Chapitre 21

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Anna

Je me réveille en sursaut, paniquée. Le cœur battant à tout rompre, mon corps est en sueur. Les images de la veille continuent de s’immiscer dans mon esprit. Abdel. La cuisine. Son regard. 

 “ Tu n'en as pas assez de te détruire, il faut que tu détruises les autres ?” Ses paroles aiguisées comme les lames de mes couteaux, me transperçant de part en part, comme s'il m’avait poignardé. 

Je laisse mes pieds nus toucher le sol pour m’ancrer dans la réalité. Ce silence pesant me rappelle que je suis seule encore. 

La solitude, celle-là même qui me ramène constamment dans cette foutue cellule de l’Agence. L’impression que les murs se resserrent sur moi, l’obscurité qui m’engloutit, mes peurs qui remontent à la surface. Je déteste ça. 

La colère, la culpabilité, tout me revenait d’un coup, chaque reproche qu’il m’avait fait. Tous, ces mains enserrées sur ma gorge, la chaise lancée contre le mur. Je me lève, incapable de rester dans cette chambre. Le soleil commence à peine à se lever, mais déjà, je me sentais écrasée par la lourdeur de la journée à venir. Seule. Encore et toujours seule.

Après avoir pris une bonne douche et un café. Je décide de trouver des informations sur Morales. Il y a quelques mois, Carlos Morales a déclaré la guerre à l'organisation, ce qui a causé la mort de plusieurs hommes d'Abdel et de son bras droit. Je ne sais pas comment il peut se remettre de ça, comme si on vous arrachait une partie de vous. Je ne sais pas si je serai capable de le faire, moi aussi. Je me suis attachée à chacun de ces hommes. J'examine chaque dossier qui pourrait me fournir une indication de qui il est, ce qu'il veut et pourquoi. Certaines de mes questions restent en suspens. 

Le soleil brille déjà haut dans le ciel, apportant avec lui une chaleur réconfortante. Il faut que je fasse une pause, tout se mélange dans ma tête. C’est justement à ce moment que la sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées. Mellyna. 

— Allo !

— Salut, Anna. Je suis à Los Angeles, j’ai pensé que ça te changerait les idées, si on passait l’après-midi ensemble. Ça te tente ? 

Un sourire se dessine sur mes lèvres. L'idée de passer du temps avec Mellyna me réchauffe le cœur, même si je sais que notre conversation risque d'aborder des sujets délicats.

— Je serai ravie, j’ai vraiment besoin de me changer les idées. 

— Parfait, je viens te récupérer dans une heure, ça te va ?  

— Parfait. À tout à l’heure. 

Nous décidons de sortir. Nous errons dans les rues, visitant des boutiques et partageant des éclats de rire, un instant de répit dans ce chaos émotionnel. Mellyna, avec son énergie contagieuse, réussit à me faire oublier, ne serait-ce qu’un instant, le poids de mes pensées. 

Nous parlons de tout, de sa vie, de son frère Rhani dont elle est si fière. Si elle savait dans quoi il travaille réellement, serait elle toujours aussi fière de lui. Elle m'a ensuite parlé d'Abdel, mon cœur se serre sur la pensée qu'entre elle et lui, il se passe probablement d'autre chose que de l'amitié. Comment peut-il lui cacher qui il est, est-ce pour la protéger ou une question de confiance. Son frère est-il au courant ?  

— Il est tellement charmant, tu sais ? Dès qu'il vient à New York, on va manger dans ce restaurant chic avec une vue à couper le souffle. Quelques fois, je ressens encore son regard sur moi. Bref, c’est vraiment quelqu’un de bien. 

Je serre les dents, essayant de cacher mon inquiétude. Je ressens une vague de jalousie, mais je sais que je ne peux pas laisser ces sentiments prendre le dessus.  Charmant, oui, mais il est aussi dangereux. Est-ce que Mellyna sait à quel point il est impliqué ? Si seulement elle pouvait voir au-delà de cette façade. Je me force à sourire, mais l’amertume sourde qui bouillonne en moi est difficile à ignorer. Chaque mot qu'elle prononce à propos d'Abdel me renvoie à ma propre réalité, celle d'une femme prise au piège entre ses sentiments et le danger qui les entoure. Si elle savait…


Mais alors que la journée s'achève, je sens le besoin de revenir à la réalité. Une fois de retour à la villa, l’ambiance légère de l’après-midi commence à s’estomper, remplacée par une détermination grandissante. Je me dirige vers le bureau, le cœur battant à l'idée de ce que je vais entreprendre. 

Je compose le numéro de l’homme chargé de l’informatique de l’organisation, celui qui a trouvé mes traces sur le darknet. Je l’ai toujours vu comme une ombre, un inconnu derrière un écran, mais aujourd'hui, j'ai besoin de lui.

— Allô ?  Sa voix résonne, calme et méthodique.

—  C'est Anna. J'ai besoin d'informations sur Carlos Morales. 

— J’arrive. On ne parle pas de ça au téléphone.

Il lui aura fallu quinze petites minutes pour arriver.  

Après quelques instants d’hésitation à répondre à mes questions, il acquiesce.

— Morales est colombien. Actuellement, il s'est caché au Mexique. Il veut prendre le terrain d’Abdel dans le business de la drogue. 

Je sens une boule se former dans ma gorge. Ce n’est pas une surprise, mais l’entendre me rappelle à quel point la guerre qui se profile est imminente.

— Tu appelles le boss par son prénom ? 

— C’est tout ce que tu as retenu de ce que je t'ai dit. Me dit-il, un sourire au coin des lèvres. 

— Non, désolé. Et sa famille ?  Je demande, hésitante.

— Pour l’instant, nous n'avons rien sur eux. 

— Des gens seraient susceptibles de travailler pour lui, ici. Lui demandais-je pleine d’assurance. 

— J’ai trouvé quelque chose tout à l’heure, mais je dois en parler au boss avant. 

— Dis-moi, que veux-tu que je fasse de toute manière. 

La conversation continue. Les hommes de Morales sont là, quelque part, tissant sa toile autour d’Abdel. Cette réalité me pousse à réfléchir sur mes prochaines étapes. Je dois savoir qui il est et ce qu’il prépare. La sécurité de ceux qui m'entourent en dépend. 

— Le gang est souvent représenté par un tatouage d’une croix entouré d’un serpent. 

— Quoi, répète. Lui dis-je surprise. 

— Ils ont un tatouage d’une croix entouré d’un serpent. Me répète-t-il en me regardant droit dans les yeux. 

Je me lève de la chaise, prends ma veste rapidement et file vers le garage. L’odeur de l’huile et du métal s’immisce dans mes narines, une odeur familière, mais aujourd’hui, elle est teintée de danger. Je m’efforce de ne pas penser aux conséquences de ma décision. En passant devant les voitures, une ombre attire mon attention et je me retourne brusquement. Le cœur battant, je scrute l’obscurité, cherchant une silhouette. Rien. Juste le bruit du vent qui fait vibrer une porte. Est-ce que quelqu’un m’observe ? L’adrénaline me fait trembler, mais je ne peux pas reculer maintenant.

— Où vas-tu ? Me crie-t-il. 

— Merci, mais j'ai une enquête à mener. En montant dans l’une des voitures à disposition. Ma réponse est ferme.

— C’est trop danger…..  

Je n’ai pas le temps d'écouter ce qu'il me dit, mais je sais exactement où j’ai vu ces personnes et surtout qui peut m’aider. Je démarre le moteur, le bruit puissant me donne un peu de courage. Chaque seconde qui passe me rapproche un peu plus d’un danger imminent. Je sors du garage, déterminée, prête à affronter l’inconnu. 

Je ne peux pas laisser mes craintes me contrôler. Je vais découvrir la vérité sur Morales, pour moi et pour ceux que j'aime. La réalité me frappe de plein fouet, je ne peux plus ignorer mes sentiments. Merde, qu’est-ce que je viens de dire… Les gens que j'aime. J’aime. Je suis totalement foutue. 

DarksideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant