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Les yeux trahissent,
ce que les lèvres retiennent.





ANGLETERRE-LONDRES
19:05



Le bruit de la porte du commissariat qui se referme résonne encore dans mes oreilles alors que je me glisse dans le taxi. L'air est lourd, saturé de cette odeur persistante de vieux cuir et de tabac froid.

Sa m'étouffe. Mais je dis rien. Pas besoin d'ajouter ça à la liste des conneries de la journée. Le chauffeur, un vieux gars avec les yeux fatigués et un blouson râpé, me regarde à peine. Tant mieux. J'ai aucune envie de parler.
— Où ? Qu'il me lance d'un ton sec, presque distrait.

J'hésite. Un instant. Mon esprit passe en revue les adresses que je connais, mais aucune ne me parle. Au fond qu'est ce que sa change ? Toute les rues de cette villes se ressemblent. Sombres. Délabrées.

Comme moi.
— Rue 17, vers le parc. J'ai balancé cette adresse au hasard, comme ça, pour une débarrasser de la question. Il hoche la tête, indifférent, et appuie sur l'accélérateur.

Je m'enfonce dans le siège, fixant les gouttes de pluie qui commencent à ruisseler sur la vitre. Ça colle à l'ambiance de la soirée. Glauque, morne. Un reflets de mon esprit. Mes doigts tracent des lignes invisibles sur le verre froid, et je me perd dans le défilement de la ville. C'est toujours la même chose : des façades décrépies, des vitrines vides, des gens pressés qui traînent leur existence sans but. Je les connais trop bien, ces visages marqués par la fatigue. Ils me ressemblent. On a tous ce regard éteint, comme si la ville nous avait aspiré la moindre parcelle de vie.

Je suis flic, mais je ne suis pas différente. Je fais semblant, je joue mon rôle. Mais à l'intérieur... à l'intérieur, je me demande encore à quoi tout ça rime. J'ai intégré la police pour quoi, au juste ? Protéger ceux qui en valent la peine ? Ou fuir quelque chose de bien plus sombre ?

Je détourne les yeux du paysage, inspirant profondément. Le cuir du siège craque sous mon poids. Ça fait combien de temps que je me sens comme sa? Vide. Inutile. Comme une pièce de puzzle qui ne rentre nulle part. Je devrais le savoir, non ? Je devrais comprendre pourquoi je suis devenue ce que je suis. Mais non. Rien. Juste du brouillard.

Le chauffeur tousse, brisant le silence pesant. Je ferme les yeux une seconde. J'aimerais pouvoir éteindre mes pensées, les plonger dans un silence complet. Mais elles reviennent, encore et toujours, comme une vague incessante. Qui je suis ? Pourquoi je suis là ? Qu'est ce que je fous, bordel ?
Je secoue légèrement la tête, comme pour chasser ces questions qui me rongent depuis des mois. Depuis cet accident, plus rien ne fait sens. C'est peut-être ça, la vraie question : est-ce que j'ai jamais su qui j'étais ?

Les néons des lampadaires
éclaboussent la cabine d'une lumière orangée. Ma main glissa sur mes cheveux, cramer au fer à lisser, comme un geste machinal. Rien n'a vraiment d'importance. Pas même ce que je vois dans le reflet du rétroviseur. Mon regard croisé celui du chauffeur, furtivement. Il se concentre sur la route, ignorant tout le reste. Encore une fois, tant mieux. J'ai aucune envie de parler de toute façon.

Le taxis ralentit. La rue est vide, à peine éclairée. J'ai pas choisi cet endroit pour une raison particulière, juste parce que c'était quelque part. N'importe où ferait l'affaire. Je sors un billet et le temps sans même regarder la somme.
— Bonne soirée, dit-il d'un ton mécanique.
Je ne répond pas. À quoi bon? Je claque la porte, laissant derrière moi l'odeur de cigarette et cette chaleur oppressante de l'habitacle. L'air frais de la nuit me mort la peau dés que je mets un pieds dehors. Je prend une grande inspiration profonde. Juste quelques secondes de répit, avant que tout ne recommence.

NightBoundOù les histoires vivent. Découvrez maintenant