Opération sur Darou-al-Manam (Juin 1903) : Le Second Exil

2 0 0
                                    


En juin 1903, les tensions autour de Cheikh Ahmadou Bamba atteignirent un point critique. Le retour du Cheikh au Sénégal après son exil au Gabon avait ravivé l'enthousiasme de ses disciples mourides, suscitant une ferveur sans précédent. La popularité croissante de Cheikh Ahmadou Bamba, son charisme spirituel et la loyauté inébranlable de ses fidèles inquiétaient profondément les autorités coloniales françaises. Ces dernières voyaient dans cet engouement un défi à leur autorité et une menace potentielle à la stabilité de l'ordre colonial.

L'influence croissante de Cheikh Ahmadou Bamba n'était pas seulement spirituelle; elle prenait aussi une dimension sociale qui perturbait les rapports de pouvoir entre les populations indigènes et les autorités coloniales. Nombreux étaient les disciples du Cheikh qui, exaltés par son retour d'exil et convaincus de sa sainteté, refusaient de plus en plus de reconnaître l'autorité des chefs de cantons, perçus comme des relais de l'administration coloniale. Cette défiance généralisée à l'égard des chefs indigènes fut interprétée par les autorités comme le signe d'une possible insurrection.

Face à cette situation, les colons prirent des mesures drastiques pour surveiller de plus près les activités du Cheikh. Les accusations portées contre lui prirent une nouvelle tournure. Cette fois, il fut accusé de conspirer contre les autorités françaises, de cacher des armes dans ses résidences et de préparer ses disciples à un soulèvement armé. Ces calomnies, bien plus graves que celles formulées auparavant, visaient à justifier une intervention militaire contre lui.

Installé à Darou-al-Manam, Cheikh Ahmadou Bamba ne prêtait guère attention à ces accusations. Il était entièrement absorbé par son engagement spirituel et sa soumission à Dieu. Cependant, la surveillance des agents coloniaux autour de lui s'intensifia. Le Cheikh devint alors l'objet d'une attention particulière de la part des autorités françaises, qui cherchaient à infiltrer son cercle rapproché pour obtenir des preuves de sa prétendue rébellion.

Dans ce contexte tendu, Cheikh Ahmadou Bamba reçut une convocation de l'Administrateur du Cercle de Thiès, lui demandant de se rendre à son bureau. Fidèle à son engagement envers Dieu, Cheikh Ahmadou Bamba répondit par une lettre le 4 mai 1903 dans laquelle il affirmait : « Je suis le captif de DIEU et je ne reconnais d'autre maître en dehors de LUI ; je ne rends hommage qu'à LUI seul. » Cette déclaration, loin d'être une provocation comme le pensaient ses adversaires, traduisait plutôt la fidélité du Cheikh à son pacte spirituel avec Dieu, qui lui interdisait d'entreprendre quoi que ce soit sans l'aval divin.

Les autorités coloniales, insensibles à cette perspective spirituelle, interprétèrent cette réponse comme un signe de défiance. Pour elles, l'attitude du Cheikh, ainsi que la loyauté de ses disciples, constituait une menace grandissante. Le gouverneur par intérim, Merlin, convaincu que Cheikh Ahmadou Bamba préparait une révolte, décida d'agir. Le 12 mai, il envoya une seconde missive au Cheikh, cette fois-ci via un émissaire du Cheikh Sidya de Mauritanie, une figure respectée par les autorités françaises et qui entretenait des relations spirituelles avec Cheikh Ahmadou Bamba. Cependant, cette démarche n'aboutit à aucun compromis.

Le 23 mai, une nouvelle lettre fut envoyée au Cheikh, cette fois apportée par l'interprète Farba Biram, pressant Ahmadou Bamba de se rendre à Saint-Louis pour répondre des accusations portées contre lui. Cheikh Ahmadou Bamba refusa une nouvelle fois, considérant qu'il ne devait obéissance qu'à Dieu. Ce refus irrita encore davantage les autorités, qui décidèrent de prendre des mesures plus radicales.

Le 10 juin 1903, un détachement armé composé de 150 tirailleurs et de 50 spahis fut envoyé à Mbacké sous les ordres de l'Administrateur Allys. Leur mission était claire : appréhender le Cheikh, et si nécessaire, réprimer par la force toute résistance de ses disciples. Le but non avoué de cette opération militaire était d'éliminer Cheikh Ahmadou Bamba en cas de troubles, en profitant de l'occasion pour mettre fin à l'influence du Saint homme.

Cependant, face à cette menace imminente, Cheikh Ahmadou Bamba maintint une position de non-violence totale. Ses disciples, bien que prêts à défendre leur maître, furent apaisés par ses paroles empreintes de sagesse : « Je n'espère le soutien d'aucun ami, ni ne crains l'agression d'un ennemi ; je suis entièrement soumis à DIEU. » Avec cette déclaration, le Cheikh montrait qu'il n'était pas un chef de guerre, mais un serviteur de Dieu, dévoué à la paix et à la soumission à la volonté divine.

Cette position ferme permit d'éviter un bain de sang. Cheikh Ahmadou Bamba, fidèle à ses principes, se constitua prisonnier sans opposer la moindre résistance. Cette décision surprit les autorités coloniales, qui n'avaient pas anticipé une telle docilité de la part d'un homme qu'elles percevaient comme une menace. Plutôt que de le juger ou de l'exécuter sur place, elles décidèrent de l'envoyer en exil.

Le 20 juin 1903, Cheikh Ahmadou Bamba fut transféré chez Cheikh Sidya en Mauritanie. Les colons espéraient que l'ascendant spirituel que Cheikh Sidya était supposé avoir sur le Cheikh pourrait influencer ce dernier à adopter une attitude plus conciliante envers les autorités. Ce deuxième exil de Cheikh Ahmadou Bamba en Mauritanie dura quatre longues années.

Cet exil, bien que difficile, fut une nouvelle occasion pour Cheikh Ahmadou Bamba de renforcer sa foi et de méditer sur la mission que Dieu lui avait confiée. Durant cette période, il approfondit encore sa relation avec Dieu et développa davantage son enseignement, consolidant ainsi les fondements du mouridisme. Les disciples, bien que séparés physiquement de leur guide, restèrent fidèles à ses préceptes, convaincus que leur maître reviendrait un jour pour poursuivre son œuvre divine.

Voici donc cet exposé sommaire intitulé « La Vie Extraordinaire de Cheikh Ahmadou Bamba : Le Serviteur du Prophète ». Quiconque y découvrira des lacunes est prié de dissimuler l'imperfection de nom savoir et de demander pardon pour moi au lieu de se détourner de mon exposé ! Car, en dépit de ces lacunes, il y trouvera des idées qu'il appréciera. Cet exposé n'est en outre qu'une introduction à l'ouvrage intitulé « La Vie Extraordinaire de Cheikh Ahmadou Bamba : Le Serviteur du Prophète » du Cheikh Mouhammad al-Bachir fils du Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, celui-ci est un livre exhaustif (Que Dieu l'agrée, facilite sa diffusion, lui en récompense dans l'Au-delà et perpétue sa mémoire grâce à lui. Que Dieu facilite l'achèvement et la diffusion de notre livre et l'agrée grâce à cet ouvrage, à son auteur et à son sujet !). En effet, le Très-Haut est le Détenteur de la grâce, qui nous assiste ici-bas et dans l'au-delà.
Pour des suggestions ou bien remarques faites moi signe sur mon WhatsApp
77-513-69-96

JEUREUDIEUF SERIGNE TOUBA DIARAMA CHEIKH IBRAHIMA FALL

La Vie Extraordinaire de Cheikh Ahmadou Bamba : Le Serviteur du ProphèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant