SKULL HUNTERS

XX. L'antre du lion

XX. L'antre du lion.

Rapport de mission 005-SH3.

Lieu: zone inhabitée du centre d'Europa.

Cible: ancien SH-2, expert tactique.

Prendre des risques faisait partie de notre vie. Mais je ne pensais pas en souffrir autant. Notre retour sous le radar de l'Ordre n'était semble-t-il pas passé inaperçu. Tout ne s'était pas passé comme nous le voulions. Nous avions échoué.

Sur le trajet je pouvais déjà sentir une certaine tension. Alors que nous nous dirigions vers le centre d'Europa, tout le monde était crispé. Nous portions nos armures, nous avions mis du noir autour de nos yeux, les foulards étaient à peine baissés sur le col. Il y eut peu de bavardages. Notre leader avait été malmené devant nos yeux, par chance il s'était assez vite rétabli, mais cette expérience eut un effet néfaste sur notre moral. Nous n'étions plus invincibles comme on le prétendait. Le voile de l'illusion s'était dérobé. Nous nous croyions différents, uniques, plus forts. Mais notre seule différence était le camp dans lequel nous étions. Bien que nous étions des divergents du programme sous la tutelle de Mads Nielsen, le programme d'entraînement des Forces de l'Ordre était très performant. Nous tous, les jeunes soldats étions destinés à tous être égaux afin de défendre la bannière de l'Ordre. Je remettais tout en question, ils étaient des centaines d'escouades comme nous, des milliers de jeunes, guidés par des chefs instructeurs tout aussi expérimentés et différents. Nous, nous étions seulement onze. Onze divergents contre le monde entier. Bien sûr les soldats NAVA pouvaient nous aider, nous les aidions aussi, mais on ne fonctionnait pas de la même façon, notre but était différent et bien plus aiguisé.

Parfois je me demandais si ce n'était pas nous mêmes qui nous étions exclus volontairement d'un système performant. Certes il avait ses défauts, mais rien n'était parfait, du regard du citoyen, le monde était en paix, l'Ordre faisait régner la paix et la prospérité. C'est nous qui semions la mort. Nous étions engagés dans une quête sanguinaire dont l'issue la plus plausible serait le chaos complet, le bouleversement prématuré de ce système, l'anarchie en soit. Je savais à quel camp nous appartenions, mais pouvait-on réellement qualifier notre cause de juste et bonne? Sur le papier, certainement, car j'y croyais, je n'opérais pas aveuglement, mais les conséquences étaient imprévisibles. Le plan de Mads et de Warren Williams, les projets de NAVA, ne constituaient-ils pas un danger à l'équilibre mondial? Il semblait qu'en apparence nous préparions un coup d'état, à voir jusqu'où cela nous mènerait. Je m'appuyais sur la seule famille que j'avais connu, j'étais proche d'eux et solidaires, malgré mes apparences froides et distantes, je tenais à eux. J'avais l'intime espoir que cette quête me mènerait par chance sur les traces de mes parents et répondrait enfin à mes questions.

On se maintenait un regard concentré devant la porte coulissante du Warjet, prêts à atterrir proche de la cible. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre. Lorsque j'étais connectée au système de Hunter 5, j'avais senti que quelque chose n'allait pas, comme si quelqu'un d'autre était là. Comme si l'on m'avait observé et que quelqu'un savait que j'étais entrée illégalement dans ce système. Je me pensais coupable de garder ça pour moi mais je n'avais capté aucun signe alarmant, je ne voulais pas inquiéter les autres.

La porte s'ouvrit, on sauta un par un au sol, puis Alder alla stationner le Jet dans une zone encore plus reculée. Je n'avais jamais vu une telle verdure. C'était jadis une ancienne ville, il restait des fragments de l'Ancienne Civilisation, des ruines d'appartements, de briques, de béton, mais tout le paysage était en partie recouvert de végétation. La nature avait regagné ses droits. L'écosystème semblait bien développé, on pouvait observer l'envol de plusieurs oiseaux, depuis le sommet des branches sur le rebord des ruines, puis aussi plusieurs types d'animaux qui rôdaient dans les environs. On voyait leurs mouvements au loin, puis alors que nous nous rapprochions de notre repère, on vit une biche. Elle s'arrêta pour nous observer, ses yeux brillaient, elle devait être étrangère au contact des êtres humains, puis elle partit, galopa à vive allure. Nous marchions tranquillement, en groupe serré, nos casques étaient accrochés à notre ceinture, nous profitions de l'air libre, de la nature, d'une grande bouffée d'air frais. Nous contemplions les ruines de la ville totalement engloutie par des branches et des tapis entiers de verdure. Le sol était humide, la terre collée légèrement aux bottes, ce qui ne rendait pas notre marche tout à fait agréable. Nous passions sous une grande arche de pierre soutenue par des rochers qui s'étaient sans doute formés grâce à la mutation d'un bâtiment frappé du gaz ECHO. La forme était particulière, cela résultait soit du travail de l'Homme, soit d'une prouesse surprenante de la nature. Nous allumâmes nos lampes torches intégrées afin de nous frayer un chemin à travers l'arche obscure. Puis lorsque nous en sortions, nous découvrîmes en contrebas, le repaire de SH-2. C'était une infrastructure cylindre faîte principalement en pierre blanche, parfaitement fondue dans la nature, elle était entourée d'un courant d'eau.