Chapitre 3

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Royaume de Durnatel — Ville d'Aermère, capitale de l'île d'Hydra

Afin de combler l'ennui, Althéa en était à dépoussiérer, pour la deuxième fois de la journée, les objets chargés d'histoire exposés dans la grande salle. Grâce à ses bons soins, ils brillaient de mille feux, toutefois, personne n'était présent pour en attester.

Cet après-midi, les visiteurs ne se bousculaient pas dans le musée et la plupart des employés avaient choisi de rester chez eux.

La faute au déluge qui s'abattait sur la ville depuis plusieurs heures.

La jeune femme aurait dû suivre l'exemple de ses collègues.

Le tonnerre gronda au-dessus d'elle et elle sursauta, manquant de faire tomber une amphore en argile datant de plus de trois mille ans. In extremis, elle réussit à la rattraper et souffla de soulagement.

Ouf, elle avait eu chaud. Si elle s'était brisée, le conservateur lui aurait hurlé dessus pendant des heures jusqu'à en faire une attaque.

En parlant du loup. Son cœur avait à peine retrouvé un rythme normal quand la voix de son patron résonna dans la galerie de l'évolution.

Althéa ne pensait pas qu'il viendrait aujourd'hui, car contrairement à elle, il logeait loin d'ici, et la plupart des routes qui menaient au centre-ville étaient inondées.

Si elle se fiait à son enthousiasme, soit il était accompagné, soit il délirait. Cela n'aurait rien de surprenant vu son âge déjà avancé.

Le professeur Anton avait récemment fêté ses soixante-dix ans et il ne voulait surtout pas entendre parler de retraite. Il tenait aussi énormément à son titre, même s'il n'avait participé à aucun projet d'exploration depuis près de trente ans.

Autre particularité, il était très étroit d'esprit, notamment envers le sexe faible. Selon lui, les femmes possédaient des facultés intellectuelles trop réduites pour prétendre occuper un poste plus élevé que secrétaire ou gouvernante. Il clamait haut et fort que leur avoir ouvert les portes de l'université était une aberration.

Autant dire qu'Althéa ne portait pas cet homme dans son cœur.

Plus d'une fois, elle avait eu envie de lui rabattre son caquet, cependant, la peur de perdre son emploi l'en avait dissuadé. Elle refusait de décevoir celui qui s'était démené corps et âme pour qu'elle l'obtienne.

Elle s'empressa de revenir à mon bureau.

À peine venait-elle de poser les fesses sur son siège que le professeur fit son apparition. Un homme se tenait à ses côtés -ce n'était donc pas la sénilité - et il écoutait patiemment son interlocuteur s'attribuer le mérite du succès que le musée rencontrait depuis plusieurs années.

Le pauvre, il devait regretter sa venue.

Tout en faisant semblant d'écrire un document de la plus haute importance, Althéa l'observa discrètement. Grand et svelte, il devait être âgé d'une quarantaine d'années. Ses habits tout comme son port altier témoignaient de sa richesse. Ses cheveux étaient coiffés à la dernière mode et sa barbe taillée à la perfection. Il était plutôt bel homme, pourtant d'emblée, il lui déplut.

Elle ignorait si c'était ses lèvres pincées ou bien son regard sévère qui me firent cet effet, toutefois, elle se félicita de ne pas avoir à traiter avec lui.

Le professeur Anton cessa soudain sa diatribe, dès qu'il remarqua sa présence.

— Mademoiselle Merlin, je suis surpris de vous trouver ici. Je pensais que tout le monde serait resté chez soi par ce temps.

— Vous me connaissez, professeur. Toujours fidèle au poste qu'il pleuve ou qu'il neige, exagéra-t-elle en riant.

— Oui, et bien puisque vous êtes là, autant vous rendre utile. Préparez-nous du thé et apportez-le dans mon bureau.

— Bien sûr, je m'en occupe tout de suite.

La jeune femme se força tellement à sourire que ses joues en étaient douloureuses.

Depuis qu'elle avait commencé à travailler pour le musée, elle était cantonnée à des tâches administratives et à la préparation du thé.

Le conservateur se fichait éperdument de ses diplômes et de ses connaissances sur les anciennes civilisations liées à notre royaume. Jamais il ne lui confiait des travaux de recherches ou de traduction. Pourtant, elle était plus qualifiée que certains archéologues qui avaient la chance d'évoluer sur le terrain.

Un jour peut-être la traitera-t-il à sa juste valeur et acceptera-t-il de l'envoyer au loin ?

Ce n'était visiblement pas pour aujourd'hui.

Althéa observa les deux hommes avec suspicion tandis qu'ils rejoignaient ledit bureau.

Sa curiosité était mise à rude épreuve. Qui était cet homme et quel était l'objet de sa venue par un temps pareil ? Trempait-il dans des affaires louches ? Son patron serait-il son complice ?

Son meilleur ami ne cessait de clamer à quel point son imagination était débordante, et il avait sans doute raison.

Elle soupira et se leva pour préparer leur boisson. Elle devait immédiatement arrêter de se faire des nœuds au cerveau en concevant le pire. Après tout, ce qu'ils mijotaient ne la concernait pas.

Le plateau en équilibre dans la main droite, elle frappa sur la porte.

— Entrez, lui ordonna le professeur.

La jeune femme s'exécuta.

Les deux hommes étaient installés dans le coin salon aménagé pour recevoir les personnes importantes.

Sans prononcer un mot, elle s'avança et alla déposer les tasses sur la petite table.

Elle percevait le regard du visiteur posé sur elle et cela la mettait mal à l'aise. Sans doute était-ce le fruit de son imagination, mais elle l'impression de ressentir une certaine hostilité de sa part.

— Avez-vous besoin d'autre chose, professeur ? s'enquit Althéa poliment.

— Non, cela ira pour aujourd'hui. Vous pouvez rentrer chez vous, je vous accorde le reste de l'après-midi.

— Très bien, merci beaucoup.

— En revanche, je veux vous voir ici dès huit heures. J'aurai une annonce importante à faire à l'ensemble des employés de ce musée.

Le coeur d'Althéa manqua un battement.

Enfin. Le jour qu'elle attendait depuis plus de deux ans allait arriver.

Elle se mordit la lèvre pour ne pas se mettre à sourire bêtement.

— Je serai à l'heure, ne vous inquiétez pas. Je vous dis donc à demain.

— Oui, à demain. Oh, veillez passé le bonjour à ce cher Charles.

— Je n'y manquerai pas.

Elle salua les deux hommes et sortit sans me retourner.

Une fois seule, elle s'accorda quelques pas de danse de la victoire. Demain, sa carrière prendrait un nouveau tournant, n'en déplaise à tous les détracteurs qui avaient essayé de lui faire renoncer à ses rêves.

Sans traîner, elle se rendit à son bureau afin de récupérer ses affaires.

Puisqu'elle venait d'être poliment congédiée, elle n'avait plus qu'à rentrer chez moi jusqu'au lendemain.


A la recherche de l'ile d'IsisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant