Darkside

CHAPITRE 15

Abdel

 Je repars en direction de la cellule, mes hommes n’ont pas bougé. L’air est lourd, chargé des échos de la démonstration d’Anna, de son rire sombre qui résonne encore dans ma tête. Je dépose ma veste sur le côté, retrousse mes manches qui laissent apparaître certains de mes tatouages. Chacun d’eux raconte une histoire, un chapitre de ma vie. Je me sens prêt à écrire un nouveau récit.

 Je m’approche de mon homme presque inconscient, lui relève la tête et lui ordonne de me regarder. Ce qu'il fait. Ses yeux, à demi fermés, sont empreints de douleur et de peur. Je savoure cet instant.

— Avec tout ce qui s'est passé ces derniers mois, notre famille a été malmenée. 
Je vous ai promis que nous rendrions justice aux nôtres. Mais je n’accepte pas le mensonge et le manque de respect. Ce que vous avez vu ce soir et j'espère le début d’une nouvelle ère. Montrez-moi que je peux avoir une entière confiance en vous, et ceci n’arrivera plus jamais. Ce que vous ne semblez pas comprendre, c’est que chaque membre de cette famille a un rôle à jouer. Anna est peut-être plus précieuse qu’on ne l'imagine. Le manque de discernement que vous avez montré ce soir est inacceptable.  Depuis qu’elle est entrée ici, j’ai senti quelque chose en elle, une force cachée. J’ai passé tout mon temps à l’observer, ces gestes, son regard. Comment elle gèrer ces émotions lors des séances de tortures, avec courage et dignité.  Peut-être même plus de courage que dans certains d’entre vous. Je ne m'étais pas trompé sur un point, Anna est différente. 

Je prends mon arme, regarde mon homme assis là-devant moi. Il ne lâche pas mon regard, j’appuie sur la détente. Un bruit sourd résonne, suivi d'un silence pesant qui semble avaler toute l'atmosphère de la pièce. Je prends un moment pour me ressaisir. L’odeur de la poudre et du sang se mêle, et une étrange sérénité m'envahit. L’homme cruel que je suis est de retour, mais à quel prix ? Mes yeux dérivent vers mes hommes, leurs visages figés par la peur et l'incertitude. Certains ont du mal à me regarder, d'autres me scrutent, espérant voir la moindre faille. Je vois la peur, mais aussi un respect renouvelé. Cette cruauté n’est pas seulement un acte de violence, c’est un message. Ils doivent comprendre que chaque action a des conséquences. Que notre famille est forte, mais qu’elle doit rester unie.

— Reprenez vos postes et appelez-moi les nettoyeurs. Dis-je d’une voix ferme. Nous avons du travail.

L'un de mes hommes s'approche, son visage pâle témoigne de son malaise.

— Que fait-on maintenant ?

— À présent, nous allons bâtir quelque chose de plus grand. Anna a prouvé qu’elle a sa place ici. Elle est notre arme secrète. Apprenez d'elle. Faites-en votre force.

— Et si elle refuse. 

— Alors, on la tue. 

 J
e les scrute, cherchant à évaluer leur réaction. Mes mots semblent résonner, éveillant un mélange d'admiration et d'appréhension. L’avenir que je souhaite est en train de se dessiner, un mélange de loyauté, de respect et d'une pointe de peur. Je sais qu’Anna est le catalyseur dont nous avons besoin, elle a été mon déclic. Mais je dois également contrôler sa noirceur.                  

Je me retourne et m’apprête à quitter la cellule, mais une pensée me traverse l’esprit. La violence et la vengeance peuvent tisser des liens, mais elles peuvent aussi les détruire. Je dois tout faire pour que cela n’arrive pas. Je laisse derrière moi un silence lourd, où l'écho du coup de feu semble encore flotter dans l'air. En traversant le couloir, je respire profondément, tentant de retrouver mon calme. Chaque pas résonne contre les murs de pierre, m'amenant inexorablement vers Anna. Elle est ma prochaine étape, un autre élément essentiel pour la reconstruction de cette famille.