Chapitre 6

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ANNA

Quelques heures plus tard.

Je cligne des yeux, mais la lumière de la cellule continue de m'agresser. Elle clignote telle un néon mourant, comme si elle se délectait de ma souffrance, j'entends le bourdonnement oppressant du silence.

Autour de moi, les murs de béton suintent, glacials et humides, imprégnés de cette odeur âcre de moisi et de métal rouillé. Un vieux matelas sale est déposé à même le sol. L'air ici est lourd, suffocant.

Le froid m'a d'abord paralysée, puis s'est insinué dans mes os. Mes poignets sont en feu, ils m'ont attaché à une chaîne qui est fixée à l'un des murs. Mon poignet est brûlé par la morsure de celle-ci. À chaque mouvement, le métal s'enfonce davantage dans ma chair, et le sang sèche lentement sur ma peau, me rappelant que je suis encore en vie.

Je ne crie pas. Ce serait leur offrir ce qu'ils veulent : ma faiblesse.

Le garde qui veille devant la porte me jette un regard indifférent, presque absent. Il est comme les autres : un mur de chair qui suit les ordres.
Un outil de Benali. Ce nom me fait frissonner. Benali, il aime le contrôle, il aime briser les gens de l'intérieur, avec une minutie qui se croit terrifiante, j'ai vécu pire. En fin de compte, on n'est pas si différent tous les deux.

Il veut des réponses. Il veut savoir ce que je cache. Ce que je sais. Mais il n'a aucune idée. Comment pourrait-il comprendre? Je ne peux pas lui donner ce qu'il cherche, même si je le voulais.

Lui dire quoi, bonjour on m'a informée que votre équipe s'est faite assassinée, je cherche une famille, donc je suis là. Il ne me prendrait pas au sérieux.

Un bruit métallique déchire le silence. La porte de la cellule s'ouvre brusquement, me faisant sursauter.
Le garde entre, traînant une chaise derrière lui, qu'il pose violemment devant moi. Je sais ce qui va suivre. Je ferme les yeux un instant, rassemblant le peu de force qu'il me reste.

- Tu vas parler, me dit-il d'une voix dénuée d'émotion, froide comme la pierre.

Je ne réponds pas. Je ne lui donnerai pas ce qu'il veut. Mon silence l'exaspère, je le sens. Son regard devient plus dur, et l'instant d'après, il me frappe.
Le coup est violent, sec, et ma tête part sur le côté. Je sens une douleur fulgurante envahir ma mâchoire. Il continue. Ses poings s'abattent sur moi, encore et encore, avec une régularité implacable. Chaque impact résonne dans mon corps comme un écho sourd, étouffé par la souffrance. Mes côtes craquent sous la force des coups, et je peux à peine respirer. L'air me manque, et pourtant, je m'accroche.

Ne pas crier. Ne pas pleurer. Ne pas crier, je me le répète en boucle.
Il ne faut surtout pas leur montrer que je pourrais craquer.

Quand il s'arrête enfin, mes poumons me brûlent. Chaque souffle est un calvaire, mais je m'efforce de rester droite, de ne pas fléchir.
Il me regarde, essoufflé, frustré de n'avoir obtenu que mon silence. Un silence qui lui est insupportable. Finalement, il sort, claquant la porte derrière lui.

Je reste seule un moment, le corps brisé, mais l'esprit intact. Les battements de mon cœur résonnent dans mes tempes. Chaque partie de moi hurle de douleur, mais je refuse de céder. Tout ça est temporaire. Je le sais. Je dois le croire.

La porte s'ouvre de nouveau. Cette fois, c'est Benali. Lui. Sa présence me glace, comme une ombre qui s'étend sur moi, prête à m'engloutir. Il entre dans la cellule avec ce sourire en coin, ce masque de fausse bienveillance qui cache à peine la violence qui bout en lui. Il tient un plateau. Un hamburger, dégoulinant de graisse, repose au centre. L'odeur de la viande me retourne l'estomac.

- Je vois que tu ne coopères toujours pas, dit-il d'une voix douce, presque amusée.

Il pose le plateau devant moi, le geste lent, théâtral. Il attend quelque chose de moi, une réaction, un signe que je vais céder.

- J'ai pensé que tu aurais faim. Après tout, on est des humains avant d'être des ennemis, n'est-ce pas?

Je tourne la tête, fixant le mur sans un mot. Je ne lui donnerai pas la satisfaction de ma réponse, mais l'odeur écœurante m'agresse. Ma gorge se serre.

- Je ne mange pas de viande animale, lâché-je finalement, ma voix rauque, à peine un souffle.

Son sourire s'élargit, mais je vois l'impatience sous-jacente. Il aime les jeux de pouvoir, mais il déteste perdre. Pourtant, il se contente de hausser les épaules.

- Vraiment? Quel dommage. Mais je ne suis pas là pour parler régime alimentaire.

- Vous devriez. Lui dis-je en m'efforçant de sourire.

Il s'approche de moi, son visage si près que je peux sentir son souffle sur ma peau. Il me scrute, ses yeux cherchant quelque chose en moi, quelque chose à briser. Mais il ne trouve rien. Il reste là un instant, puis recule, visiblement frustré par mon indifférence. Il sort de la pièce, refermant la porte derrière lui, laissant un écho de sa présence qui me donne envie de hurler.

Je ne veux pas être votre ennemi. Chuchoté-je juste pour moi.

Le garde à la porte reprend sa position. Je le fixe, le regard vide. Mon corps me fait souffrir, mais dans mon esprit, une autre douleur, plus insidieuse, me ronge. La sensation d'être traquée, analysée, comme un animal. Je les ai vus, depuis le début, des caméras accrochées à l'intérieur de la pièce. Le moment venu j'espère qu'il verra l'erreur qu'il a commise.

Quelques heures passent, peut-être même une journée, je ne sais plus.

Les gardes sont revenus deux fois à tour de rôle, pour me faire parler, rien a fait. Même quand celui, posté devant ma cellule, s'est amusé à écraser ces cigarettes dans la paume de ma main.

- Hé, lui dis-je d'une voix faible, assise sur le matelas.

Le garde lève les yeux vers moi, méfiant.

- Mes lentilles... J'ai besoin de les retirer. Elles me brûlent les yeux.

Il me regarde, hésitant. Je fais semblant de cligner des yeux rapidement, comme si la douleur me dévorait.

- Si je ne les retire pas, je pourrais perdre la vue, insisté-je. Tu ne veux pas ça, pas vrai?

Il reste silencieux un instant. Puis, à ma grande surprise, il entre dans la cellule, se dirigeant lentement vers moi. Mon cœur s'emballe. C'est le moment.

Dès qu'il s'approche suffisamment, ma main glisse de ma manche, depuis leurs dernières intrusions dans ma cellule. J'ai récupéré sans trop me faire entendre et voir, la seringue cachée depuis tout ce temps, dans la doublure de ma veste.

Il est à portée de main. Ses doigts se rapprochent de mon oeil. Sans hésitation, je plante l'aiguille dans son cou. Le liquide s'infiltre rapidement dans son système. Il sursaute, ses yeux s'écarquillent de surprise. Ses lèvres bougent, mais aucun son ne sort. Il titube en arrière, se tenant la gorge, et s'effondre.

Je le regarde mourir, le souffle court, mon corps est épuisé. C'est fait. Un petit regard vers la caméra.
Mais je sais que ce n'est que le début. Benali reviendra, et la prochaine fois, il sera encore plus dangereux. Je dois être prête.

Le silence retombe, il est plus lourd que jamais.

DarksideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant