtements trempés de sueur.

Après cette course folle dans les rues de Hilfar, un bon bain ne lui ferait pas de mal.

Avec cette chaleur, l'idée de se prélasser dans l'eau tiède représentait ce qui se rapprochait le plus du paradis.

Pourtant, il ne s'y attarda pas. Connaissant son second, celui-ci ne mettrait pas longtemps à venir frapper à sa porte.

Il se savonna des pieds à la tête et sortit à contrecœur.

Il n'avait enfilé qu'un pantalon quand on toqua.

— Entre, se contenta-t-il de prononcer.

Encore torse nu, il se dirigea vers une petite table et s'empara de deux verres qu'il s'appliqua à remplir de whisky.

Gédéon porta le premier à ses lèvres et tendit le second à l'homme qui le dévisageait sans piper mot.

Isaï. La première personne à avoir rejoint son équipage.

Âgé d'une quarantaine d'années — il refusait toujours de donner son âge exact, — il ne paraissait en faire que la moitié avec ses traits juvéniles, sa peau noire et ses tresses. C'était un homme calme et sage qui n'hésitait pas à remettre son capitaine à sa place quand il le jugeait nécessaire, ce qui d'ailleurs arrivait assez souvent.

— Alors, as-tu réglé son compte à cet escroc ? l'interrogea-t-il.

— À l'heure qu'il est, il doit se trouver dans l'estomac d'un crocodile.

— Bien.

Son second hocha la tête, satisfait.

— Mais avant que je m'occupe de son cas, il a mentionné l'existence d'un trésor.

Isaï s'assit et but une gorgée de whisky.

— Un subterfuge évident pour survivre à ton courroux.

—Une tentative désespérée et inefficace, précisa Gédéon, amusé.

— Mais tu souhaites tout de même te renseigner sur ce fameux trésor.

Cet homme le connaissait trop bien, songea le capitaine.

— Tu le sais mieux que quiconque, c'est plus fort que moi, je suis incapable de renoncer à l'appel de l'aventure et de l'or.

— À mon grand désarroi, se lamenta Isaï.

Gédéon sourit, incrédule, conscient qu'il aimait ça tout autant que lui.

— En plus, ce cher Amir a aiguisé ma curiosité, car le trésor se situerait dans le royaume de Durnatel. Pourtant, c'était la première fois que j'en entendais parler.

— Sûrement parce qu'il n'existe pas.

— Peut-être, mais dans le doute, je refuse de laisser passer cette chance de devenir riche. De toute façon, j'envisageais justement d'aller faire un tour de l'autre côté de ces frontières.

— Tu songes réellement à rentrer chez toi ? s'étonna Isaï. Tu m'avais pourtant affirmé ne plus jamais vouloir y mettre les pieds.

— Le royaume est vaste, je n'aurai pas besoin de me rendre dans mon village natal. J'ai même l'intention d'en rester éloigné le plus possible.

L'homme à la peau d'ébène fixa son capitaine quelques secondes en silence.

Ce dernier détestait quand il agissait ainsi. Il avait la désagréable impression que son second réussissait à lire au plus profond de son âme.

— C'est jouer avec le feu, tu en es bien conscient ? insista Isaï. Tu risques gros en remettant un pied là-bas.

— Que serait la vie sans une once de danger ? rétorqua Gédéon, avec enthousiasme. Et puis, je suis certain que les autres seront ravis de quitter cet endroit de malheur pour faire un peu de tourisme. Surtout les jumeaux. Même toi. Certaines îles regorgent de plantes médicinales rares.

Comme escompté, son argument fit mouche. En plus d'être son bras droit, Isaï était aussi le médecin de bord. Quand il ne maternait pas les membres d'équipage, son passe-temps favori consistait à fabriquer ses propres remèdes. Pour en avoir testé la plupart, le capitaine reconnaissait son talent.

— C'est un coup bas, grogna-t-il pour la forme.

Cependant, son regard brillait d'un intérêt évident.

Sans doute s'imaginait-il toutes les expériences qui l'attendaient.

— Tous les moyens sont bons pour arriver à mes fins, avoua Gédéon.

— Je n'en doute pas, tout comme je suis conscient que rien de ce que je pourrais dire ne te fera changer d'avis. Toutefois, je suis ton second et je me dois de te mettre en garde.

— Oui, et je te respecte pour cela.

Gédéon le pensait réellement, sachant pertinemment qu'il pouvait parfois se comporter comme un chien fou. Il avait donc besoin que quelqu'un calme ses ardeurs.

— Puisque nous nous sommes enfin mis d'accord, je te laisse prévenir les autres de notre nouvelle destination. Veille à ce que tout le monde soit prêt à lever l'ancre d'ici une heure.

L'homme aux tresses secoua la tête, dépité, et quitta sa chaise.

— À vos ordres, mon capitaine.

À nouveau seul, le pirate profita de quelques minutes de quiétude pour réfléchir.

Il n'avait pas menti, bien avant son échange avec Amir, il avait déjà pris la décision de retourner dans mon royaume natal. Dix ans plus tôt, il l'avait quitté sans un regard en arrière, désireux de se construire une nouvelle vie. À présent que son but était atteint, il était enfin temps pour lui d'affronter son passé. Jamais il ne pourrait être totalement libre tant qu'il ne l'aurait pas fait.

Et si au passage, il mettait la main sur ce trésor, ce serait un bonus.


A la recherche de l'ile d'IsisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant