Le Choc de la Réalité

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Dans la salle de conférence du Château de Prague, le silence pesant qui avait suivi la déclaration du Premier ministre fut interrompu par l'ordre formel qu'il donna en se tournant vers un général à l’allure imposante. Ce dernier se leva de sa chaise, son visage austère ne laissant transparaître aucune émotion. Il s'agissait du général Jaroslav Dvořák, chef d'état-major de l'armée tchèque, un homme réputé pour sa rigueur et son patriotisme inébranlable.

— Mesdames et messieurs, commença-t-il d'une voix grave, notre opération militaire spéciale a été minutieusement planifiée. Nous allons procéder à la reconquête de Královec, anciennement connu sous le nom de Kaliningrad.

Derrière le général, une carte détaillée de la région de Kaliningrad apparut sur l’écran géant. Chloè remarqua immédiatement que le nom de la région avait déjà été changé en *Královecký kraj*. Un frisson la parcourut en réalisant la détermination des autorités tchèques à faire de ce projet une réalité.

— L'opération sera menée depuis les airs, continua le général Dvořák. Nos forces spéciales, une unité d'élite, entreront dans la région à bord d'avions spécialement conçus pour être invisibles aux radars russes. Une fois sur place, nos commandos auront pour mission de paralyser les forces de police locales ainsi que les agents du FSB, avant de procéder à l'arrestation du gouverneur de la région.

Chloè, incapable de contenir son agitation, leva la main pour prendre la parole. Les regards se tournèrent vers elle, et elle s’exprima d’une voix empreinte de scepticisme.

— Mais c'est absurde ! s'exclama-t-elle. Les Russes disposent de forces bien plus importantes que celles de l'armée tchèque, même dans cette région. Comment pouvez-vous espérer réussir une telle opération ?

Le général Dvořák, loin d'être déstabilisé par la remarque, répondit calmement :

— Vous avez raison, mademoiselle Morel, les Russes disposent de forces numériquement supérieures. Cependant, nos forces spéciales sont bien mieux entraînées et équipées que n’importe quelle unité russe actuellement déployée à Kaliningrad. Nous avons la certitude que nos commandos peuvent neutraliser les défenses locales avant que l'armée russe régulière ne puisse réagir.

Le général se retourna vers la carte et poursuivit son exposé comme si l'interruption n'avait jamais eu lieu.

— L'armée régulière russe, en effet, pourrait poser un problème plus sérieux, reconnut-il. Toutefois, nous avons également progressé dans ce domaine. Grâce aux efforts de nos services de renseignement, une opération d'alcoolisation massive des troupes russes présentes à Kaliningrad a été menée avec succès. L'état de ces forces est actuellement déplorable. Nos agents ont constaté que les soldats russes ne sont plus en état de mener des opérations de combat dignes de ce nom. Au mieux, ils pourraient déclencher des bagarres d'ivrognes, un problème que la police tchèque, qui commencera à se former dans ces nouveaux territoires, devra gérer.

Chloè n'en croyait pas ses oreilles. L'absurdité de la situation semblait atteindre des sommets. Mais avant qu'elle ne puisse réagir davantage, le Premier ministre reprit la parole, coupant court à toute protestation.

— Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour votre présence ce matin, y compris les représentants des médias internationaux. Je vous informe qu'à l'heure où nous parlons, l'opération spéciale est déjà en cours.

Un murmure parcourut la salle. Chloè se redressa, se sentant soudain étourdie par l'ampleur de ce qui se déroulait sous ses yeux. Elle se leva à son tour et demanda, sa voix légèrement tremblante :

— Monsieur le Premier ministre, n’est-ce pas là une violation flagrante du droit international ? La saisie d'un territoire souverain, même sous prétexte de réparations historiques, est un acte d'agression. Comment justifiez-vous cela ?

Le Premier ministre grimaça légèrement, mais avant qu'il ne puisse répondre, le président de la République tchèque, un homme d'apparence plus douce mais au regard déterminé, prit la parole à sa place.

— Mademoiselle Morel, un référendum sera bien entendu organisé dans les territoires libérés. Les citoyens eux-mêmes pourront décider de leur appartenance. Toutefois, je ne doute pas que les habitants de Královec ressentent des liens profonds avec la République tchèque. Nous ne faisons que leur redonner la voix qui leur a été confisquée par l'Histoire.

Les paroles du président semblaient avoir été soigneusement choisies pour apaiser toute critique. Pourtant, elles ne parvinrent pas à dissiper l'inquiétude de Chloè, qui ressentait au contraire une montée de panique. Avant qu'elle ne puisse poser d'autres questions, la réunion se conclut par des applaudissements retentissants et un chœur spontané de l’hymne national tchèque, chanté par les personnes présentes. L'atmosphère était irréelle.

Une fois la réunion terminée, Chloè se fraya un chemin à travers la foule pour sortir du Château. Elle avait à peine mis un pied dehors que l'équipe de Paris 24 apparut, la caméra déjà en marche. Encore sous le choc, elle entra dans le journal télévisé du matin, sa voix tremblante d’émotion alors qu’elle transmettait l'incroyable nouvelle :

— Ici Chloè Morel, en direct de Prague pour Paris 24. Il est trois heures trente du matin, heure locale, et je vous annonce que la République tchèque a lancé une opération militaire pour prendre le contrôle de la région de Kaliningrad, rebaptisée Královecký kraj. Oui, vous avez bien entendu, la Tchéquie vient d'envahir un territoire russe.

Dans le studio parisien, le présentateur avait du mal à cacher son incrédulité. La nouvelle était si improbable qu’il la répéta lentement, s’assurant qu’il n’avait pas mal entendu :

— Chloè, vous nous dites que la République tchèque a envahi Kaliningrad ? Cela semble… difficile à croire.

— C’est pourtant la réalité, répondit-elle, tentant de garder son professionnalisme malgré la situation. Les autorités tchèques viennent de confirmer que l'opération est en cours, justifiant leur action par des raisons historiques et sécuritaires.

Le présentateur, conscient de la gravité de la situation, termina le segment en demandant à ses téléspectateurs de rester à l'écoute pour plus de détails. Dès que la diffusion fut terminée, Chloè se retrouva seule un instant, son esprit encore embrouillé par tout ce qu'elle venait de voir et d'entendre.

Elle fut soudain tirée de ses pensées par une voix familière. Le Premier ministre s'approchait d'elle, son visage éclairé d'un sourire énigmatique.

— Mademoiselle Morel, j'aimerais vous proposer quelque chose.

Chloè, encore sous le choc, hocha la tête, curieuse de ce que l'homme politique pouvait bien vouloir lui dire.

— En tant que correspondante internationale, vous aimeriez peut-être accompagner nos troupes à Královec et dans les territoires libérés ? Nous comptons beaucoup sur l’opinion internationale, et votre présence pourrait nous aider à faire preuve de transparence. De plus, vous seriez plus proche de votre fiancé. Frantisek, si je ne m'abuse ?

Chloè, déconcertée par cette proposition, prit un moment pour digérer l’information.

— Frantisek va bien ? demanda-t-elle, une pointe d’anxiété dans la voix.

— Oui, rassurez-vous, répondit le Premier ministre d’un ton rassurant. Il est actuellement responsable de l'unité qui a pris le FSB.

Les paroles du Premier ministre achevèrent de convaincre Chloè. Si Frantisek était en sécurité et qu’elle pouvait rester près de lui tout en couvrant cette histoire incroyable, elle ne voyait pas de raison de refuser.

— J'accepte, déclara-t-elle finalement.

Sur ce, elle quitta le Château et retourna chez elle, où elle appela immédiatement son patron, Vincent, pour lui faire part des propositions du Premier ministre.

— Chloè, c’est incroyable ! Grâce à toi, Paris 24 aura les toutes dernières nouvelles du front ! s’exclama Vincent, manifestement ravi.

Chloè acquiesça machinalement, encore en proie à des émotions contradictoires. Une fois la conversation terminée, elle s'assit sur son lit, se demandant ce qu'elle devait emporter pour ce voyage dans l’inconnu. Ses pensées s’entremêlaient : l’adrénaline de la mission à venir, l'inquiétude pour Frantisek, et la stupéfaction face à cette décision historique qui pourrait bien changer le cours de l’histoire européenne.

Opération KrtekOù les histoires vivent. Découvrez maintenant