L'Aube des Décisions

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Chloè était profondément endormie, bercée par la tranquillité de la nuit praguoise, lorsque le bruit feutré de vêtements froissés la tira doucement de son sommeil. Elle ouvrit les yeux à moitié, les paupières lourdes, et aperçut une silhouette familière se mouvant dans la pénombre de la chambre.

— Frantisek ? Pourquoi es-tu réveillé ? murmura-t-elle d'une voix encore endormie.

Son fiancé, déjà en train de boutonner sa chemise d'uniforme, se retourna vers elle avec un sourire rassurant.

— Désolé, ma chérie, j'ai reçu une convocation urgente pour me présenter à l'unité. Probablement une sorte d'exercice militaire, rien de grave, répondit-il d'un ton apaisant.

Chloè, encore engourdie par le sommeil, hocha la tête en signe de compréhension. Frantisek s’approcha du lit, l’embrassa tendrement sur le front, puis se hâta de terminer de s'habiller. Quelques minutes plus tard, il était prêt, son uniforme impeccable. Avec un dernier regard et un sourire confiant, il quitta l'appartement précipitamment, laissant Chloè seule dans l'obscurité.

Bien qu'elle fût encore épuisée, le départ soudain de Frantisek avait réveillé en elle une inquiétude sourde, difficile à ignorer. Elle tenta de se rendormir, mais l'idée qu'une urgence puisse réellement se cacher derrière cette convocation ne cessait de la tourmenter. Finalement, résignée, elle se leva et se dirigea vers la cuisine.

Elle alluma une petite lampe et mit de l'eau à chauffer pour préparer un café. La lumière tamisée projetait des ombres douces sur les murs, créant une atmosphère qui aurait dû être réconfortante, mais Chloè sentait son anxiété grandir. En attendant que l'eau bout, elle alluma la radio, espérant trouver une distraction dans les nouvelles matinales.

Elle se rendit ensuite dans la salle de bains pour prendre une douche, espérant que l'eau chaude l'aiderait à dissiper la tension qui s'était installée en elle. Alors qu'elle se rinçait les cheveux, des mots venant de la radio, à peine audibles, la firent se figer.

« …le gouvernement tchèque a convoqué une réunion d'urgence du conseil national de sécurité… »

Ces quelques mots suffirent à raviver ses soupçons. Une réunion d'urgence à cette heure tardive ? Quelque chose de sérieux devait se passer.

Chloè se dépêcha de sortir de la douche, s’enroulant dans une serviette. Elle se rendit dans la cuisine, attrapa sa tasse de café fumant, puis s'assit à la table avec sa tablette. Elle consulta immédiatement les services d'information tchèque. Les nouvelles étaient encore fragmentaires, mais plusieurs médias locaux faisaient état d'une réunion urgente du conseil national de sécurité. Les détails étaient minces, mais suffisamment alarmants pour justifier l'appel de Frantisek.

L'inquiétude de Chloè monta d'un cran. Elle saisit son téléphone et appela son informateur du ministère des Affaires étrangères.

— Allô, c’est Chloè. Tu as un instant pour me dire ce qu’il se passe ?

La voix à l'autre bout du fil semblait pressée, tendue.

— Chloè, je n'ai pas beaucoup de temps. Il se passe beaucoup de choses en ce moment. Je peux juste te dire que l'ambassade russe à Prague a été fermée. C'est tout ce que je peux dire.

Chloè sentit un frisson glacé parcourir son échine.

— Fermée ? Mais qu'est-ce que ça veut dire ? s'exclama-t-elle, tentant de garder sa voix posée. Il doit bien y avoir quelque chose de plus… Donne-moi quelque chose !

L'informateur sembla hésiter un instant, avant de lâcher dans un souffle :

— Écoute, rends-toi au Château de Prague. Je m'occuperai de ton entrée. Mais fais vite.

Sans perdre une seconde, Chloè se leva, attrapa ses vêtements et s'habilla à toute vitesse. En un rien de temps, elle était prête à partir. Elle saisit son sac, ferma la porte de l’appartement derrière elle, et descendit précipitamment les escaliers. Une fois dehors, elle commanda un taxi, son cœur battant à tout rompre.

Pendant qu'elle attendait, elle appela son rédacteur en chef, Vincent. Il décrocha après quelques sonneries, sa voix trahissant son état de somnolence.

— Chloè, il est à peine trois heures du matin. Qu'est-ce qui se passe ?

— Vincent, les autorités tchèques ont convoqué une réunion urgente du conseil national de sécurité. Et… l'ambassade de Russie à Prague a été fermée.

Il y eut un silence à l'autre bout du fil, puis Vincent sembla se réveiller complètement.

— Fermée, tu dis ? Bon sang… OK, Chloè, je veux que tu restes sur le terrain. Je vais réveiller l'équipe et on va te suivre en direct. Garde ton téléphone allumé.

Le taxi arriva enfin. Chloè monta à l'intérieur, indiquant au chauffeur de la conduire au Château de Prague. Le trajet, bien que rapide, lui parut interminable. Ses pensées tournaient en boucle, chacune plus inquiétante que la précédente.

Une fois arrivée au Château, elle se heurta immédiatement à un cordon de sécurité renforcé. Les gardes en faction lui refusèrent l'entrée, malgré son insistance. Frustrée, Chloè sortit son téléphone et appela son informateur. Quelques minutes plus tard, un homme sortit du bâtiment et se dirigea vers elle. C’était lui, un employé du ministère des Affaires étrangères qu’elle connaissait bien.

— Suis-moi, murmura-t-il en jetant un coup d'œil rapide autour de lui.

Chloè le suivit à l'intérieur, son cœur battant à tout rompre. Ils traversèrent plusieurs couloirs avant d'arriver à une grande salle, déjà bondée. Au centre se trouvait une table entourée des principaux dirigeants du pays : le Premier ministre, le président, et plusieurs ministres. Autour de cette table, des hauts fonctionnaires et du personnel des différents ministères se tenaient debout, l'air grave.

Elle se fit discrète, se fondant dans la masse des observateurs. Le Premier ministre se leva et prit la parole d'une voix solennelle qui résonna dans toute la salle.

— Après de longues discussions avec le président et tous les cercles d'experts, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il est nécessaire de prendre des décisions importantes et historiques pour la République tchèque. Compte tenu de la politique agressive de la Russie et des actions hostiles de ses services ces derniers mois, nous devons réagir fermement. Nous avons donc décidé qu'une opération militaire spéciale est nécessaire, une opération qui dissuadera les Russes de poursuivre leurs actions, mais qui permettra aussi de réparer les torts historiques et de restituer les terres tchèques indigènes à notre pays.

Un murmure parcourut la salle. Chloè, elle, était stupéfaite. Incapable de se contenir, elle s'avança légèrement et lança d'une voix forte :

— Quelles sont ces terres tchèques indigènes que possède la Russie ?

Le Premier ministre tourna lentement la tête vers elle, son visage impassible.

— Selon les dernières recherches des historiens de l'Université Charles, les terres de l'actuelle région de Kaliningrad étaient originellement peuplées par des colons tchèques. Il est donc de notre devoir de rétablir l'autorité tchèque sur Královec.

Chloè sentit son cœur s'emballer. Était-ce une plaisanterie de mauvais goût ou le début d'une crise sans précédent ?

— Vous plaisantez, j'espère ? lança-t-elle, son incrédulité transparaissant dans sa voix.

Le Premier ministre soutint son regard, sérieux.

— Je vous assure, mademoiselle Morel, que nous ne plaisantons pas. Il est de la responsabilité de la République tchèque de rétablir son autorité sur Královec.

Un silence lourd tomba sur la salle, tandis que Chloè se rendait compte de l'ampleur de ce qui venait d'être annoncé. Une nouvelle ère de tensions s'ouvrait devant elle, une ère qui pourrait bien changer le visage de l'Europe.

Opération KrtekOù les histoires vivent. Découvrez maintenant