L'Exil au Gabon (1895-1902) : Une Épreuve Mystique et Spirituelle

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En cette fin de décembre 1895, une décision cruciale fut prise lors de la séance du Conseil Privé de Saint-Louis : Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie mouride, serait exilé au Gabon, loin de ses terres natales du Sénégal. Cette mesure marquait l'apogée de la persécution coloniale à l'encontre du Cheikh, dont l'influence grandissante était perçue comme une menace pour l'autorité française. Transféré à Dakar, le Cheikh arriva dans la soirée du 19 décembre 1895. Après un bref séjour chez un indigène, Cheikh Ibra Bineta Guèye, il fut immédiatement convoqué par le gouverneur de Dakar.

Ce dernier, en proie à une colère inextinguible, enferma le Cheikh dans une cellule infecte. Cette nuit d'épreuve restera gravée dans l'esprit du Cheikh, non pas pour le ressentiment qu'elle aurait pu engendrer, mais pour la fermeté avec laquelle il y affirma sa détermination à servir Dieu, malgré les souffrances physiques et psychologiques. Il écrivait plus tard dans ses écrits : « Lorsque je songe à ce qui fut décidé, à ce gouverneur et à ce cachot, me prend aussitôt l'envie de combattre par les armes ; mais Celui qui efface les péchés (le Prophète) m'en dissuade. »

Le 21 décembre 1895, Cheikh Ahmadou Bamba embarqua sur le paquebot « Ville du Pernambouc », en direction du Gabon. Ce voyage, loin d'être une simple traversée, fut parsemé d'épreuves maritimes, tant physiques que spirituelles. L'équipage, hostile à sa présence, ne manqua pas de lui manifester leur mépris. Un jour, un taureau déchaîné se précipita sur lui, mais dans un acte de grâce divine, il fut miraculeusement épargné. Ce fut le premier signe d'une protection divine inébranlable qui allait l'accompagner tout au long de son exil.

Arrivé sur les terres du Gabon, le Cheikh fut confronté à un environnement aussi rude que hostile. La jungle de Mayumba, où il fut installé, se révélait être un lieu d'épreuves multiples. La moiteur du climat, la présence incessante de maladies tropicales et, surtout, la solitude pesante, allaient forger cette période comme l'une des plus éprouvantes de la vie du Cheikh. L'isolement, perçu comme une punition par ses geôliers, devint pour lui un tremplin vers une élévation spirituelle.

Dans ses nombreux écrits, Cheikh Ahmadou Bamba exprime cette solitude avec humilité, mais aussi avec une confiance inébranlable en Dieu. Il témoigne à la fois de sa reconnaissance envers le Très-Majestueux et de sa fidélité absolue au Prophète Muhammad (PSL). Dans une poignante déclaration, il s'adresse à l'océan de Mayumba : « Ô océan de Mayumba ! Témoigne que je suis l'esclave de Dieu, Celui qui pardonne les péchés, et que je demeure le Serviteur du Prophète Élu ! Témoigne, qu'en tant qu'ami intime du Prophète, celui qui comble d'honneurs ses amis, je rejette toute forme d'association à Dieu et n'adore que Lui seul ! »

Cet exil au Gabon, qui dura près de huit années, fut marqué par une série de privations. Le Cheikh, dans une quête spirituelle incessante, s'infligeait des sacrifices supplémentaires pour plaire à Dieu, allant au-delà des brimades infligées par ses geôliers. Pourtant, son aura et sa sagesse transcendèrent ces épreuves, touchant même les indigènes gabonais qui, impressionnés par son dévouement et sa sérénité, vinrent lui témoigner leur respect.

Parmi les visiteurs notables qu'il rencontra durant cet exil, certains méritent une attention particulière. Blaise Diagne, alors fonctionnaire des douanes et futur député d'Afrique noire, fut l'un des hommes influents qui croisa son chemin. Le Cheikh eut également la chance de rencontrer son fidèle disciple, Mame Cheikh Anta Mbacké, qui avait bravé les dangers pour rejoindre son maître au Gabon. Cette période fut aussi marquée par sa correspondance avec l'Almamy Samory Touré, un autre grand résistant africain, déporté au Gabon en 1899. Lorsque Samory Touré décéda en 1900, Cheikh Ahmadou Bamba, depuis Lambaréné, accomplit la prière des morts en son honneur, respectant ainsi la Sunna prophétique.

Cependant, l'exil n'était pas seulement une épreuve physique, il fut aussi une période de révélation mystique. Le Cheikh reçut des « Dons Mystiques Incommensurables » de la part de Dieu, qui l'élevèrent à des degrés spirituels encore inédits. Cette élévation se traduisit par une profusion littéraire exceptionnelle, connue sous le nom de « période maritime ». Durant ces années, Cheikh Ahmadou Bamba écrivit sans relâche, produisant des œuvres mystiques qui enrichirent le patrimoine littéraire islamique. Son fils, Cheikh Muhammad-al-Bachir, l'interrogea plus tard sur cette période, et le Cheikh lui répondit : « Au cours de cet exil, ma connaissance gnostique s'est accrue, mon arrivée à Dieu (wusûl) s'est confirmée, ma certitude a atteint de nouveaux degrés, et j'ai obtenu des Grâces Infinies. »

L'exil de Cheikh Ahmadou Bamba ne fut pas sans conséquences pour la communauté mouride. Privés de leur guide spirituel, certains disciples vacillèrent dans leur foi, tandis que d'autres, regroupés autour des figures emblématiques du mouridisme, continuèrent de maintenir le flambeau allumé. Cheikh Ibrahima Fall, resté à Saint-Louis, joua un rôle crucial en défendant l'innocence du Cheikh auprès des autorités coloniales. Grâce à ses efforts, et avec le soutien de figures influentes comme le député Carpot, le Cheikh fut finalement réhabilité.

Le 11 novembre 1902, Cheikh Ahmadou Bamba rentra au Sénégal à bord du navire « Ville de Maceïo ». Ce retour marqua la fin de presque huit années d'exil et fut célébré comme un miracle divin. À Dakar, et dans tout le Sénégal, l'effervescence était à son comble. Le retour de « celui qui est revenu des contrées d'où l'on ne revient pas » fut interprété comme la preuve ultime de la protection divine accordée à Cheikh Ahmadou Bamba, renforçant encore davantage sa stature de saint homme et de serviteur fidèle du Prophète.

Ainsi, cette période d'exil, bien que marquée par des souffrances intenses, fut aussi une étape essentielle dans le cheminement spirituel du Cheikh. Elle démontra non seulement sa capacité à surmonter les épreuves terrestres, mais aussi son élévation à des niveaux de connaissance mystique qui continuent d'inspirer des générations de croyants à travers le monde.

Voici donc cet exposé sommaire intitulé « La Vie Extraordinaire de Cheikh Ahmadou Bamba : Le Serviteur du Prophète ». Quiconque y découvrira des lacunes est prié de dissimuler l'imperfection de nom savoir et de demander pardon pour moi au lieu de se détourner de mon exposé ! Car, en dépit de ces lacunes, il y trouvera des idées qu'il appréciera. Cet exposé n'est en outre qu'une introduction à l'ouvrage intitulé « La Vie Extraordinaire de Cheikh Ahmadou Bamba : Le Serviteur du Prophète » du Cheikh Mouhammad al-Bachir fils du Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, celui-ci est un livre exhaustif (Que Dieu l'agrée, facilite sa diffusion, lui en récompense dans l'Au-delà et perpétue sa mémoire grâce à lui. Que Dieu facilite l'achèvement et la diffusion de notre livre et l'agrée grâce à cet ouvrage, à son auteur et à son sujet !). En effet, le Très-Haut est le Détenteur de la grâce, qui nous assiste ici-bas et dans l'au-delà.
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JEUREUDIEUF SERIGNE TOUBA DIARAMA CHEIKH IBRAHIMA FALL

La Vie Extraordinaire de Cheikh Ahmadou Bamba : Le Serviteur du ProphèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant