Monark

* Chapitre 15 *

Dans la grande salle de réunion du Grand Conseil, l'atmosphère est lourde de tension. Nous nous regroupons instinctivement, cherchant du réconfort et un semblant de normalité au milieu du chaos. La lumière tamisée des lampes à huile projette des ombres dansantes sur les murs, leur lueur vacillante ajoutant une touche de chaleur dans cette situation angoissante. Pourtant, malgré cette douce ambiance, une angoisse persistante s'accroche à nos pensées, refusant de nous laisser en paix.

Raya, visiblement secouée, brise le silence. « Je n'arrive pas à croire qu'ils aient osé attaquer l'Académie comme ça, » dit-elle, sa voix légèrement tremblante. Son incrédulité est partagée par nous tous. L'Académie, que nous avions toujours considérée comme un sanctuaire, avait été brutalement violée par une violence inattendue. « On n'avait jamais rien vu de pareil. »

Freya, encore choquée de ce qu'il s'est passé durant les dernières heures, hoche la tête, ses yeux écarquillés par l'incompréhension. « Et ces tritons... ils étaient incroyablement organisés. Ça semble presque comme si tout était planifié depuis un moment. » Son ton est à la fois analytique et effrayé, comme si elle essayait de donner un sens à l'impensable.

Assise à côté de nous, Joly semble particulièrement perturbée. Ses mains tremblent légèrement malgré ses efforts pour les dissimuler. La situation la touche profondément, au-delà de la simple peur. « Je... je ne comprends pas pourquoi ils feraient ça, » murmure-t-elle, sa voix fragile, presque brisée par l'émotion. « Mes parents ont toujours parlé de paix entre les Sirènes et les Psychés. Ils ont toujours été en faveur de la diplomatie, jamais de violence. »

Ses mots résonnent dans l'espace, exacerbant le malaise ambiant. La confusion se mêle à l'angoisse alors que nous essayons de comprendre les motivations derrière cette attaque. Les tritons, traditionnellement alliés aux Sirènes, avaient mené une attaque qui semblait si méthodiquement préparée qu'il était difficile d'imaginer qu'elle n'avait pas été orchestrée dans l'ombre depuis un certain temps. La confiance en l'ordre et en la sécurité de notre monde avait été ébranlée en un instant.

La discussion se poursuit à voix basse, chaque murmure chargé de peur et de spéculation. Nous cherchons désespérément des réponses dans un monde qui semble soudainement devenu incertain et dangereux. La menace n'est plus théorique, elle est réelle, tangible, et nous devons maintenant faire face à une nouvelle réalité où la paix est aussi fragile que les ombres projetées par les lampes à huile qui nous entourent.

Les larmes de Joly commencent à couler sans retenue, sa douleur éclatant soudainement en sanglots désespérés. Elle couvre son visage de ses mains délicates, les sanglots étouffés résonnant dans la salle, et chacun de ses sanglots déchire un peu plus le voile de sécurité qui nous enveloppait autrefois. « Ce n'est pas du tout du genre des Sirènes d'attaquer comme ça... Nous n'avons jamais été agressifs. Ça ne ressemble pas du tout à mon peuple. Je ne comprends pas comment tout cela a pu dégénérer à ce point, » dit-elle entre deux sanglots, sa voix brisée par l'incompréhension et la douleur.

Raya, qui n'a jamais été très démonstrative, s'approche de Joly et la prend doucement dans ses bras, essayant de la réconforter du mieux qu'elle peut. Ses gestes sont maladroits mais sincères, révélant une empathie qui ne passe généralement pas par les mots. Freya et moi ne tardons pas à les rejoindre, entourant notre amie en un câlin collectif. La chaleur de ce contact partagé, la pression rassurante des bras autour de nous, apportent un réconfort bienvenu dans cette nuit glacée par la peur et l'incertitude.

Alors que nous nous tenons ainsi, unies dans notre désespoir, un sentiment d'unité se forme, même si c'est sur la base d'une douleur commune. Le désespoir dans les yeux de Joly se reflète dans nos propres cœurs, renforçant notre anxiété et notre tristesse. Ce simple câlin, pourtant si modeste, devient un ancrage dans le chaos, une manière de se dire que, même si le monde autour de nous semble s'effondrer, nous ne sommes pas seules. Mais il est aussi un rappel cruel de l'ampleur du changement soudain et brutal qui nous frappe, redéfinissant les contours de notre réalité et nous forçant à faire face à des vérités que nous n'étions pas prêtes à accepter.