Le studio de télévision était un reflet de la Russie d'après-guerre : dévasté, morose, et hanté par les fantômes du passé. Les murs autrefois ornés d'emblèmes patriotiques étaient marqués par les éclats de verre et les impacts de balles, souvenirs d'une bataille récente. Dans ce décor sinistre, un seul homme se tenait devant les caméras, résolu à poursuivre son émission comme si le monde ne s'était pas effondré autour de lui.
Vladimir Solodiov, l'animateur infâme, connu pour ses monologues enflammés et ses diatribes nationalistes, commença son émission avec un ton inhabituellement calme, presque résigné.
« Le monde a été ébranlé par les récents événements qui se sont déroulés à Moscou. Le régime criminel de Vladimir Vladimirovitch, soutenu par le FSB et les forces de sécurité, qui terrorisait la nation, est tombé. Aujourd'hui déjà, nous pouvons parler de justice historique.
Aujourd'hui, à Prague, Vladimir Vladimirovitch, Shoygun, Dmitry Medvediet et d'autres éminents activistes du Kremlin sont sur le banc des accusés. »
Sa voix résonnait dans le silence glacial du studio. Pas d'applaudissements, pas de réactions du public, seulement le vide. L'atmosphère pesante témoignait du changement irréversible que la Russie venait de vivre.
« Nous connaissons déjà l'ampleur des crimes du Kremlin, le pillage de milliards, le vol de biens nationaux, l'attaque criminelle contre l'Ukraine et le massacre de civils ukrainiens, l'assassinat et la séquestration d'opposants. »
Solodiov marqua une pause, laissant ses mots se dissiper dans l'air froid du studio. Ses yeux, qui brillaient autrefois d'une conviction farouche, semblaient maintenant ternes, presque perdus.
« Oui, nous avons tous été bercés de silence. Et il est étonnant que le fier peuple russe se soit laissé abrutir à ce point. »
Il baissa légèrement la tête, comme s'il portait sur ses épaules tout le poids de la culpabilité collective.
« Pourquoi ? Pourquoi la nation a-t-elle été si passive, si apathique, autorisée à faire littéralement tout ce que veulent les criminels du Kremlin ? S'agissait-il seulement d'une question d'argent, ou peut-être d'une vie meilleure, ou peut-être de la vision de la seule, grande et puissante Russie. La seule fierté possible dans un monde pauvre, gris et exploité. »
Solodiov se redressa, retrouvant un semblant d'énergie, cherchant une réponse là où il n'y en avait probablement pas.
« Quelqu'un dirait que c'est la faute des médias. Après tout, ce sont les médias, emmenés par cette chaîne, qui ont promu la politique du Kremlin, qui ont été le tube de propagande de Vladimir Vladimirovitch. Mais… »
Avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, une détonation sourde retentit à travers le studio. La panique envahit l'air. Une grenade fumigène éclata, remplissant la pièce d'une épaisse fumée grise. Des cris confus se mêlèrent au bruit des bottes martelant le sol. En quelques secondes, une unité d'élite du GIGN envahit le plateau.
Solodiov, abasourdi, fixa les commandos qui se déployaient autour de lui. Il recula d’un pas, puis s'effondra au sol, les yeux écarquillés de peur et d'incompréhension.
L'un des commandos s'approcha rapidement, menottes à la main. En un éclair, il lui passa les poignets derrière le dos et le souleva sans ménagement.
— Pourquoi…? balbutia Solodiov, la voix tremblante, son visage se crispant sous l'effet de la panique.
Le commandant, un homme imposant avec un regard froid, se pencha légèrement vers lui.
— Vous êtes détenu pour participation à un groupe criminel organisé, crimes contre l'humanité, vol de biens nationaux et quatre-vingt-dix autres chefs d'accusation, répondit-il d'un ton ferme. Un acte d'accusation complet vous sera présenté en garde à vue.
Solodiov, effondré par la réalité qui s'imposait à lui, ne trouva plus de mots. Ses années de service au régime, ses discours enflammés, ses manipulations… tout cela l'avait conduit à cet instant de chute inéluctable.
Les caméras, toujours en marche, capturèrent chaque seconde de l'arrestation. Puis, avec une efficacité redoutable, l'un des commandos s'approcha de l'objectif, et d'un geste précis, couvrit la lentille de sa main.
L'écran devint noir. Fin de l'enregistrement.
Le silence qui suivit fut total, brisé seulement par le lointain écho des sirènes résonnant dans les rues de Moscou. La chute du dernier propagandiste marquait la fin d'une époque de terreur et d'oppression. Mais pour la Russie, un long chemin restait à parcourir, celui de la réconciliation, de la justice, et peut-être un jour, de la paix.
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Opération Krtek
Fiction HistoriqueChloé Morel, journaliste pour Paris 24, se retrouve plongée au cœur d'un conflit géopolitique lorsque Kaliningrad, rebaptisé Královec, devient le terrain d'une lutte militaire entre l'OTAN et la Russie. Alors que la guerre s'intensifie, elle découvr...