45. La rafle

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Pdv Korzan

La voix de Sehva, étouffée par la peur me parvient par fragments à travers les échos de l'appartement fouillé.

— Je vous ai dit que je ne le connais pas ! crie-t-elle, mais sa voix tremble, sur le point de céder.

Je perçois la tension dans le silence lourd qui suit. Les soldats n'ont pas l'air convaincus. Un bruit de métal retenu, comme un objet lourd jeté au sol. Puis, des rires secs emplissent l'air, ceux des hommes qui se croient tout-puissants, sûrs de leur emprise sur une femme désespérée.

Sehva se met à hurler tandis que les rires redoubles.

Mon poing se serre à en faire craquer les jointures.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que je me prépare à intervenir. Je prends une profonde inspiration et attrape un morceau de bois parmi les débris jonchant l'escalier. D'un geste vif, je le jette sur une vitre à quelques mètres de l'appartement, espérant attirer l'attention des soldats sur l'éclat soudain du verre qui se brise.

Le fracas résonne comme un coup de tonnerre dans le silence pesant de la rue. Aussitôt, les voix à l'intérieur se taisent, remplacées par des ordres aboyés. Les soldats se précipitent hors de l'appartement, laissant la porte béante derrière eux, à l'affût du moindre mouvement dans l'ombre.

— Restez ici et surveillez l'intérieur ! ordonne un soldat, tandis que deux autres parties inspectent la source du bruit.

C'est notre chance.

Yaldoh n'hésite pas une seconde. Il se faufile jusqu'à la porte ouverte, profitant de la confusion générale. Je me plaque contre le mur, retenant mon souffle alors que les deux soldats restants surveillent les environs, trop préoccupés pour remarquer le léger craquement de plancher derrière eux.

— On va sortir d'ici, murmure-t-il, et je devine à travers le mur l'étreinte désespérée qu'ils partagent.

Mais alors que je crois que notre plan fonctionne, l'un des soldats se retourne, son regard se fige sur la silhouette de Yaldoh.

— Toi ! s'écrie-t-il en dégainant son arme.

Sans attendre, je surgis de l'ombre et attrape le bras du soldat, le tordant avec toute la force que la peur et la colère me donnent. Son arme claque au sol et il pousse un cri de surprise avant que mon poing ne s'abatte sur son visage. L'autre soldat se tourne vers moi, dégainant à son tour, cependant Yaldoh se précipite sur lui, le déséquilibrant juste assez pour lui arracher sa lame.

Le premier soldat tente de se relever, le nez en sang, je l'assomme avant qu'il ne puisse crier. Yaldoh et Sehva sont déjà prêts à sortir.

— Allez, suivez-moi, murmuré-je.

Derrière nous, les soldats partis enquêter sur la fausse alerte reviennent, mais nous avons déjà pris trop d'avance. Les ruelles se referment sur nous comme un labyrinthe protecteur, et la ville semi-désertique nous engloutit dans ses méandres.

Quand les événements prennent une tournure sombre, Yaldoh est le premier à plaisanter, à trouver une manière de tourner les choses en dérision, même lorsque la tension est palpable. Sauf aujourd'hui, la façade habituelle de Yaldoh a complètement disparu. Depuis l'instant où il a vu sa sœur en danger, son expression a changé du tout au tout. Sa légèreté s'est évaporée, laissant place à une détermination froide, presque brutale.

Yaldoh n'est pas complètement étranger au combat, contrairement à ce que l'on pourrait penser en le voyant plaisanter en toutes circonstances. C'est un forgeron, un artisan au savoir-faire précis, habitué à manipuler le métal et le feu, à donner forme à des armes robustes et tranchantes. Bien qu'il ait toujours préféré rester derrière son enclume, il n'a pas passé toutes ces années à forger sans prendre le temps d'apprendre à manier les armes qu'il crée. Après tout, il faut connaître la lame pour savoir la perfectionner.

Sanvisage ~ Le DétenteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant