Les cœurs Serpentard - Tome 1

Chapitre 13 : Derrière le voile

Point de vue : Théodore Nott

Le lac Noir s'étendait devant moi, calme et silencieux, reflétant la lumière argentée de la lune. J'étais venu ici sans trop réfléchir, attiré par le besoin de m'éloigner de la salle commune de Serpentard, de tout ce poids oppressant qui semblait s'abattre sur mes épaules depuis ces derniers jours. Mais maintenant, je regrettais amèrement d'avoir suivi cet instinct.

Je les voyais, à quelques mètres de moi, leurs silhouettes se découpant contre l'eau sombre du lac. Matheo et Alex. Ensemble. Trop proches.

Je n'étais pas venu pour les espionner, pas consciemment du moins. Je voulais simplement trouver un endroit tranquille pour réfléchir. Mais dès que je les avais aperçus, j'avais su que je n'aurais pas dû rester. Pourtant, mes pieds étaient cloués au sol, incapables de me faire rebrousser chemin. Ce que je voyais là, c'était la réalité brute, celle que je refusais de reconnaître depuis trop longtemps.

Je les observais en silence, caché par l'ombre d'un arbre imposant. Matheo avait cette manière de la regarder, cette intensité qui me rendait malade. Ce n'était pas une question de jalousie—ou peut-être que si, après tout. Quoi qu'il en soit, c'était la certitude que tout ce que j'avais craint devenait réalité. Il était en train de la capturer, de l'attirer dans ce monde d'obscurité et de manipulation dans lequel il excellait.

Alex se tenait près de lui, et je pouvais voir l'incertitude dans ses gestes, l'hésitation dans son regard. Mais elle ne reculait pas. Et c'était ce qui me faisait le plus mal. Elle n'était pas indifférente. Elle l'écoutait, absorbait ses paroles comme une vérité qui dépassait tout le reste. Et moi, je restais dans l'ombre, impuissant, à les regarder.

Je fermai les yeux un instant, espérant que lorsque je les rouvrirais, la scène qui se déroulait devant moi aurait disparu. Mais non. Matheo avait pris la main d'Alex, et elle ne l'avait pas retirée. Leur proximité me donnait un goût amer dans la bouche, comme si le sol s'effondrait sous mes pieds.

Je savais que ce moment arriverait, je l'avais vu venir depuis des semaines. Mais une part de moi avait espéré que, d'une manière ou d'une autre, Alex choisirait un autre chemin. Un chemin plus simple, plus sûr. Un chemin avec moi.

Je soupirai intérieurement, essayant de me contenir, mais c'était inutile. Je ne pouvais détourner le regard. Matheo lui parlait, et même d'où je me tenais, je pouvais sentir le poids de ses mots. Je connaissais ce jeu, ce pouvoir qu'il avait de captiver, d'envoûter les gens autour de lui. Mais je savais aussi ce qui se cachait derrière ce masque de charme et de contrôle. Matheo Riddle n'était jamais simple. Il ne donnait jamais sans prendre quelque chose en retour.

Je les observai encore un moment, incapable de faire quoi que ce soit, et chaque seconde passée à les regarder ensemble me poignardait un peu plus. Ce n'était pas de la colère, pas encore. C'était une douleur sourde, celle de voir la personne que j'aimais se diriger vers un chemin que je ne pouvais suivre.

Je repensai à toutes ces conversations avec Alex, à nos moments partagés. Je savais que nous avions quelque chose de spécial. Je pouvais sentir que je lui apportais une forme de paix, de sécurité, que Matheo ne pourrait jamais lui offrir. Mais la sécurité n'était peut-être pas ce qu'elle cherchait. Je ne pouvais pas être Matheo. Je ne voulais pas l'être. Mais là, au bord de ce lac, je réalisai que c'était peut-être précisément ce qu'elle recherchait : cette intensité, ce danger.

Je serrai les poings, sentant la frustration monter en moi. Pourquoi fallait-il que ce soit lui ? Pourquoi fallait-il qu'elle soit attirée par cette obscurité, par cette complexité, alors que je lui offrais quelque chose de plus simple, de plus vrai ?

Un rire léger d'Alex me sortit de mes pensées. Elle avait toujours ce rire particulier, presque timide, et entendre ce son alors qu'elle était avec lui... C'était trop. Je sentis une boule se former dans ma gorge.

Je ne pouvais pas rester là plus longtemps. C'était insupportable.

Je fis un pas en arrière, prêt à m'éclipser discrètement, mais une branche craqua sous mon pied. Le bruit, bien que faible, résonna dans le silence de la nuit. Je vis Alex se tourner légèrement, ses yeux balayant les ombres, cherchant la source du bruit. Mon cœur accéléra, mais je restai immobile, retenant mon souffle.

Ses yeux passèrent à quelques centimètres de l'endroit où je me cachais, sans me voir. Mais je pouvais voir son visage, et c'était là que je réalisai pleinement la profondeur de ce qui était en train de se passer. Ce n'était pas une simple hésitation, ce n'était pas un jeu pour elle non plus. Elle était déchirée, mais elle était là. Avec lui. Pas avec moi.

Je fis demi-tour, prenant soin de ne plus faire de bruit cette fois. Je ne pouvais pas rester là et regarder ça se dérouler sous mes yeux. C'était trop douloureux, trop réel.

En m'éloignant du lac, je me sentis comme un spectateur inutile dans une pièce que je n'avais jamais voulu jouer. J'avais cru que peut-être, juste peut-être, Alex finirait par me choisir, qu'elle verrait en moi quelque chose de plus sain, de plus stable. Mais à cet instant, j'avais l'impression de la perdre. Non, je la perdais déjà.

Le chemin du retour à la salle commune me parut interminable. Les couloirs déserts amplifiaient le bruit de mes pas, me ramenant sans cesse à mes pensées. Je savais que ce que je venais de voir ne me quitterait pas de sitôt.

Et une part de moi, aussi douloureuse que cela puisse être, savait que la bataille entre Matheo et moi venait peut-être de se terminer avant même d'avoir vraiment commencé.

Elle l'avait peut-être déjà choisi.